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Récits

Fille de la campagne, Edna O'Brien

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Juin 2013. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Biographie, Sabine Wespieser

Fille de la campagne - mémoires (Country Girl) Trad. Anglais (Irlande) Pierre-Emmanuel Dauzat mars 2013. 474 p. 25 € . Ecrivain(s): Edna O'Brien Edition: Sabine Wespieser

 

Le titre de ce livre révèle déjà l’une de ses dimensions fondatrices : l’ironie. C’est le sceau de ce merveilleux livre de mémoires. De fait le titre du livre (Fille de la campagne/Country Girl) est en lui-même doublement ironique : - d’une part parce qu’il reprend presque à la lettre le titre de la grande œuvre initiale d’Edna O’Brien (Les Filles de la Campagne/ Country Girls) alors que les deux livres sont aussi éloignés que possible et par leur forme et par leur style. - D’autre part parce que dans ce titre (déjà) Edna O’Brien s’amuse de nous ! Si on attend l’histoire d’une pastorale irlandaise, d’une femme un peu bouseuse, provinciale, rustique, pataude eh bien sachez que ce livre est en fait une véritable biographie d’une mondaine des lettres, avec une dimension « literary people » éberluante.

Rendez-vous compte : on va croiser, sur les pas de cette « Wild Goose »* qu’est Mrs O’Brien, rien moins que le gratin de la littérature et du cinéma du milieu du XXème siècle. Il serait très difficile de faire ici la liste des invités (invités dans tous les sens du terme, aussi bien de ce livre que dans la vie car tous dînaient chez Edna O’Brien dans son séjour de Putney ou l’invitaient à dîner avec eux).

La tristesse durera toujours, Yves Charnet

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 20 Juin 2013. , dans Récits, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

La tristesse durera toujours, janvier 2013, 173 pages, 17 € . Ecrivain(s): Yves Charnet Edition: La Table Ronde

 

 

La beauté sera convulsive ou ne sera pas

La fin – magnifique – de Nadja de Breton trouve constamment un écho dans l’œuvre d’Yves Charnet, comme celui-ci le confesse lui-même dans La tristesse durera toujours, écrivant : « Je voudrais juste avoir favorisé la rencontre convulsive des jeunes gens avec la beauté ».

Si à chaque instant la phrase d’Yves Charnet est tendue vers la beauté convulsive, c’est d’abord du fait de sa brièveté.

Par celle-ci, l’auteur parvient à restituer les secousses, les fulgurances de ce qu’il évoque et qui toujours ont à voir avec la façon qu’a l’émotion de tordre des moments de vécu, dans le moment où ils sont vécus, pour qu’ils puissent être véritablement vécus avec le ventre, et avec l’esprit.

En Amazonie, infiltré, Jean-Baptiste Malet

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Juin 2013. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Fayard

En Amazonie, Infiltré, mai 2013, 155 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Baptiste Malet Edition: Fayard

 

Amazon. On connaît tous, on a tous pratiqué la bête, un jour ou l’autre. La page-commande, le panier, le truc qu’on ne pensait trouver nulle part, et qui s’affiche, là, en « très bon état », pas cher – frais d’envois gratuit. Le petit paquet sobre – kraft, qui arrive, rapide comme l’éclair au fond de la boîte aux lettres – déjà !! Le génie du commerce en ligne ; près de 10% des livres vendus en France le sont par Amazon, et ce n’est qu’un début, puisque l’entreprise aux dents longues affiche en ces noirs temps de crise une croissance à 2 chiffres qui ne demande qu’à grandir. Bref, échapper à Amazon.fr, c’est compliqué.

Et, y travailler ? Forcément, faut du monde pour satisfaire nos impérieux besoins culturels… C’est ce que s’est dit le journaliste Malet, qui a tenté l’aventure – c’en est une – de s’y faire embaucher comme intérimaire, au doux temps précédant Noël, à Montélimar, où les entrepôts équivalent à 5 terrains de foot, et broutent leur quota d’esclaves, comme dans aucun film de science-fiction. Du coup, très content, Jean-Baptiste Malet, car « mon infiltration m’a ouvert les portes de l’entrepôt logistique fermé à la Presse ».

Portraits, Dezső Kosztolányi

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 15 Juin 2013. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays de l'Est, La Baconnière

Portraits, traduit du hongrois par Ibolya Virág avec la collaboration de Michel Orcel, mai 2013, 192 p. 16 € . Ecrivain(s): Dezső Kosztolányi Edition: La Baconnière

 

Dans le portrait inaugural de ce livre qui en contient une trentaine, Dezső Kosztolányi explique qu’il recourt à la méthode de la maïeutique. A la manière de Platon, il tente « d’accoucher les esprits ». Il pose des questions, rebondit sur les réponses qui lui sont données. Et le terme « d’accoucher » est effectivement très à propos, puisque le premier portrait concerne… une sage-femme.

On sent déjà affleurer cette petite touche d’humour qui sera présente dans tous les portraits qui émaillent l’ouvrage.

Certains sont étonnés que Dezső Kosztolányi s’intéresse à eux, qu’il veuille à ce point connaître des détails de leur vie. Lui s’étonne qu’ils s’étonnent.

« Ils ne comprennent pas qu’ils sont intéressants en eux-mêmes ».

Feux, Marguerite Yourcenar

Ecrit par Sophie Galabru , le Mardi, 04 Juin 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Feux, 1993, 147 pages . Ecrivain(s): Marguerite Yourcenar Edition: Gallimard

Recueil de narrations lyriques ou de poèmes en prose, comme on le voudra, Feux est un des plus beaux écrits de la littérature française contemporaine. Il y a mille particularités qui convergent vers un universalisme littéraire, poétique et humain. Comme le dit l’auteur elle-même « produit d’une crise passionnelle » le recueil aurait pu s’appeler l’Amour Fou, mais c’est un titre plus à l’image du style baroque, métaphorique, classique et racinien auquel Marguerite Yourcenar a recours qui nommera ces écrits. Feux telle est la métaphore vive qui baptise ces plaidoyers passionnés.

L’ensemble proposé ici est celui de neuf récits tous empruntés à la Grèce Antique sauf Marie-Madeleine ou le salut de Dieu ; entrecoupés de réflexions brèves et foudroyantes, extraits sans doute d’écrits intimes et personnels. Yourcenar emprunte tous les sentiers détournés, narration à « il » ou « elle », nouvelle identité mythique de « je » pour nous parler de ce qui n’en finit pas de se vivre, l’amour passion. Ces détournements sont moins une mise à distance qu’une pudeur, mais peut-être aussi parce que dans l’incapacité à souffrir la souffrance ce ne peut être un « je » souffrant qui parle mais une souffrance s’écri(v)ant à travers des prête-noms. Ces personnages, ce style emphatique mais sublime, ces métaphores et ces images au service d’histoires simples soutiennent ensemble l’idée majeure selon laquelle l’amour est un support de passions abstraites et transcendantes.