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Roman

Ton cœur comme un poing, Sunil Yapa

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 10 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages

Ton cœur comme un poing, janvier 2017, trad. anglais (USA) Cyrielle Ayakatsikas, 352 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Sunil Yapa Edition: Rivages

C’est un roman puissant, un roman américain dans ce qu’il donne de meilleur, écrit au présent de narration, comme si les événements se déroulaient devant nos yeux, immédiatement.

L’intrigue prend place lors d’une des premières manifestations altermondialistes, la fameuse marche de protestation qui a lieu à Seattle en novembre 1999. Deux camps se font face : les manifestants, pacifistes de tous bords, et les forces de police, prêtes à tout pour maintenir l’ordre.

Plusieurs personnages sont approchés en multifocale : Victor le junkie, John Henry l’ancien homme d’Eglise, l’agent de police Timothy Park au visage balafré, patrouillant sur son cheval, Julia, dite Ju, la fliquette armée pour tuer, le Major Bishop, à la tête des forces de l’ordre en charge de la sécurité, menant les troupes au combat, King, la spécialiste de la non-violence. Il y a aussi le Dr Charles Wickramsinghe, ministre adjoint des Finances et de la Planification du Sri Lanka, délégué pour participer à une rencontre avec Clinton afin d’obtenir la quarantième et dernière signature de son traité régulant le commerce extérieur de son pays, et malencontreusement pris dans le maëlstrom. Tous ces personnages, le lecteur les suit pas à pas, heure après heure, dans leurs déplacements, les scansions de leurs slogans, leurs pensées et leurs agissements.

Le silence pour toujours, Stuart Neville

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Rivages

Le silence pour toujours (The Final Silence), janvier 2017, traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, 316 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages

 

Retrouver Stuart Neville et son flic préféré, Jack Lennon, c’est comme replonger au fond du gouffre le plus noir. On sait peut-être ce qui nous y attend, mais à chaque nouveau livre, il semble que l’obscurité se fait plus opaque, plus glaciale.

Jack Lennon va mal. Ce n’est pas nouveau pour ce personnage poissard, ambigu, violent. Mais son mal s’est encore aggravé. Il est en morceaux, au plan physique et plus encore au plan psychique. Il n’est peut-être pas (encore) fou, mais il flirte dangereusement avec les pathologies mentales les plus graves. Sa vie est un enfer qui tourne comme un cycle fatal : pour supporter la douleur (physique) il avale des antalgiques puissants – non prescrits par ordonnance – ce qui accroît sa douleur (mentale). Une descente en enfer vécue dans la solitude. Sa « compagne » du moment, Susan, ne veut plus de lui, n’en peut plus de lui. Elle a accueilli Lennon avec sa fille Ellen en espérant recomposer une famille (elle-même a une fille). Mais alcool, drogues, désespoir ont fait de Lennon une loque et elle n’en veut plus.

Au revoir Monsieur Friant, Philippe Claudel

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 08 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Stock

Au revoir Monsieur Friant, novembre 2016, 83 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Philippe Claudel Edition: Stock

Ecrin de souvenirs, ce petit « roman » de Philippe Claudel, pré-texte à peindre, en demi-teintes, son passé.

Pourquoi ce titre ? Pourquoi ce peintre qui suit tellement Philippe Claudel qu’il pourrait coller à lui comme une ombre ? Mais, ce n’est pas tout : pourquoi cet « au revoir » ? Nous le saurons à la fin, quand le quitteront (?) ses souvenirs, légers comme un rire de jeune fille : « (…) pour courir enfin vers son amoureux qui, avant de partir à la guerre, l’attend là-bas, le chapeau sur la nuque, près de l’eau, dans cette fin d’été doré, sur une frêle passerelle de fer, alors qu’elle songe en riant que la vie sera pour elle un grand bouquet de roses » (p.78-79).

Mais aussi, des souvenirs lourds comme le pas titubant d’un homme ivre… Il n’est pas insignifiant non plus que la couverture de Quelques-uns des cent regrets soit encore un des portraits faits par Friant… recouvrement, poursuite : cette femme à la fois âgée et sans âge, accroupie en bord de falaise, dont la main pensive se souvient, résume ce livre-ci, le dit, le contient : une jeune fille, devenue vieille, vieille et lourde du temps qui passe, vieille et lourde de ses souvenirs, curieusement vivante par cette main qui retient et se retient, s’assied, et regarde en elle au bord du vide qui l’attire, et l’emplit toute. Elle balance et soupèse lourdement son passé.

La Porte de la mer, Youcef Zirem

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 07 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb

La Porte de la mer, éd. Intervalles, juin 2016, 141 pages, 16 € . Ecrivain(s): Youcef Zirem

 

Les miracles de la résilience


A peine entame-t-on la lecture de La porte de la mer, le dernier roman de Youcef Zirem, qu’une onde de choc parcourt notre corps et soulève notre cœur. Le malaise ! L’horreur ! Une scène de violence extrême nous prend à la gorge et masque notre vue. Dans un lieu reculé, loin de la ville et de sa foule terrorisée par la violence qui s’est enracinée dans la vie quotidienne de tout-e un-e chacun-e, une jeune femme est violée par son père ! Quelques années plus tard, Amina, la protagoniste de cette histoire qui nous montre une société sous les feux de la violence, de la répression et de la terreur, raconte : « J’étais presque hypnotisée et ne lui opposai aucune résistance. Il me fit allonger sur l’herbe sèche et se retrouva sur moi. Au bout de quelques minutes, Il poussa un affreux cri de jouissance et je sentis couler le sang dégagé par mon hymen ».

Ivanhoé, Walter Scott

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 03 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Ivanhoé, avril 2016, trad. anglais Henry Suhamy, 880 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Walter Scott Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans un texte qui ne cesse de remuer les neurones du lecteur amateur (au sens premier, celui qui aime), Calvino posait la question cruciale : pourquoi lire les classiques ? Sa réponse finale est satisfaisante : pour le plaisir de les avoir lus. Mais franchement, pourquoi se taper les huit cents pages d’Ivanhoé (1819), le neuvième roman de Walter Scott (1771-1832) alors qu’il suffit de regarder les cent quarante minutes de Robin des Bois, d’un autre Scott (Ridley de son prénom), pour avoir grosso modo la même histoire ? Car après tout, on la connaît par cœur, l’histoire de Richard Cœur de Lion qui revient de Palestine pour détrôner son félon de frère, ce Jean qu’une enfance passée sous influence disneyienne incitera à tout jamais à voir sous les traits d’un lion aussi malingre que sournois sous sa couronne trop richement ornée pour être honnête, et ce avec l’aide d’un Robin des Bois que Kevin Costner dans une autre adaptation n’interprétait pas trop mal, à la réflexion. D’autant que, finalement, ce roman intitulé Ivanhoé raconte une histoire qui se déroule pour l’essentiel sans son personnage principal, puisque celui-ci est blessé quasi à sa première apparition et reste allongé durant plus de cinq cents pages. Bref, aussi classique qu’il soit, la question se pose : pourquoi lire Ivanhoé en 2016 alors qu’on sait depuis longtemps que les usurpateurs sont au pouvoir et que, comme chantait le groupe anglais Housemartins sur Flag Day, « too many Florence Nightingale, not enough Robin Hoods » ?