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Raymond Carver, une vie d’écrivain, Carol Sklenicka

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Biographie, L'Olivier (Seuil)

Raymond Carver, une vie d’écrivain, novembre 2015, trad. anglais (USA) Carine Chichereau, 780 pages, 25 € . Ecrivain(s): Carol Sklenicka Edition: L'Olivier (Seuil)

Raymond Carver est un aventurier. Assertion qui peut faire bondir les passionnés du grand Ray. Nulle trace d’aventure dans sa vie, pas d’engagement militant, pas d’équipées lointaines (un séjour de quelques années en Israël le déprimera durablement), pas de guerre d’Espagne (Hemingway l’a pourtant fait rêver), pas de grandes histoires d’amour (à l’exception d’une seule, Maryann bien sûr). Carver est l’anti-héros parfait de la littérature américaine, une sorte de pantouflard. Sauf que.

Sauf que les grands vents et marées d’une vie, s’ils ne sont pas chez lui dans l’aventure épique, sont – intensément – dans les tourbillons d’une vie personnelle et familiale dont on peut dire qu’elle vaut toutes les aventures. La famille, l’alcool, la passion d’écrire, voilà qui chez Ray vaut en intensité toutes les expéditions. Et voilà qui sera pour lui la matière – l’unique matière – de son œuvre.

Carol Sklenicka l’a évidemment parfaitement compris et parfaitement déployé dans cette biographie magnifique. La trame de son récit – car c’est bien d’un récit qu’il s’agit, presque romanesque – est tricotée dans le va et vient permanent de scènes de vie/nouvelle et/ou nouvelle/scènes de vie. On comprend, à travers tout le livre, que l’écriture est pour Ray Carver une extension du domaine de l’existence, une fonction quasi organique, une matière qui lui permet la respiration, la survie.

Chroniques pour une poésie publique, précédé de Mais où est la poésie ?, Alain Marc

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie

Chroniques pour une poésie publique, précédé de Mais où est la poésie ?, Ed. du Zaporogue, septembre 2014, 215 pages . Ecrivain(s): Alain Marc

 

Mais où est la poésie ?

Tel est le titre de la première partie de cet ouvrage très fouillé, très dense, fourmillant de milliers de références sur la poésie contemporaine.

L’auteur, Alain Marc, ardent militant de la cause poétique, dresse le bilan de sa quête de la poésie dans les espaces dédiés à la littérature, que ce soient des édifices en dur conçus pour en abriter les volumes (librairies, bibliothèques, centres culturels) ou des refuges de papier reliés et édités pour en accueillir des extraits (revues, journaux, magazines), ou encore des vitrines audiovisuelles (radio, télévision) ou virtuelles (sites, blogs).

Le constat est amer : la poésie brille généralement par son absence, ou par la place scandaleusement réduite, insupportablement occulte, qui lui est attribuée.

Le feu de Jeanne, Marta Morazzoni

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 06 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Actes Sud, Italie, Histoire

Le feu de Jeanne, octobre 2015, trad. italien Marguerite Pozzoli (Il fuoco di Jeanne), 189 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Marta Morazzoni Edition: Actes Sud

 

C’est plus à une exploration empreinte d’une certaine nostalgie que nous convie Marta Morazzoni en partant sur les traces de celle qui n’était peut-être pas que la paysanne lorraine que l’histoire a retenue et exploitée, en faisant l’étendard de causes pas toujours compatibles entre elles. On peut trouver un peu anachronique une telle quête, ou pire, la penser suspecte d’on ne sait quelle nouvelle exploitation idéologique et politique. Ce serait oublier ce qu’il peut y avoir d’étrange, d’inexpliqué, voire de fascinant dans le destin de la Pucelle – sans doute bien reconstruit par la légende, par l’histoire ou par ceux qui les écrivent. Le cinéma ne s’y est pas trompé qui a à maintes reprises tenté de donner visage, chair, regard et voix au personnage, de Renée Falconnetti (1) à Sandrine Bonnaire (2), ou d’Ingrid Bergman (3) à Jean Seberg (4). Et nous ne parlerons pas de la peinture, du théâtre, de la musique, de la chanson… Histoire et fiction se sont emparées régulièrement du personnage et ce Feu de Jeanne pourrait n’être qu’un volume de plus dans une longue série. Mais en même temps, nous ne sommes ici ni sur le territoire de fiction, ni sur celui de la rigoureuse recherche historique. Mêlant l’autrefois des neiges d’antan, et l’aujourd’hui, Marta Morazzoni nous entraîne dans une recherche/rêverie des traces du mythe, sur les lieux même où son histoire s’est déroulée, de la Lorraine au Pays de Loire, de Paris à la Normandie.

Fonctions Bartleby, bref traité d’investigations poétiques, Frank Smith

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 06 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Fonctions Bartleby, bref traité d’investigations poétiques, Ed. Le Feu Sacré, décembre 2015, 72 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Frank Smith

 

 

Frank Smith affectionne les situations et les livres paroxysmiques où les vies s’échouent. D’où son intérêt pour Bartleby de Melville : le personnage le passionne plus que le livre : il décontextualise ce dernier afin de donner au héros une envergure encore plus universelle. Le propre texte de Smith devient ainsi une suite de digressions plus passionnantes les unes que les autres. Devenu « B. », Bartleby se transforme en double de l’auteur, et celui-là, plutôt que de représenter une coda au livre original, devient en quelque sorte son re-commencement moins sous couvert de la fiction que de la réflexion qui permet à son auteur au bout de lui-même. B et Bartleby représentent les modèles types et l’« Héautontimorouménos » de Baudelaire. Plaie et bourreau, déboussolé Bartleby et sa reprise chamboulent le monde. Le premier en meurt, l’autre est – comme chacun de nous – en sursis.

Le Mystère des Nombres, Marcus du Sautoy (2ème article)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 04 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Folio (Gallimard)

Le Mystère des Nombres, trad. de l’anglais par Hélène Borraz, 432 pages, 8 € . Ecrivain(s): Marcus du Sautoy Edition: Folio (Gallimard)

 

Alors comme ça, on n’aime pas les mathématiques ? On les trouve rébarbatives ? On fait partie de ceux qui proclament n’y avoir jamais rien compris ? Avoir toujours ressenti ce cours comme une torture ? On se dit littéraire, et rien que ça, parce que les deux, c’est impossible ? Bon, et bien, il reste une seule solution : lire Le Mystère des Nombres, sous-titré Odyssée Mathématique à travers notre Quotidien, de Marcus du Sautoy (1965), un Anglais persuadé que la passion des chiffres peut se transmettre, façon virus – et étant donné que cette certitude est partagée, allons-y.

Autant l’annoncer d’emblée : non, ce livre ne parcourt pas les mathématiques de façon exclusivement ludique et intelligente (pour ça, voir l’excellent roman de Denis Guedj, Le Théorème du Perroquet) ; oui, quelques prérequis sont nécessaires ; oui aussi, il y a des pages où Marcus du Sautoy perd de vue le lecteur lambda pour se lancer dans des séries de démonstrations qui courent sur parfois deux ou trois pages et où l’on sent bien qu’il essaie de communiquer avec les humains normalement constitués mais n’a pas pu s’empêcher de sélectionner dans le lectorat les petits malins qui avaient maths fortes il y a vingt ans ou plus…