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Les Chroniques

Les Roses blanches, Gil Jouanard (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Lundi, 07 Janvier 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Roses blanches, Gil Jouanard, Phébus, 2016, 320 pages, 22 €

La chanson mélodramatique Les Roses blanches interprétée par Berthe Sylva donne le titre à ce roman. C’est le récit d’une vie, celle de la mère de Gil Jouanard. Mais c’est aussi celle du narrateur, son fils. Comment vit-on avec une mère telle que la sienne ? Comment la perçoit-on ? Comment se construit-on avec et contre elle ? C’est toute l’interrogation de ce récit romanesque.

Juliette, l’héroïne du roman, est née au début du siècle dernier, au fin fond de la Lozère, dans un trou de rien du tout où l’on vit comme au Moyen-Âge. Au départ, une vie de rien qui devient sous la plume de l’auteur une « vie augmentée » comme on parle aujourd’hui d’« homme augmenté ». « Le lieu, les circonstances et l’environnement qui avaient présidé à sa soudaine irruption à la surface du monde visible étaient si confondants d’archaïque rusticité qu’ils étaient tout ce qu’on voudra sauf ordinaires ».

Nous partageons avec le narrateur la trajectoire mouvementée de son héroïne, qui quitte les bancs de l’école à huit ans, juste le temps d’apprendre à lire et à écrire, qui travaille dur très jeune, qui tente de se construire une vie avec ce bagage limité, comme elle peut, qui vagabonde d’exil en exil, de son pays natal à Paris, de Paris au Vaucluse, de là dans le fin fond du Connecticut, puis en Allemagne et enfin retourne en France pour y finit ses jours. Qui peine, auprès de chaque homme qui la pousse au départ, à trouver le bonheur. Et le fils la suit dans ses pérégrinations.

Idiotie, Pierre Guyotat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Idiotie, Pierre Guyotat, Grasset, août 2018, 256 pages, 19 €

 

Récit organique

Je suis un peu impressionné d’écrire sur le dernier livre de Pierre Guyotat, livre qui a reçu d’importants prix littéraires et qui provient d’un écrivain que l’on sait à la fois secret et très exigeant. Décrivons juste le déroulement du récit – un peu comme s’il fallait parler de cinéma ou de théâtre tant les actions du livre sont images et voix. Nous commençons par la fugue de l’auteur à Paris depuis Lyon. Là, on suit l’itinéraire d’un fugueur pauvre qui se nourrit essentiellement de pain et d’huile, et vit dans un monde un peu interlope, celui des prostituées et de leurs souteneurs. Puis vient la guerre d’Algérie qui commence par une sorte de scène de torture exercée contre Pierre Guyotat lui-même, laquelle forme le décor brutal de ce départ indésiré. Indésirée aussi la réclusion au cachot en Algérie. Et vers la fin de l’ouvrage, l’auteur trouvera une issue à ce qui est le fond disons, organique, de sa quête, dans la consommation de l’acte sexuel.

Michel de Montaigne, artisan de la laïcité diversitaire (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

Michel de Montaigne travaille dans sa bibliothèque, nichée dans une tour de son château, où les œuvres d’Aristote, d’Avicenne (Ibn Sina), d’Averroès (Ibn Rochd) occupent une place centrale. « Je passe dans ma bibliothèque la plupart des jours de ma vie et la plupart des heures du jour ». « Là, je feuillette à cette heure un livre, à cette heure un autre, sans ordre et sans dessein, à pièces décousues. Tantôt je rêve, tantôt j’enregistre et dicte, en me promenant, mes songes que voici ».

Montaigne installe sa librairie, microcosme circulaire où la liberté se goûte dans la solitude, comme un poste stratégique, où il se protège des tumultes extérieurs et veille en même temps sur ses affaires. « Je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde ». « J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades ».

Solal et les Solal, Albert Cohen (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Solal et les Solal, Albert Cohen, Gallimard, coll. Quarto, octobre 2018, édition de Philippe Zard, 1664 pages, 34 ill., 32 €

 

Soit Belle du Seigneur :

Ô aigu bonheur du secret. Avant la représentation, elle lui avait dit qu’au premier acte lorsqu’elle descendrait les marches, sa main se poserait près de l’aine, pour prendre de l’étoffe et soulever un peu la robe, une robe d’un bleu profond, un bleu si beau, et ainsi par ce geste il saurait qu’en cet instant, étrangère et lointaine, c’était à lui qu’elle pensait, à leurs nuits.

Elle allait, nue sous la robe voilière qui claquait au vent de la marche, marche enthousiaste, marche de l’amour, et le bruit de sa robe était exaltant le vent sur son visage était exaltant le vent sur son visage haut tenu, son jeune visage en amour.

La Styx Croisières Cie (8) Août 2018 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« … son pied glissa et, à l’instant suivant, plouf ! elle se trouvait plongée jusqu’au menton dans l’eau salée. Sa première idée fut qu’elle était, par suite de circonstances inexplicables, tombée dans la mer. “Dans ce cas, se dit-elle, je pourrai prendre le train pour faire le voyage de retour” (Alice était allée au bord de la mer une fois dans sa vie, et, par une généralisation hâtive, elle en avait conclu que partout où l’on va sur les côtes anglaises on trouve un grand nombre de cabines de bain trempant dans l’eau, des enfants en train de creuser des trous dans le sable à l’aide de pelles en bois, puis une rangée de pensions de famille et, derrière ces pensions de famille, une gare de chemin de fer). Cependant, elle ne tarda pas à comprendre qu’elle se trouvait dans la mare formée par les larmes qu’elle avait versées lorsqu’elle avait deux mètres soixante-quinze de haut ».

Lewis Carroll, traduction H. Parisot

Jules de Montalenvers de Phrysac, noté dans le Livre de mes Mémoires