Identification

Iles britanniques

Les filles au lion, Jessie Burton

Ecrit par Theo Ananissoh , le Lundi, 15 Mai 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Les filles au lion, mars 2017, trad. anglais Jean Esch, 484 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Jessie Burton Edition: Gallimard

 

A la page 366, un personnage (il vient de perdre son épouse), parlant du premier mari de celle-ci – un juif disparu pendant la Seconde Guerre mondiale – soupire : « Hitler, voilà ce qui lui est arrivé. Comme à nous tous ». Entre 1936 et 1945, deux catastrophes majeures sont arrivées à l’Europe : la guerre civile en Espagne et les nazis. Jessie Burton fait germer son histoire dans ce terreau gorgé de sang. Le roman est dense, méticuleux, passionnant. Et double. La première histoire que découvre le lecteur est située à Londres, en 1967. La seconde en Andalousie, en 1936, juste avant le début du conflit féroce qui opposa les nationalistes et les républicains espagnols.

En 1962, Odelle Bastien, jeune noire née et grandie à Trinidad, dans les Caraïbes, arrive à Londres. Hitler lui est arrivé à elle aussi – son père, engagé dans la RAF, a été abattu au-dessus de l’Allemagne pendant la guerre. Odelle veut devenir écrivain. En attendant, et pendant les cinq années qui précèdent le début du roman, elle est vendeuse dans un magasin de chaussures. Cet emploi l’ennuie, et elle aimerait bien changer pour quelque chose de moins éloigné de ses projets littéraires. Une galerie d’art, enfin, accepte sa candidature.

Un paria des îles, Joseph Conrad

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Samedi, 13 Mai 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Un paria des îles, janvier 2017, trad. Georges Jean-Aubry, révisée par André Bordeaux, 448 pages, 12 € . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Gallimard

Un paria des îles est d’abord, comme on dirait d’un tableau, un paysage mais un paysage peu fait pour la vue. Dans la jungle, « l’avalanche de rayons brûlants » à midi ou la pénombre, au-delà du halo des feux allumés la nuit devant les cabanes, aveugle. Au contraire, l’ouïe, accoutumée aux roulements du fleuve, s’aiguise à l’éveil des bruissements nocturnes dans les clairières. Là, on sent feuilles et palmes basses frôler la peau et on goûte, sur les lèvres, le sel de la sueur ou l’amertume des fleurs.

L’auteur se défend pourtant, dans sa note de préface, de tout exotisme. « C’est à coup sûr le plus tropical de mes récits orientaux. Le décor en soi s’est fermement emparé de moi à mesure que j’avançais, peut-être parce que (je peux bien l’avouer) l’histoire ne me tint jamais vraiment à cœur ».

Récit tropical, donc, qu’Un paria des îles, mais récit d’aventures ? Personnages et contexte concourent à celles-ci autant que le décor. Lingard, Almayer et Willems sont des Européens venus tenter fortune sur les mers et les terres malaises. Leurs intérêts entrent en conflit avec ceux des autochtones et des Arabes. Chez tous, des figures respectées, d’autres déchues et celles de l’ombre ainsi que des femmes, liant ou divisant les clans. Le comptoir, fait de baraquements, longe l’appontement du fleuve dont chaque marin rêve de percer les secrets de navigation pour le remonter et exploiter les richesses de la forêt. Au bout du fleuve, un monde inexploré. Bref, tous les ressorts du roman d’aventures…

Dans les eaux troubles, Neil Jordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Mai 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Dans les eaux troubles (The Drowned Detective), avril 2017, trad. anglais (Irlande) Florence Lévy-Paoloni, 274 pages, 22 € . Ecrivain(s): Neil Jordan Edition: Joelle Losfeld

 

Neil Jordan n’a guère son pareil pour créer des univers en-soi, situés on ne sait pas bien où, peuplés par on ne sait pas bien qui, traversés par des événements des plus étranges. Ce roman, passionnant de bout en bout, ne fait pas exception : on entre dans un monde recomposé à partir des passions et des drames de notre monde. Pour mieux marquer ce « départ » du réel ordinaire, le roman met en scène un héros, Jonathan, qui a quitté son Angleterre natale pour rejoindre on ne sait trop quel pays de l’Est, l’une des anciennes républiques soviétiques. Etrangement, ce pays, cette ville, jamais nommés, sont fortement présents dans le roman. Les descriptions en sont même méticuleuses :

« Nous gravîmes une rue pavée en pente raide, presque médiévale, dont les façades semblaient s’incliner à la rencontre de celles d’en face, comme si leurs gouttières et leurs pignons voulaient se toucher. Peut-être qu’un jour cela se produirait. Ces bâtiments penchaient depuis trois cents ans, les petites fenêtres étaient écrasées par le poids des briques au-dessus et les toits avaient perdu tout semblant de ligne droite ».

Quand monte le flot sombre, Margaret Drabble

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Christian Bourgois

Quand monte le flot sombre (The Dark Flood Rises), mars 2017, trad. anglais Christine Laferrière, 452 pages, 23 € . Ecrivain(s): Margaret Drabble Edition: Christian Bourgois

 

Ce roman sombre et grave est très attachant. Son personnage central, Fran, est une « jeune » septuagénaire autour de laquelle se déploie un réseau serré d’ami(e)s, de famille, et vieilles personnes qu’elle va visiter dans des institutions spécialisées en gérontologie. Ce n’est pas un métier, c’est une sorte de mission personnelle, en tout cas une véritable passion. C’est la mort qui passionne Fran. Pas la mort quand elle survient vraiment, mais quand elle est à l’œuvre chez les gens qui vieillissent, quand elle érode les corps, les plissent, les affaiblit, leur provoque des douleurs. Ce qui passionne Fran c’est « quand monte le flot sombre ».

Cela n’est pas fait de façon sinistre ou angoissante, loin de là ! Ce roman est doux, plein de tendresse et d’optimisme. Les personnages – même ceux que la vie a éloignés géographiquement – se préoccupent les uns des autres, maintiennent les liens du cœur issus de leur jeunesse. Fran est une « grande sœur » pour Teresa, une vieille amie malade, pour Claude, son ex-mari – également malade (faut-il le préciser ?), pour tous les gens qu’elle visite, pour ses enfants bien sûr.

Car si l’on nous sépare, Lisa Stromme

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 27 Mars 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Car si l’on nous sépare, Lisa Stromme, éd. HarperCollins, traduiction de l'anglais collective, mars 2017, 321 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Lisa Stromme

 

La réécriture de la vie d’un peintre, y compris sous l’angle purement romanesque est un exercice malaisé. Lisa Stromme, auteure de Car si l’on nous sépare, se sort avec brio de cette embûche. Nous sommes en 1893, en Norvège, patrie d’Edvard Munch, peintre le plus célèbre de ce pays, dans le petit village de pêcheurs d’Asgardstrand. Johanne Lien, fille d’un fabricant de voile, est embauchée le temps d’une saison chez les Ihlen, famille bourgeoise. Elle se lie avec l’une des filles de la maison, Tullik Ihlen, qui va lui présenter bientôt Edvard Munch, et l’introduire dans le monde de la bohème et des artistes, univers inconnu de cette jeune fille promise à Thomas, un martin-pêcheur du village qui envisage de l’épouser.

Le roman de Lisa Stromme est articulé par chapitres, chacun traitant d’une couleur ou d’une technique de l’art pictural. Ces titres de chapitres sont inspirés de l’œuvre de Goethe, Traité des couleurs. Au-delà de ce découpage, c’est la découverte par les deux principales héroïnes du roman, Johanne et Tullik, qui nous est offerte par Lisa Stromme. Ainsi, de la perspective de l’émancipation, de l’exercice du libre arbitre que Johanne pressent en écoutant son amie évoquer Hans Jaeger, peintre norvégien :