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Les Chroniques

Voyage en haute Connaissance, Bertrand Vergely (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 25 Janvier 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Voyage en haute Connaissance, Bertrand Vergely, Les éditions du Relié (Guy Trédaniel), janvier 2023, 336 pages, 18 €

 

Le sous-titre de cet essai (Philosophie de l’enseignement du Christ) en indique clairement l’objet et l’enjeu ; une interprétation spéculative (mais ardente, et joyeuse !) de la nature du Christ et du message évangélique depuis l’idée d’une Vie infinie qui s’incarne en lui, et vient nourrir exemplairement la capacité propre à l’homme, par sa raison consciente et libre, de « faire vivre la vie même qui est en lui ». Or le constat de l’auteur (p.120) est sans appel : « Nous voulons apporter une réponse aux questions que pose la vie et nous ne sommes pas vivants ! ». Or « il faut être un être humain qui est. Pour être cet être humain, il faut avoir rencontré l’être, ce qui fait être et celui qui est et qui fait être. Le Christ a cette science » (p.89). « Haute Connaissance » est donc d’abord la science de vivre de tout son être ! C’est pourquoi, l’idée de vie étant omniprésente ici, quelques mots sur son sens (d’abord bien sûr biologique), pourront aider à saisir à quel titre, selon Bertrand Vergely, une Vie divine pourrait éclairer toute vie humaine depuis celle même du Christ.

Bumboat, Pierre Vinclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 17 Janvier 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie, Le Castor Astral

Bumboat, Pierre Vinclair, Le Castor Astral, septembre 2022, 88 pages, 12 €

 

Il y a peu d’années, l’auteur, qui habitait alors Shanghai avec sa  femme Clémence, annonçait à son ami Ivan – le fameux poète Ivar Ch’Vavar – son probable départ pour Singapour (où le présent livre fut écrit et se tient) en un sonnet drôle et parfait – figurant dans le recueil « Sans adresse » (Lurlure, 2018) :

 

« Ivan, ne prends pas tout de suite un billet pour

Shanghai : il se pourrait que nous quittions la Chine

au début de l’été. Une grosse semaine –

quinze jours : nous saurons dans un délai très court.

Je dis, je tais, j’avance en faisant un détour,

révélant quand… mais la destination ? Devine !

Un déconstructeur nommé Spinoza (par Patricia Trojman)

Ecrit par Patricia Trojman , le Vendredi, 13 Janvier 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Arno Münster, spécialiste des philosophes de l’école de Francfort fait partie de cette brillante génération des penseurs du post-marxisme qui travaille d’un point de vue critique sur tous les grands débats idéologiques contemporains qui exigent une nouvelle éthique politique : la violence, la démocratie, l’hyper-capitalisme, l’environnement. C’est tout dernièrement la traduction en français des Quatre conférences d’Ernst Bloch sur Spinoza paru aux Editions Delga que l’on doit à la découverte d’Arno Münster que la presse ne devrait pas tarder à saluer comme l’événement intellectuel majeur pour l’année 2022, tant cet écrit permet une nouvelle approche de la philosophie de Spinoza en la ramenant à son héritage culturel profond. Car pour Ernst Bloch dont l’œuvre célèbre est Le Principe Espérance, connaître Spinoza implique un retour à ses racines juives et à l’hébreu dont il n’a pas manqué de consacrer à la fin de sa vie une Grammaire hébraïque. E. Bloch a l’illumination de poser des questions transparentes sur l’Ethique, que nul auparavant n’avait posé : pourquoi l’Ethique s’appelle l’Ethique ?, qu’est-ce que Spinoza désigne par substance ? pourquoi l’homme ne disparaît-il pas dans la définition océanique de la substance par exemple ?

Giono et la nouvelle d’atmosphère : relire Solitude de la pitié (par Olivia Guérin)

Ecrit par Olivia Guérin , le Jeudi, 12 Janvier 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Quand on pense à l’œuvre de Giono, on pense au premier chef aux romans de sa deuxième période, comme Un roi sans divertissement (1947) ou Le hussard sur le toit (1951). Il est pourtant une partie de son œuvre bien intéressante et trop peu connue : ses nouvelles, en particulier celles d’avant-guerre. Je m’intéresserai ici au recueil Solitude de la pitié, initialement paru en 1932.

Pour ma part, j’affectionne tout particulièrement le premier Giono, celui des chroniques paysannes, de la Trilogie de Pan (Colline, Un de Baumugnes, Regain), où l’auteur s’est attaché à décrire le monde rural de Haute-Provence, les gens de peu, la nature, avec une affection et une vigueur rarement égalées. En lisant Solitude de la pitié, j’ai eu plaisir à retrouver ses portraits mi-affectueux mi-moqueurs des paysans de cette région (par exemple dans la nouvelle « Joselet »), dans des textes où l’auteur s’amuse à pointer leurs petites marottes (« Jofroi de la Moussan ») ou leurs grandes folies (la pièce maîtresse du recueil est sans conteste la longue nouvelle « Prélude de Pan », racontant une scène de transe qui s’empare de tout un village et se termine en orgie).

Annie Ernaux, la “race” et l’écriture de la violence (par Pierre Lurçat)

Ecrit par Pierre Lurçat , le Mercredi, 11 Janvier 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Il faut lire le discours de réception du Prix Nobel (1) d’Annie Ernaux, pour décrypter le message politique qu’elle y exprime, et pour comprendre ce qui a été récompensé à travers elle et à travers son œuvre. Message de radicalité et de violence, assumée au nom d’une « lutte des classes » et d’une guerre des sexes (« venger mon sexe »), qui résonne bien plus en réalité avec la radicalité contemporaine qu’avec les références littéraires dont elle pare son discours.

Dans une interview à Marie-Claire (2) en mars 2021, l’écrivain explicitait son recours au mot « race » et sa phrase tirée d’un de ses carnets, « J’écrirai pour venger ma race », en les reliant à la phrase de Rimbaud, « Je suis de race inférieure, de toute éternité », tirée de son poème « Mauvais sang ». Plus encore qu’une mystification littéraire, il y a là une manipulation politique, bien caractéristique de notre époque et de ses errements. Quand Rimbaud écrit « Je suis de race inférieure, de toute éternité », il ne parle évidemment pas du concept de race, tel que nous le comprenons aujourd’hui, avec toute la charge historique et symbolique qu’il a acquise depuis son époque.