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Les Chroniques

Le Nouveau, Philippe Sollers (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Mars 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Gallimard

Le Nouveau, Philippe Sollers, Gallimard, mars 2019, 144 pages, 14 €

 

« Pour les séances en mer, Le Nouveau, petit format, traînant derrière lui sa barque, fera l’affaire. Ancrage à 100 mètres, on part très tôt le matin avec la marée, rentrée le soir avec le retour de l’eau. Louis a prolongé cette tradition, qui se retrouve avec moi dans l’encre bleue, le matin et en fin d’après-midi, face au large. Les mouettes commencent leur ballet fou, elles crient dans le ciel d’orage. Je pense à Edna, ma belle Irlandaise. Sa photo est là, sur la cheminée. Elle à l’air gaie ».

Pas surprenant lorsque l’on habite une île, et que l’on est Bordelais, d’avoir des passions marines, pas surprenant lorsque l’on est écrivain, et grand lecteur de Conrad, de souvent prendre le large, à Venise, faisant sienne la devise de Joyce : « Le silence, l’exil, la ruse ». La maison de l’Ile de Ré s’invite souvent sur la pointe des pieds dans les romans de Philippe Sollers. Silencieuse, habitée de silence et de mémoire, elle ne fait pas de vagues, elle est là, comme une boussole, un pôle, qui abrite « L’Isolé absolu » (1). Dans ce film pour la télévision, l’écrivain montre de la main gauche des pages de son cahier, écrites à l’encre bleue :

Flaubert, Marie-Hélène Lafon (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 22 Mars 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Flaubert, Marie-Hélène Lafon, Buchet Chastel, coll. Les Auteurs de ma vie, octobre 2018, 176 pages, 14 €

 

« Flaubert for ever.

Je l’appelle aussi Le Bon Gustave. Alors que.

Je vis un peu avec lui ; nous faisons bon ménage ; c’est facile avec les morts.

L’amour de loin ».

Ainsi débute l’ouvrage que Marie-Hélène Lafon consacre à un auteur qui a marqué sa vie d’écrivain. Un bel hommage construit en deux parties distinctes. La première partie est consacrée à éclaircir le choix qu’elle a fait de Flaubert dans cette collection que l’éditeur Buchet Chastel intitule Les Auteurs de ma vie.

Marie-Hélène Lafon ne revisite pas toute l’œuvre de Flaubert. Ceux qui retiennent son attention sont ceux dans lesquels, comme dans ses romans à elle, on retrouve des personnages qu’il a rencontrés, connus, avec qui il a frayé.

Romans, Patrick Modiano (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Roman

Romans, Patrick Modiano, Gallimard coll. Quarto, 2013, 1088 pages, 24,50 €

 

La narration chez Modiano : la simplicité d’une économie prodigue

Travail d’éditeur et travail d’auteur se répondent dans cet opulent volume où figurent, avec six autres romans, Rues des Boutiques obscures, Remise de peine, Chien de printemps, Dans le café de la jeunesse perdue.

Ces pages par centaines qu’on ne se lasse pas de tourner mettent en valeur l’immense créativité de l’artiste sous des apparences de rengaines déjà entendues.

Alors voici…

Si Rues des Boutiques obscures est d’emblée captivant, d’autres incipit laissent planer la menace d’une déception (voilée), d’un ennui (feutré). Car sans s’attendre à rien de particulier – où serait le plaisir de découvrir un nouvel opus ? – on ne s’attendait pas à cela non plus.

La poésie de Werner Lambersy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 20 Mars 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La poésie de Werner Lambersy est chant épique. Résistance et tentative de sauvegarder le « chant perdu ». Comment continuer de recharger la force de frappe poétique des mots ? Le chant augural, fondateur, ouvrait des perspectives de lignes hautes où l’horizon s’offrait dans le champ infini des possibles. Mais à présent que « l’épopée est morte » et que « nous ne sommes plus à la hauteur » de nous hisser à la grandeur terrible et splendide de dieux et de défis qui nous transcendaient, où allons-nous puiser « la dimension d’âme nécessaire » à la réalisation des exploits (littéralement « hauts faits ») qui devraient pour la motiver animer nos existences d’errants voyageurs en quête d’un Graal authentique, audacieux, courageux, opiniâtrement recherché ? La poésie de Werner Lambersy, vaste chant épique déroulé en une bibliothèque vivante, nous console en nous apportant la preuve par les mots que l’épopée, si elle se meurt, n’est pas tout à fait morte. Comme Ulysse revint vers Ithaque recommencer l’ambitieuse volonté des départs, le poète déroule et reformule incessamment la lumière du Verbe pour coudre, de sa tisserande parole poétique, le métier de vivre ; d’écrire ; d’exister. Écrire l’acmé de l’écume depuis les Lignes de fond, leurs lames, jusqu’aux crêtes du vertige et des ressacs renouvelés dans chaque retour, tel est le défi incessamment porté par le poète. Mais encore faut-il, pour que le retour en éternel recommencement s’exécute, que l’aller veuille s’amorcer, que les Hommes désirent retrouver l’élan des quêtes audacieuses et ambitieuses, humanistes.

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Gallimard

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri, Gallimard, L’Infini, mars 2018, trad. italien et allemand Pascal David, 488 pages, 36,50 €

 

Martin Heidegger est mort voilà plus de quarante ans et c’est peu dire que l’œuvre immense qu’il a laissée n’est pas d’un accès aisé. Il n’eut rien d’un philosophe facile dans le style de Michel Onfray ou de Luc Ferry. Pourtant, quatre décennies après sa disparition, ce penseur, génie pour les uns, magicien de la complication inutile pour les autres (on y reviendra) fait encore parler de lui, pas seulement dans les revues professionnelles de philosophie, mais dans les journaux : ainsi lorsque fut révélé le contenu de ses « cahiers noirs ».

L’expression même de « cahiers » ou de « carnets noirs » était de nature à susciter des fantasmes. Il s’agit simplement de carnets recouverts de toile noire, comme chacun peut s’en procurer dans le commerce, afin de noter ce qu’il juge bon de l’être. Heidegger y transcrivait jour après jour des réflexions qui, ensuite, prenaient ou non place dans ses cours, ses conférences ou ses essais. Rien que de très banal, sauf que par une sorte de synecdoque, la couleur noire des couvertures en est venue à désigner une partie du contenu.