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Iles britanniques

L’été des Noyés, John Burnside (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Août 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

L’été des Noyés (A summer of drowning). Août 2014. Traduit de l’anglais (Ecosse) par Catherine Richard. 320 p. 20 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

Un roman de Burnside est toujours un moment d’éternité. Il n’y est pas de frontière spatiale, ni temporelle. Il n’y est pas de frontière non plus entre la réalité et le monde des chimères. Tout est suspendu dans l’air, incertain, improbable, oscillant, inquiétant. « Scintillation », son dernier opus avant celui-ci, nous avait déjà emmenés dans cet univers insécuritaire, menaçant, sans que l’on sache d’où, de qui, vient la menace. On ne sait même pas s’il y a vraiment menace. Un roman de Burnside dérange, questionne, ne répond pas, ne rassure jamais.

« L’été des noyés » emprunte – un peu – au roman noir : des jeunes gens disparaissent. Thème obsessionnel chez Burnside puisque dans « Scintillation » des enfants déjà disparaissaient. Mais il y a aussi du roman d’horreur : démons et forces du Mal sont à l’œuvre. Kyrre Opdahl, le vieux pêcheur en a convaincu la jeune Liv : Trolls, sirènes et par-dessus tout la Huldra – séduisante et terrible maîtresse du monde des Ténèbres – sont plus réels que ce qui semble être le réel. Le cadre de la Norvège septentrionale offre un écrin parfait aux fantasmagories les plus effrayantes : Lumière blanche et crue après l’interminable obscurité hivernale. Et dans l’entre-deux une période terrible d’entre-deux justement, où l’on perd le sens même de l’être.

Rouge ou Mort, David Peace

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Août 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

Rouge ou mort (Red or Dead), traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias. 22 août 2014. 800 p. 24 € . Ecrivain(s): David Peace Edition: Rivages

 

« And you'll never walk alone...
You'll never walk alone. 
Walk on, walk on, with hope in your heart, 
And you'll never walk alone... 
You'll never walk alone. »*

 

Ce livre n’est pas un roman – bien qu’il soit romancé. Ce n’est pas non plus un récit historique, bien que tout y soit rigoureusement fondé sur la réalité vécue. Ce n’est pas enfin un grand poème, bien que la langue y soit l’objet d’un travail permanent de rythmique et de sonorités. Ce livre – ce grand livre – est une Messe solennelle, une suite de psaumes, un hymne sacré dédié au football. Au Liverpool Football Club. A son entraîneur historique Bill Shankly. A son public de supporters passionnés, les prolétaires de Liverpool. Ce livre est chanté à un million de voix pour la gloire éternelle des « Reds », les « rouges », ceux qui ne « marcheront jamais seuls »*.

War and Breakfast (Shoot, Get Treasure, Repeat), vol 1, Mark Ravenhill

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 21 Août 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

War and Breakfast (Shoot, Get Treasure, Repeat), vol 1, traduit de l’anglais par M. Goldberg, C. Hargreaves, D. Hollier, G. Joly, S. Magois et B. Pélissier, juin 2014, 224 p. 17 € . Ecrivain(s): Mark Ravenhill Edition: Les solitaires intempestifs

 

« Pourquoi vous nous faites sauter ? »

Ces premiers mots du volume 1 de War and breakfast sonnent comme un coup de tonnerre : il sera question de la violence de la guerre, du terrorisme et d’une société sûre de ses valeurs contre le monde des « enturbannés » dans la suite des neuf pièces courtes d’un ensemble qui en compte dix-sept, que Ravenhill publia en Angleterre en 2008, soit cinq ans après le début de la guerre en Irak menée aux côtés des Etats-Unis, sous le gouvernement Blair. Chacune d’entre elles est traduite par un traducteur jouant à la fois sur l’idée d’une suite dans laquelle chaque texte peut-être autonome mais aussi constitué comme un morceau d’un puzzle dramatique. En effet, d’une pièce à l’autre, l’auteur établit des ponts : retour de certains personnages (en premier lieu, les soldats), de certains dispositifs (chœurs et dialogues), expressions en leitmotive telles « liberté et démocratie » ou « alléluia ! ». La guerre du titre en est le fil conducteur et le breakfast, l’écho dérisoire des occidentaux même si la fresque a été montée à l’heure du petit-déjeuner, durant l’édition de 2007 à Edimbourg.

Un homme au singulier, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Juillet 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Un homme au singulier (A single man). Traduction de l'anglais Léo Dilé. Avril 2014. 175 p. 8,20 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dire à chaque opus d’Isherwood qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre va finir par paraître conventionnel. Et pourtant que dire d’autre en tout premier sur ce bijou de roman qu’est « un homme au singulier » ? Un condensé de vie, de douleur, de solitude et d’apaisement nous attend dans ce petit livre.

Une journée, une, dans la vie au crépuscule de George. Il est seul, envahi par le souvenir omniprésent de Jim, mort il y a peu et qui l’a laissé derrière, désemparé. La vie continue certes mais quelle vie ? Ecornée, étrangère à soi, orpheline. On ne se fait pas à la mort de l ‘autre, on vit autour d’une béance, d’un trou infini.

« Et c’est ici, presque tous les matins, que George, arrivé au pied de l’escalier, a cette sensation de se trouver soudain au bord d’une corniche à pic, brutalement creusée, aux arêtes vives – comme si la route avait été emportée par un glissement de terrain. C’est ici qu’il s’arrête pile et sait, avec une acuité à donner la nausée, presque comme pour la première fois : Jim est mort. Est mort. »

La violette du Prater, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Juin 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La violette du Prater (The Prater Violet). Traduit de l’anglais par Léo Dilé. Grasset Cahiers rouges avril 2014. 150 p. 7,90 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dans l’œuvre d’Isherwood, pourtant très fournie, il n’y a que des chefs-d’œuvre. Certes « Adieu à Berlin » y fait figure de sommet mais ce roman-ci est aussi l’œuvre d’un maître. Tout l’art d’Isherwood s’y retrouve, cette capacité à glisser sur la toile de fond sombre de l’histoire du XXème siècle pour se réfugier – et nous réfugier – dans le destin somme toute trivial de personnages romanesques.

Romanesque, comment l’être plus que la figure centrale de ce livre : Bergmann, metteur en scène de cinéma digne du personnage de Falstaff du grand Will. Enorme, baroque, génial, bruyant, agaçant, attachant ! Le narrateur, le jeune écrivain/scénariste « Isherwood », mais oui, en est tout ébouriffé mais fasciné surtout. Les quelques semaines partagées à travailler avec Bergmann à la réalisation d’un film, « la violette du Prater », seront pour lui un vrai parcours initiatique. Pas seulement au plan professionnel, mais surtout au plan humain.

Les scènes désopilantes se succèdent sous les yeux ébahis des collaborateurs du film et d’Isherwood.