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Roman

Purple America, Rick Moody

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 07 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil)

Purple America, Rick Moody, L’Olivier, octobre 2016, trad. anglais (USA) Michel Lederer, 428 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Rick Moody Edition: L'Olivier (Seuil)

Dans la famille Raitliffe, il y a le souvenir du père, Allen Hamilton, mort brutalement d’un anévrisme. Il y a la mère, Barbara Ashton Danforth, alias Billie, invalide, atteinte de sclérose en plaques dégénérative. Il y a le fils, Dexter Allen Ashton, alias Hex, bègue et alcoolique, organisateur de soirées mondaines. Il y a le beau-père, Lou Sloane, qui vient d’être licencié de son poste de responsable de la sécurité dans la centrale nucléaire de Millstone.

L’action principale du roman se déroule sur une fin de semaine. Dexter, ayant appris que sa mère vient d’être abandonnée par Lou Sloane, débarque dans la vaste demeure familiale en décrépitude.

Se déroule alors un étrange ballet, fait de va-et-vient et de chassés-croisés dans la région littorale constituant le lieu géographique de l’action, entre la vieille maison, la centrale nucléaire voisine et ses environs, et un restaurant fantomatique à la Bagdad Café où Dexter emmène sa mère et où il retrouve par hasard Jane Ingersoll, une amie de collège perdue de vue depuis des années, qui par pure bonté de cœur l’aide, de façon catastrophique, à soigner l’impotente et qui devient parallèlement, sous l’effet d’une attirance réciproque circonstancielle, ou par pitié, ou simplement pour meubler par l’occasion l’ennui qui l’habite, ou un peu pour tout cela à la fois, sa partenaire d’une relation charnelle infructueuse.

Mektouba, Karima Berger

Ecrit par Nadia Agsous , le Samedi, 07 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Mektouba, février 2016, 247 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Karima Berger Edition: Albin Michel

 

Que nous lègueras-tu, Ô père ?

Tout d’abord, il y a la lettre ; elle est là, rangée dans le tiroir. Au verso de l’enveloppe, une phrase sonne comme « une coalition » : « Enfants Ben Amar » ! Cette missive est une « vomissure » ; c’est « une entaille » qui le blesse, le nargue, lui fait mal, défie son pouvoir et fait saigner son cœur. Cette lettre agit comme une Madeleine de Proust car dès sa réception, il se met à écrire ses mémoires : « le fiel de leur lettre a pesé sur ma plume », écrit-il avec beaucoup de colère.

Lui ? C’est Hadj Ben Amar, le père, le narrateur et l’un des personnages principaux du dernier roman de Karima Berger, Mektouba. Tout au long du récit, cet homme « né au siècle dernier », à « la salive imbibée de coran », émerge comme un être hors du commun. C’est un ancien haut fonctionnaire, désabusé par sa fonction, par son pays, par sa vie, par ses enfants, par la providence. Il est propriétaire d’une maison qu’il a surnommée affectueusement Mektouba – l’écrite, la destinée.

Premières neiges sur Pondichéry, Hubert Haddad

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zulma

Premières neiges sur Pondichéry, 179 p. 17,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Charles Baudelaire. Extrait du Sonnet des Correspondances.

 

Hubert Haddad nous offre un magnifique roman nimbé d’une aura toute baudelairienne, traversé d’un universalisme sensoriel et philosophique rarement atteint. En ces temps de recroquevillements sur soi, d’identitarismes glaçants, de rejets haineux et de violences meurtrières, c’est un chant du monde et au monde, que ce livre entonne et fait vibrer longtemps dans nos mémoires. Vibration mélodieuse qui dure d’autant plus longtemps que ce roman est plein de musique, sous l’archet de Hochéa Meintzel, vieux violoniste virtuose, fervent de musique classique mais aussi de musique populaire juive d’Europe centrale (klezmer), celle qui a fait danser les shtetls entre deux pogroms.

Une trop bruyante solitude, Bohumil Hrabal

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 05 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Pavillons (Poche)

Une trop bruyante solitude (Prilis hlucna samota, 1976), trad. tchèque Anne-Marie Ducreux-Palenicek , 126 pages . Ecrivain(s): Bohumil Hrabal Edition: Pavillons (Poche)

 

Les livres vivent. Ils meurent aussi. Envoyés au pilon, ils passent par des presses qui en font des cubes de papier, compressés après avoir été déchiquetés. Depuis trente-cinq ans, l’homme est aux commandes de sa presse artisanale, à compresser de vieux papiers qui furent des livres. Qui sont encore des livres qu’il sauve parfois et auxquels il assure une belle fin, qui les mette en valeur une fois qu’il a pu les feuilleter et les lire. Une presse et une trappe qui donne sur la cour où l’on décharge les vieux papiers sont le décor de toute sa vie. Parfois une tête furibarde se manifeste, pour lui crier des ordres, lui reprocher son laisser aller, son retard… Et l’homme continue à sauver pour un temps quelques livres, à leur offrir un digne tombeau de papier compressé, entre quelques litres de bières.

Souillés, déchirés, dévorés par les souris et enfin écrasés, les livres survivent cependant comme autant d’œuvres, de cubes de papier transfigurés par une attention finale : une page ouverte, une couverture, une reproduction soigneusement déposée avant l’écrasement final. Quant aux images et aux idées que les auteurs ont déposées sur les pages desdits livres, elles survivent aussi à l’écrasement et à la destruction car elles se sont déjà fondues en l’homme qui commande la presse.

Parmi les cendres, Manuel Arroyo-Stephens

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 03 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Parmi les cendres, novembre 2016, trad. espagnol Serge Mestre, 288 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Arroyo-Stephens Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

« C’est dans sa petite boutique de la ruelle de Preciados que j’avais commencé à acheter des éditions originales des poètes de la génération de 27, et des livres publiés avant la guerre civile ».

Parmi les cendres est le roman de l’Espagne, l’Espagne marquée à jamais par la guerre et la dictature. Un roman des livres – un art secret de la résistance –, des toreros, les trois Rafael, El Gallo, Ortega et de Paula, des écrivains, José Bergamín, Rafael Alberti, mais aussi Antonio Machado, Miguel de Cervantès, des libraires clandestins, des collectionneurs, des livres rares, des villes, Madrid, Saint-Sébastien, Séville, des rues et des hommes qui durant la dictature faisaient passer les livres, de mains en mains, de villes en villes, comme des chargements d’or clandestins venus du Nouveau Monde, des travailleurs de la nuit, comme l’on dit en basque des contrebandiers. Parmi les cendres est un roman familial, roman d’une trace laissée dans la cendre des disparus par une main invisible et clandestine. Parmi les cendres est aussi un roman de la mémoire, des mémoires qui surgissent, comme des fleurs d’été qui poussent sur les cendres des oubliés, le roman élégant du souvenir vivace de celles et ceux qui ont traversé le regard de l’auteur.