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Les Chroniques

Consentir à être vous, Correspondance, Joseph Joubert, Pauline de Beaumont (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 06 Janvier 2025. , dans Les Chroniques, La Une CED

Consentir à être vous, Correspondance, Joseph Joubert, Pauline de Beaumont, Éditions des Instants, novembre 2024, 176 pages, 16 €

Je n’ai pas voulu finir hier soir ma lecture de la correspondance de Joubert et Pauline de Beaumont car je voulais demeurer encore avec eux – et je me trouvais bien à baigner dans cette délicatesse et cette courtoisie, cette bienveillance, cette langue parfaite si agréable à écouter mentalement (je finirai tout à l’heure ; à moi de dire : Encore un instant, monsieur le bourreau).

Je ne voulais pas que Pauline, épuisée par la maladie, meure hier soir ; c’est dire combien l’on s’attache à elle à travers ces missives. On admire du reste le fonctionnement de la poste à l’époque.

Il y a longtemps que je n’ai pareillement été captivée par un livre. Tout y est si vrai et naturel.

Je dois avouer que longtemps je n’ai moi-même écrit que des lettres, et que la forme épistolaire m’est particulièrement chère. Je crois même que c’est celle qui demeurera quand les autres auront disparu. On y touche des yeux un cœur battant, une subjectivité et l’humeur changeante ; on est happé par celui qui semble vous parler à bout portant.

Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Décembre 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Pays nordiques, Seuil

Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum, Seuil, 2008, trad. néerlandais Philippe Noble, Isabelle Rosselin, 1088 pages, 37 €

 

Etty Hillesum grandit plus vite que son ombre. Sa pleine humanité mûrit en deux ans (1941-1943), et de manière d’autant plus surprenante et émouvante qu’elle croît – en responsabilité, en justesse – déjà à peu près (historico-politiquement) condamnée, certaine de finir vite et lamentablement sa vie, comme Juive traquée de la Hollande vaincue. Bref : elle se sait grandir (d’esprit et de destin – puisque l’adolescence est terminée) pour autre chose que sa propre vie adulte (dont elle n’aura à peu près, comprend-elle, aucune chance de jouir). Son immense effort n’avait donc, consciemment, pas elle-même pour but. Une jeune femme de 27 ans, très sensuelle et infiniment vive, s’avouant – dès les premières lignes de son Journal – « je ne suis en tout cas pas mon but », cela étonne et promet.

Griffes 15 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Mardi, 10 Décembre 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Le Club des enfants perdus, Rebecca Lighieri, éd. POL, août 2024, 528 pages, 22 €

D’après une revue fort sérieuse « Le roman de la Génération Z qui fait enrager les réacs ». Passons sur l’expression « faire enrager », gentille niaiserie. Rager, ça, ça aurait eu du punch. Et sur de quelle génération sont les réacs. En fait un roman SUR la génération Z, puisque Lighieri, née en 1966, est une Génération X.

Trois monologues se suivent. Tout d’abord Papa (un X tardif, artiste, infect, ego boursouflé, caricature d’un aveuglement (de genre ? De classe ? De génération ?). Vient ensuite La Fille : ego boursouflé, clamant haut et fort (mais secrètement) sa différence difficilement visible dans une personnalité reproductible à perte de vue. Et on finira par Papa, inchangé.

Marigold et Rose, Un récit, Louise Glück (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Décembre 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Marigold et Rose, Un récit, Louise Glück, Gallimard, novembre 2024, trad. anglais (États-Unis), Marie Olivier, 76 pages, 12 €

 

Partage

J’ai bu à petites gorgées le récit de Louise Glück que publient les éditions Gallimard, et je me suis enivré de cette histoire d’enfance où l’écrivaine américaine distille l’ironie, laquelle ouvre des portes vers le monde de l’intellection, permettant de réfléchir à la question de l’identité féminine, et cela avec une dose d’humour parfois. Nonobstant, le thème principal est celui du partage, de la description d’une vie clivée, d’une schize.

Et a priori la gémellité des sœurs aide grandement ce dédoublement de la parole infantile – qui n’est pas du tout ici un babil, mais une langue savante et très chantante. L’on y voit bien sûr en creux la personne de la poétesse dans son identité partagée entre son père et sa mère, et surtout mettant en lumière le lien charnel avec sa sœur Rose, l’une des jumelles.

Patchwork, Christian Ducos (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 04 Décembre 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Patchwork, Christian Ducos, Le Pauvre Songe Éditions, octobre 2024, 64 pages, 12 €

 

« Qu’adviendrait-il d’un oiseau en vol si par malheur il venait à prendre conscience de son état d’oiseau ? Il est probable que son vol s’en ressentirait gravement, la fine mécanique des plumes n’aurait plus la même précision, la même spontanéité d’action, d’adaptation au vent, le surplomb du gouffre durant le vol probablement se teinterait d’une sensation jusqu’alors inconnue de vertige. Expulsé de l’impensé, de l’incalculé, contraint à la pénétration brutale dans l’atmosphère de la conscience de soi, comment l’oiseau pourrait-il survivre à pareille violence ? Que resterait-il alors de la légèreté du vol, de l’innocence de l’envol ? Mais en irait-il autrement si à la place du mot oiseau on trouvait le mot poète, saint ou savant ? Comment la légèreté d’être, l’innocence créatrice pourraient-elles sans disparaître supporter pareille chute dans l’image de soi ? » (p.29).