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Les Chroniques

Conversations, Francis Bacon (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Mai 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arts

Conversations, Francis Bacon, L’Atelier contemporain, février 2019, 208 pages, 20 €

L’accident

L’Atelier contemporain a décidé de publier les entretiens de Francis Bacon, entretiens qui s’étalent de 1964 à 1992. Et ce qui frappe, c’est l’opiniâtreté du peintre à redire continûment comment il procède, et son opinion sur la peinture qui ne varie pas avec l’âge. On peut donc se faire une idée très précise de ce que Bacon considère comme une peinture digne d’intérêt, et aussi de sa propre position devant le tableau à peindre.

Tout d’abord, Bacon peint pour lui-même, et son travail commence souvent à partir d’une tache hasardeuse sur la toile qui guide son œil. Puis la question du mouvement se pose. Et avec lui, le registre de la réalité. Qu’est-ce que le mouvement ? Qu’est-ce que la réalité selon Bacon ? C’est une façon de saisir la forme et la vibration de la forme, de chercher le moment par la peinture, tout en ne se cantonnant pas à l’illustration d’un sujet. Je crois d’ailleurs, que Bacon autorise la définition de « réaliste subjectif », qui peut répondre aux interrogations que lui font les sujets de ses figures. L’artiste cherche la vie, la réalité, le mouvement, la totalité de la forme, mais sans en passer par le cubisme, école déjà historique à son époque.

Pour un véritable droit d’auteur au Maroc (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 20 Mai 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Le droit romain ignorait la propriété artistique et littéraire, mais pas la voix les poètes. Martial, au premier siècle après Jésus-Christ, traitait les contrefacteurs de ses poèmes de chapardeurs et de plagiari, qualificatif qui désignait les voleurs d’esclaves, d’où les mots français de plagiat et de plagiaire. Le droit d’auteur, régi par le code de la propriété intellectuelle, est né sous la Révolution française, pour protéger les auteurs contre la rapacité des éditeurs. Voltaire et Beaumarchais en étaient les énergiques promoteurs. L’œuvre d’esprit est juridiquement définie comme une création libre, incarnée dans une forme originale et une stylistique singulière. Ce droit d’auteur se décline en deux catégories de prérogatives. Le droit moral, perpétuel et incessible, donne pouvoir de s’opposer aux amputations, aux falsifications, aux contrefaçons de l’œuvre, et peut se perpétuer pendant des siècles à travers les descendants. Les droits patrimoniaux, perdurables pendant 70 ans après la mort de l’auteur, prévoient une rémunération en contrepartie des autorisations d’utilisation, de reproduction, de représentation. Les controverses esthétiques n’entament en rien le droit. Toute œuvre inédite, libre, originale, mérite protection indépendamment des opinions et des polémiques qu’elle suscite.

Plaisirs, Dominique Rolin / Une conversation infinie, Philippe Sollers, Josyane Savigneau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Plaisirs suivi de Messages secrets, Entretiens avec Patricia Boyer de Latour, Dominique Rolin, Gallimard, L’Infini, avril 2019, 344 pages, 21,50 €

Une conversation infinie, Philippe Sollers, Josyane Savigneau, Bayard, janvier 2019, 141 pages, 17,90 €

 

« Patricia Boyer de Latour : Besoin de silence, dites-vous…

Dominique Rolin : Oui, vivre pour moi, c’est considérer le silence comme le matériau premier de l’atmosphère. Je peux rester silencieuse très longtemps. C’était comme ça du temps de Bernard, c’est comme ça aussi avec Jim. Nous pouvons rester des heures sans parler. A Venise, nous pouvons travailler en nous tournant le dos, sans nous voir, tout en ressentant la force magnétique du silence qui est là. Le silence est offert à tout individu, mais beaucoup le négligent sans se rendre compte de cette merveille » (Plaisirs).

Louise, Isabelle Alentour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Louise, Isabelle Alentour, Editions LansKine, mars 2019, 69 pages, 14 €

 

Entre « calme tiède d’après » et « belle sérénité du matin » un caveau se referme sur un secret de famille, mais « les mots (…) aimeraient se débarrasser de leur histoire ». L’indicible tente alors de s’écrire, de s’écrier (« Il est des secrets / plus impalpables / que d’autres secrets »). La douleur innommable (« Je ne saurai jamais quelle douleur exacte t’a emportée ») d’une fillette viol(ent)ée sans avoir pu rien en dire hurle sous chaque ligne de Louise, lèvres scellées sur un tabou (nommé page 51) enfoui jusqu’à la perte d’identité dans le puits perdu d’un cœur arraché à l’enfance ; lèvres s’ouvrant dans la brûlure à demi-mots de l’Écrire. Même « Brume » (la brume est personnifiée) bouche blanche cousue qui « se tend au-dessus du cortège » lorsque le caveau va se refermer, même « le ciel (qui) bouge si peu », hurlent la brûlure intérieure d’une blessure ouverte (« une entaille rappelle ») invisible, tue et qui a tué la candeur, expulsée du ventre des soixante-neuf pages de ce livre ouvert sur une mémoire pantelante et déchirée, en glaives de cris étouffés, glaçons de larmes criblant le « visage fruité » d’une réalité insoutenable.

Apulée #4, Traduire le monde, Revue de littérature et de réflexion, Collectif (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mercredi, 15 Mai 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Revues, Zulma

Apulée #4, Traduire le monde, Revue de littérature et de réflexion, Collectif, Editions Zulma, mars 2019, 415 pages, 28 €

 

 

« Espace d’accueil, don de mémoire inépuisable et promesse de liberté, elle ouvre toutes les geôles de l’intérieur »… Ce que dit ici Hubert Haddad de la langue peut s’appliquer à la revue annuelle Apulée dont il est le rédacteur en chef. Ce quatrième numéro, Traduire le monde, tient les promesses de son titre avec plus de cent contributions : articles, entretiens, récits, poèmes du monde entier traduits en une ou plusieurs langues. Quatre importants dossiers constituent les piliers de l’ensemble : « Québec à l’âge des premiers jours du monde » ; « Avot Yeshurun, quand l’exil devient parole » ; et deux dossiers consacrés aux grandes figures de la traduction que sont Claude Couffon et Henri Meschonnic. D’autres contributions s’ajoutent à ces dossiers comme les colonnes et les ornements d’une joyeuse tour de Babel.