Identification

Les Chroniques

Poussière dans le vent, Leonardo Padura (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Amérique Latine, Roman

Poussière dans le vent, Leonardo Padura, Editions Métailié, 2021, trad. espagnol (cubain) René Solis, 640 pages, 24,20 €

« Cuba no » vu par la face émigrés de tous temps et de tous genres, mais « Cuba si » par l’amour ou le rejet jamais complet que portent à leur île solaire tous ces Cubains d’ailleurs…

On est, avec ce Poussière dans le vent, venu du « dust in the wind » d’une vieille chanson américaine, dans une littérature propre aux Caraïbes et à l’Amérique latine dans son ensemble ; romanesque en diable, nourrie de grandes histoires (et ancrée à une forte Histoire aussi du reste), charriant des personnages épiques dont le sort jamais simple est de nature à aller vers l’universel. Récits colorés, dont la part de flamboyance plus ou moins appuyée, confine parfois à un certain baroque inhérent à la culture de ces pays-là. Le roman de Padura a de tout ça un peu, sauf sans doute le côté baroque. Il y a, au rebours, des éléments de littérature américaine du nord, l’intime des personnages qui dirige le récit, et un aspect road-movie par le recours systématique aux lieux géographiques, traités comme autant de personnages.

Baudelaire, le temps, la mort (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Juin 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Toute l’œuvre poétique de Baudelaire est irriguée par le temps. Les plus grands poèmes des Fleurs du Mal comportent dès leurs deux premiers vers, comme une marque itérative – presque une signature – un mot ou une locution qui situe le propos dans le temps. Citons-en quelques-uns, parmi les plus célèbres :

 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle …

°

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige …

°

Tu réclamais le soir, il descend le voici …

°

Les Trois Malla-moulgars, Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 13 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Trois Malla-moulgars, Walter de la Mare, Éditions Callidor, mars 2023, trad. anglais, Maxime Le Dain, Ill. Anouck Faure, 392 pages, 25 €

 

Avant de s’intéresser à proprement parler au roman de Walter de la Mare, il me faut mettre l’accent sur ce qui, d’emblée, attire l’œil vers les livres des Éditions Callidor : le travail d’édition est tout simplement éblouissant. Devant nous, l’esthétique de l’objet est aussi fabuleuse que le livre dont nous allons parler, faite d’une mise en relief discrète sur les 1° et 4° de couverture, rehaussée d’un bleu métallique, aussi bleu que des pieds tout juste sortis de la neige sous l’éclat d’un rayon lunaire ; les rabats de la couverture nous cachent une autre illustration envoûtante de l’artiste principale, Anouck Faure, dont le trait s’accorde parfaitement à l’atmosphère du roman ; par ailleurs, les préface et postface nous dévoilent le travail des différents illustrateurs qui ont imaginé The Three Mulla-mulgars ; jusqu’au choix de la police de caractère pour les titres de chaque section, il semble que l’apparat général, selon Callidor, doive être à la hauteur de la richesse de l’œuvre qui nous est présentée. Et dans ce cas précis, c’est on ne peut plus justifié.

Transformations, Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, USA, Poésie

Transformations, Anne Sexton, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, mai 2023, trad. anglais (USA), Sabine Huynh, 120 pages, 14 €

 

Un univers

Je connais maintenant la poésie d’Anne Sexton, dans sa traduction française récente. Et de mes premières lectures de ses poèmes, j’ai été sûr qu’il s’agissait d’une voix, d’un univers, à la fois proches de Sylvia Plath, développant un style propre, un monde à part, un monde borderline au sens fort du terme : à la bordure. Il en est encore question ici, dans ce mélange, cette approche du conte pour enfant par le poème. Cette tentative est inouïe, car elle demande une force exceptionnelle pour articuler la prosodie du poème à la rhétorique du conte. Le conte universel se dilate dans cette poésie contemporaine (ces textes datent de 1971). Et ce qui ressort de ce travail, c’est un ton énigmatique, une légère euphorie liée à une ivresse des motifs, quelque chose de poreux en tout cas.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 €

Dérision

C’est principalement le mot dérision que je retiens de ma lecture du Bestiaire d’Alexandre Vialatte. Absurdité au même titre que la retrace la pièce La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Donc quelque chose qui mêle le tragique et le dérisoire, la profondeur et la légèreté, le sérieux et l’amusant. Cet échange entre l’ironie parfois mordante et une sorte d’émerveillement devant la nature des animaux, fait du bien au lecteur lequel s’abreuve des animaux du chroniqueur du quotidien régional La Montagne, comme il le ferait des Caractères de La Bruyère. Avec l’humour en plus.

L’intérêt du liseur c’est que les textes restent verticaux et ne fonctionnent que par verticalité. Replier ces dactylogrammes sur le syntagme ferait rater tout le suc de la pensée de Vialatte, fine, humoristique, mêlée d’une pointe d’angoisse. On apprécie cette littérature que conçue comme tentative de saisir dans l’axe paradigmatique l’intelligence de ces portraits d’animaux lesquels fournissent une impression de léger vertige, allant vers de l’inconnu, au travers de ces bêtes touchées d’étrangeté. Il s’agit de pointer un faux sérieux, là où le paradigme permet des choix, de préférer tel plan de l’expression, celui de la dérision.