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Trouver un autre nom à l’amour, Nivaria Tejera

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 09 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Poésie, Roman, La Contre Allée

Trouver un autre nom à l’amour, octobre 2015, trad. espagnol (Cuba) par François Vallée (Buscar otro nombre al amor), 237 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Nivaria Tejera Edition: La Contre Allée

Lire n’est pas fuir

Nous connaissons assez peu Nivaria Tejera en France, et malgré un certain intérêt partagé pour la littérature des Caraïbes et plus particulièrement cubaine, son nom reste sans doute encore méconnu des amateurs. Aujourd’hui âgée de 85 ans (elle est née sur l’ile de Cuba en 1929-30 et vit à Paris depuis 1954), c’est en 1958 qu’une de ses œuvres est traduite pour la première fois en Français, par les soins de Maurice Nadeau : Le ravin (El Barranco, traduit par Claude Couffon (réédité depuis par Actes Sud puis par La Contre Allée). Une traduction qui précédera la publication en espagnol (comme pour les romans qui suivront) et qui attirera l’attention sur une œuvre et un travail littéraire d’une profonde originalité, singulier et atypique, réfractaire à toute tentative de classification. Une œuvre qui nous introduit à une lecture, à un rapport à l’œuvre écrite – voire au langage – inhabituels.

Il faut dire que cette écriture exigeante qui oscille entre le romanesque et la poésie, voire entre l’essai littéraire et la réflexion philosophique, émaillé de références à la littérature, à la peinture et à la musique, peut être considérée comme une littérature que l’on peut qualifier de « difficile », surtout si l’on cherche à l’analyser et la commenter, voire à l’expliquer, sans se laisser porter et emporter par ses voix (et voies) singulières.

Le Moine de Képhas, Angelo Boschetti, Stepano Brasi

Ecrit par Mélanie Talcott , le Samedi, 09 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Italie, Toucan

Le Moine de Képhas, traduit de l’italien par Olivero Garlasseri 283 pages . Ecrivain(s): Angelo Boschetti, Stepano Brasi Edition: Toucan

 

Loin de Michel Houellebecq, Le moine de Képhas nous plonge dans une fiction vs prémonitoire. Assassinat d’un imam de la mosquée de Villeurbanne, rebellions musclées dans les banlieues, chars antiémeutes, arrestations, comparutions immédiates, explosions, attentats, victimes innombrables, gouvernement ahuri et débordé, président mutique au charisme mou, couvre-feu, plan Vigipirate écarlate. L’état de guerre est déclaré. Les politiques et hauts fonctionnaires de l’Etat – vieille école de l’ombre « le seul endroit où l’on peut encore penser avant d’agir contre la génération Sciences-Po, ENA, où l’on forme depuis quatre décennies des bans entiers de squales débridés, sans maître, sans foi, sans loi, qui iront diriger le pays comme on gère une banque, sous les feux de la rampe ; pas de réflexion, juste de l’instinct – pensent fissa et en coulisses d’abord à leur carrière qui file en quenouille, la menace terroriste créant l’opportunisme de leur montée ou de leur rétrocession en grade, avec pertes et profits de leurs passe-droits matériels et sexuels. Les décisions politiques se prennent en fonction de la courbe des sondages. L’équipe gouvernementale fictionnelle en caricature d’autres, récentes ou actuelles.

Conan le Cimmérien, Robert E. Howard

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 08 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Aventures

Conan le Cimmérien, Bragelonne, avril 2015, trad. anglais (USA) Patrice Louinet, François Truchaud, 576 pages, 25 € . Ecrivain(s): Robert E. Howard

 

En trois volumes publiés en 2007 et 2008, les éditions Bragelonne ont réédité la partie de l’œuvre de Robert E. Howard dédiée à Conan. De celui-ci, l’adolescent des années quatre-vingt garde surtout le souvenir de films à fort coefficient de testostérone avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle-titre ; c’était Conan le Barbare, et une contrepèterie assez facile avait fait donner à ce héros un surnom peu enviable. Quant aux recueils publiés chez J’Ai Lu, dégottés au hasard de grandes surfaces, on en conserve le souvenir de lectures un peu faciles, voire un peu honteuses. La réimpression du premier volume aux éditions Bragelonne, Conan le Cimmérien, semblait une bonne occasion de renouer le contact ; celui-ci fut tellement bien renoué qu’on a une seule envie : lire les deux autres volumes. Expliquons pourquoi.

La première raison est peut-être tout simplement que le lecteur n’a ici affaire qu’à l’œuvre propre de Robert E. Howard, le créateur de Conan et son univers (nous y reviendrons), sans les pastiches et autres continuations signées Sprague de Camp, Robert Jordan et bien d’autres ; entre les nouvelles laissées en plan par Howard et reprises par des écrivains de passage, et les histoires inventées de toute pièce, tout ce qui avait comme personnage principal Conan n’était pas nécessairement d’une qualité homogène.

Et des poussières… Michel Bellier

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 08 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Lansman Editeur

Et des poussières… coll. Théâtre à vif, 40 pages, 8 € . Ecrivain(s): Michel Bellier Edition: Lansman Editeur

 

« Les yeux bleus »

Les mineurs de fond, les « gueules noires » aux yeux toujours si clairs, toujours si bleus, tiennent une place à part dans l’histoire du monde ouvrier. Ces hommes ont vu le monde d’en-dessous des ténèbres. Ils allaient dans les profondeurs de la terre en esclaves du patronat, fer de lance de la révolution industrielle qui marqua la transformation de l’économie européenne aux dix-neuvième et vingtième siècles. Ils furent les révoltés, les syndicalistes héroïques, vaincus au bout du compte. Les mines fermèrent les unes après les autres, et leur monde, leur paysage de terrils, de corons sombra. Et malgré cette douleur terrible, être mineur, comme le dit l’un des personnages du texte, c’était exercer « Le métier comme Signe Extérieur de Fierté » (p.31).

Mais la littérature les sauva. En mars 2012, Michel Bellier, dans le cadre d’une résidence dans le département du Nord, est parti à la rencontre des habitants des territoires marqués par la mémoire des mineurs. C’est ainsi qu’il rédigea son texte Et des poussières…

Raymond Carver, une vie d’écrivain, Carol Sklenicka

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Biographie, L'Olivier (Seuil)

Raymond Carver, une vie d’écrivain, novembre 2015, trad. anglais (USA) Carine Chichereau, 780 pages, 25 € . Ecrivain(s): Carol Sklenicka Edition: L'Olivier (Seuil)

Raymond Carver est un aventurier. Assertion qui peut faire bondir les passionnés du grand Ray. Nulle trace d’aventure dans sa vie, pas d’engagement militant, pas d’équipées lointaines (un séjour de quelques années en Israël le déprimera durablement), pas de guerre d’Espagne (Hemingway l’a pourtant fait rêver), pas de grandes histoires d’amour (à l’exception d’une seule, Maryann bien sûr). Carver est l’anti-héros parfait de la littérature américaine, une sorte de pantouflard. Sauf que.

Sauf que les grands vents et marées d’une vie, s’ils ne sont pas chez lui dans l’aventure épique, sont – intensément – dans les tourbillons d’une vie personnelle et familiale dont on peut dire qu’elle vaut toutes les aventures. La famille, l’alcool, la passion d’écrire, voilà qui chez Ray vaut en intensité toutes les expéditions. Et voilà qui sera pour lui la matière – l’unique matière – de son œuvre.

Carol Sklenicka l’a évidemment parfaitement compris et parfaitement déployé dans cette biographie magnifique. La trame de son récit – car c’est bien d’un récit qu’il s’agit, presque romanesque – est tricotée dans le va et vient permanent de scènes de vie/nouvelle et/ou nouvelle/scènes de vie. On comprend, à travers tout le livre, que l’écriture est pour Ray Carver une extension du domaine de l’existence, une fonction quasi organique, une matière qui lui permet la respiration, la survie.