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Les Chroniques

L’Algérie rêvée ! (par Amin Zaoui)

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 30 Avril 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Le sommeil n’est pas le lit des rêves. Creusez profondément dans la matrice de la société, vous découvrirez les racines du rêve collectif ! Je creuse ! Le réel mène au rêve ! Et le rêve est le capital énergétique du réel ! Ainsi, je rêve d’une Algérie pleine de vie ! Ce beau pays est congelé, vidé de vie ! Un pays congelé est un pays de pâture, de procréation et d’hypocrisie morale, politique et culturelle.

Et je rêve, et le rêve est une résistance ! Bien que le rêve soit un état personnel, selon Freud, il arrive que des personnes ou des groupes sociaux rêvent collectivement. Cela, la rue algérienne l’a bien vécu ces jours-ci. Nous ne sommes pas somnambules. On rêve en marchant avec le rêve qui marche en nous ! Sur la Place Maurice Audin se réveille le rêve commun ou presque ! Le rêve d’un changement radical, identique pour toutes les citoyennes et tous les citoyens qui marchent dans les rues, sur les trottoirs, qui labourent avec affection leur morceau de terre aride ou fertile, qui, ensemble, poussent un tracteur en panne, qui somnolent dans un transport en commun, qui posent leur tête pleine d’inquiétude, à la fin de la journée ardue, sur un oreiller froid.

L’anarchie ou le chaos, Philippe Godard (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’anarchie ou le chaos, Philippe Godard, éditions Le Calicot, décembre 2018, ill. Vincent Odin, 220 pages, 10 €

 

« L’édification d’une société d’êtres libres ne peut être que l’effet de leur libre évolution », Errico Malatesta (1853-1932)

 

Voici un ouvrage qui amène un peu d’air frais dans le grand marécage idéologique de ce début du XXIe siècle, un air qui souffle librement sur les grandes questions contemporaines. Sont-ce vraiment des questions ? Dans la mesure où toute réponse ne visant pas à perpétuer le système tel qu’il est a peu de chances de trouver un espace officiellement autorisé d’expression, on peut s’interroger, alors disons donc : les grands problèmes contemporains. Il n’en manque pas. Le titre peut sembler ironique, tellement dans l’esprit commun anarchie et chaos semblent synonymes, mais le chaos, le grand désordre, n’est-ce pas ce que l’on vit déjà ?

Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique à Paris (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED, Arts

 

Paris. Avril 2019. Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique sur les Champs Elysées, dans l’hôtel Marcel Dassault, siège d’Artcurial. L’artiste, redevenu lui-même, affiche, sans ambages, sa joie de revivre un vernissage après plusieurs années d’absence. Le président des musées marocains peut se prévaloir d’un bel activisme pour le rayonnement culturel du Maroc. Les expositions prestigieuses se succèdent. Les partenariats avec les institutions internationales se multiplient.

Je revois Mehdi Qotbi en tête à tête le lendemain matin. Il me confie son désir de se retirer le plus possible dans son atelier : « J’ai besoin de cette solitude de la création, de ce dialogue avec mes pinceaux et mes peaux de peinture, de ce corps à corps avec la toile, sans regard extérieur qui scrute et juge. Je n’oublie pas que je suis né artiste peintre, que je serai artiste peintre jusqu’à mon dernier souffle. La peinture est mon seul langage ».

Une saison à Hydra, Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, La Table Ronde

Une saison à Hydra (The Sea Change, 1958), Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde, mars 2019, trad. Cécile Arnaud, 448 pages, 24 €

 

Sarah la morte et Alberta la vivante

Au début du roman Une saison à Hydra, Elisabeth Jane Howard campe des personnages très modernes en cette fin des années 50, précurseurs de ceux par exemple du film de Mike Nichols, sorti en 1966, Qui a peur de Virginia Woolf (d’après la pièce éponyme d’Edward Albee, 1962), ou d’Opening Night de John Cassavetes, film de 1977. Des situations contrastées défilent sous la plume éblouissante de la romancière anglaise, dans une grande maîtrise, notamment, des descriptions. Le roman est découpé à la façon d’un scénario, et l’on rentre à l’improviste dans cette micro-société, nantie et fermée, qui gravite autour d’un artiste-roi adulé, qu’un pouvoir exorbitant rend parfois ignoble. C’est en observatrice avisée et sans complaisance qu’Elisabeth J. Howard en cerne les caprices et les manques. Ainsi, le couple Lillian et Emmanuel Joyce, l’imprésario Jimmy Sullivan et la secrétaire débutante Alberta Young, se récitent, se confient, du passé au présent, du matin au soir. En dépit de tics et d’envies superficielles générés par le luxe et la courtisanerie, la vieillesse est inéluctable, les réveils douloureux, accompagnés de troubles narcoleptiques.

A propos de Sérotonine, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2019, 347 pages, 22 €

 

Il n’y a que la forme qui sauve : pourquoi Michel Houellebecq est un grand écrivain

« C’était un lecteur exhaustif », annonce le narrateur de Sérotonine à la vue d’un patron de bistrot plongé dans France Football. Michel Houellebecq n’écrit pas un article de Paris Normandie mais une œuvre littéraire et l’on se doit d’être ce « lecteur inhabituellement attentif ».

Le roman tire son nom de l’hormone du bonheur indispensable à la survie de notre espèce, la sérotonine. On sait que nos humeurs se réduisent à présent à des neurotransmetteurs. Merci les neurosciences.

Ainsi le narrateur du roman qui porte ironiquement le nom scientifique du bonheur est un personnage suicidaire dégoûté par « l’insupportable vacuité des jours ». Le premier et le dernier chapitre du livre s’ouvrent par le « petit comprimé blanc, ovale, sécable », le Captorix, pilule du bonheur prescrite au narrateur, « vieux mâle vaincu » qui n’arrive plus même à se masturber.