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Les Chroniques

Ainsi parlait, Léonard de Vinci (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arfuyen

Ainsi parlait, Léonard de Vinci, Arfuyen, janvier 2019, trad. Louis Gehres, 172 pages, 14 €

 

Forces et formes de la connaissance

L’initiative de Gérard Pfister, directeur des éditions Arfuyen, de créer une collection capable de faire état, dans une synthèse du travail littéraire, d’un auteur important, joue son rôle ici pleinement. Les textes du célèbre peintre de la Renaissance, qui sont tirés de quelques 13000 pages où dessins, manuscrits, plans d’ingénieur ou d’architecte se côtoient à l’aventure, donnent un aperçu synoptique de l’univers intellectuel et artistique du créateur de La Joconde. Il en découle que le monde de Vinci est celui de la connaissance, offrant dans ses tentatives d’approche un univers stimulant, connaissance au sens strict et fort du terme. Du reste, le Quattrocento est déjà en lui-même un grand passage, le climax de la connaissance humaine, autant pour les arts que pour la science, voire la technique. De cela, Vinci se fait le miroir, interroge la mémoire, l’art, la vérité, le mensonge, la nature, la science, tout ce qui peut découler de la force de l’entendement.

Gare à Lou !, Jean Teulé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 12 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Gare à Lou !, Jean Teulé, Julliard, mars 2019, 182 pages, 19 €

Un dessin. Du noir et du blanc. Ça commence par un dessin. Un poisson. Une chambre d’enfant. Lou a douze ans.

Lou-Moaï Seigneur a une mère, une mère qui a un talent, Roberte fabrique des vasarbres en argile et rêve d’avoir son atelier de poterie.

Lou est toute puissante. Ce qu’elle désire se réalise.

Amusez-vous à la contrarier et vous serez engloutis sous cent quarante kilos de crottin.

La mère dort sur le canapé, dort dans le salon, le salon cuisine, fait ce qu’elle peut pour payer la pièce qui sert à tout, un deux-pièces pour elles deux. À payer en euros-yens. Lou a sa chambre, Lou voit le monde depuis son petit donjon. Elle vit Avenue du Bonheur, habite une tour appelée L’Immeuble de l’Incendie. Au deux-cent-soixante-treizième étage, appelé l’étage des indigents, sans majuscules. Écorche-cieux ou crève-yeux. Le conte n’a pas sa place ici. Entre réalité et magie, entrons plutôt chez Jean Teulé par les double-portes, les grincements comme autant de ricanements, en poussant des portes coupe-feu. Pour voir soudain se métamorphoser les papiers en fleurs, les larmes en mers, les cheveux en vagues. Voir toutes nos injures se matérialiser.

L’étranger, Albert Camus (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 12 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’étranger, Albert Camus, Gallimard, coll. Folio, 2013, 183 pages, 8,70 €

 

Albert Camus (1913-1960) est précis dans sa préface à l’édition américaine de L’étranger (1955). Il écrit que Meursault est « étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle ». Et lorsque le meurtre advient, c’est parce que tous ses sens sont hébétés, à l’image de ce passage de La Montagne magique de Thomas Mann (nouvelle traduction, Fayard, 2016) : « Un tournant du chemin donna vue sur une gorge rocheuse et boisée, enjambée par une passerelle, où s’abîmait la cascade, et, au moment où on l’aperçut, l’effet sonore atteignit son paroxysme dans un effroyable tohu-bohu. Les masses d’eau se précipitaient à la verticale en une seule cataracte haute de sept à huit mètres, également d’une largeur considérable, avant de retomber, blanches, sur des rochers. En s’abattant, elles faisaient un tapage insensé, avec toutes les tonalités et intensités sonores pêle-mêle, coups de tonnerre et sifflements, hurlements, clameurs, cuivres, détonations, crépitements, vrombissements, carillonnements à hébéter tous les sens ».

Le Grand Veneur des âmes, Max de Carvalho (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 11 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Grand Veneur des âmes, Max de Carvalho, Arfuyen, février 2019, 171 pages, 16 €

 

Maison d’âme

Je commence ces lignes pour mettre en lumière l’intérêt que j’ai pris au dernier livre de Max de Carvalho. En effet, je vois ici ou là de grands massifs conceptuels, ce qui ne permet pas de résumer cette profusion, la prolixité de cette poésie, qui tient tout autant, peut-être, de la contingence comme l’exprime en un sens André Frénaud, tout en allant vers une expression plus ample et plus englobante, comme on en rencontre dans la poésie de Jean de la Croix. D’ailleurs dès le titre nous sommes informés. Ce chemin intérieur qui se donne à lire, tourne autour de la question de l’âme, et de toute la complexité de cette épithète. Ainsi, qui est ce veneur des âmes ? Quelles âmes poursuit-il ? Est-ce une question de sauvagerie, comme l’indique le caractère violent du veneur ? L’âme a-t-elle quelque chose de solide pour être pourchassée ? Est-elle mise au rang du poème lui-même, ce qui décrirait un poète en quête ? Peut-elle d’ailleurs être contenue dans un poème ? Ou est-ce plus simplement voir une âme résider et abonder dans la grande spiritualité occidentale, humaniste et propre à la sagesse gréco-latine ?

Histoire de la Révolution française Tomes I, II, Michelet en la Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Une CED, Histoire, La Pléiade Gallimard

Histoire de la Révolution française Tomes I, II, Michelet, Gallimard La Pléiade, février 2019, direction de Paule Petitier, 1500 pages, 62,50 € le volume jusqu’au 31/12/2019

 

« L’historien vise d’abord à ressusciter la Révolution telle qu’en elle-même, dans ses accomplissements et ses prophéties. Il s’agit, en débarrassant le moment révolutionnaire de toutes les scories qui le recouvrent, d’en rendre sensible l’esprit vivant », Paule Petitier, Introduction.

« Du prêtre au roi, de l’Inquisition à la Bastille, le chemin est direct, mais long. Sainte, sainte Révolution, que vous tardez à venir !… Moi qui vous attendais depuis mille ans, sur le sillon du Moyen Âge, quoi ! je vous attends encore ?…

Oh ! que le temps va lentement, oh ! que j’ai compté les heures !… Arriverez-vous jamais ? », Michelet, Introduction, Tome 1er, 2è partie.

Le rideau se lève : nous sommes en avril 1789, la convention des Etats Généraux appela le peuple tout entier à l’exercice de ses droits. Il peut du moins écrire ses plaintes, ses vœux, élire les électeurs.