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Le corps de ma mère, Fawzia Zouari

Ecrit par Jean-Jacques Bretou 06.05.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Maghreb, Récits, Roman

Le corps de ma mère, mars 2016, 232 pages, 20 €

Ecrivain(s): Fawzia Zouari Edition: Joelle Losfeld

Le corps de ma mère, Fawzia Zouari

 

Au mois de janvier 2011, alors que la Révolution de Jasmin, ou Révolution de la Dignité, vient d’éclater en Tunisie, Fawzia Zouari revêt la mélia (costume traditionnel) de sa mère, et à son mari qui lui dit en parlant de cette dernière : « Il te faut donc une révolution pour te sentir autorisée à écrire sur elle », elle s’entend répondre : « Maintenant, je comprends. Ce sont les mots qu’elle m’a laissés en héritage, à son corps défendant ».

Nous revenons alors au printemps 2007, où sa mère se meurt dans un hôpital de Tunis. Nue, parce que dans la tradition berbère une femme est nue lorsque ses cheveux sont découverts, aveugle, elle est entourée de sa famille au sens le plus large du terme, jusqu’aux bédouins du Nord et du Sud qui sont venus lui dire un dernier adieu et se perdent dans les couloirs de l’hôpital. Mais parmi tous ces gens, il n’y a personne pour lui « raconter » sa mère. Encore moins les hommes à propos desquels sa mère disait : « Á défaut d’hériter de nos secrets, les hommes héritent de notre mort, puisqu’il leur revient de marcher seuls derrière notre cercueil ».

Les femmes sont les gardiennes des secrets, c’est grâce à elles que les familles et les tribus peuvent rester soudées. Cependant, Souad, la sœur qui a suivi des études comme elle, lui dit que sa mère avait la maladie d’Alzheimer, ce que Jamila et Noura, ses sœurs aînées, confirment. Tout semble perdu, mais l’auteur ne lâche pas, elle continue son enquête. Et l’on finira par découvrir que la vie de Yamna, la mère, n’était pas du tout ce que l’on pensait.

Fawzia Zouari nous transporte peu à peu dans un univers où derrière l’exubérance d’un vocabulaire qui consacre la sensualité orientale se joue la tragédie. Derrière le lyrisme qui décrit les couleurs, les parfums, les étoffes, les parures et la douceur levantine ; derrière les jours où le soleil flamboie, les nuits piquées d’étoiles, malgré les amulettes, la sorcellerie, et les djinns, souffle le vent sinistre. Les ressorts de la tragédie sont en place, les vivants et les morts se côtoient, les archaïsmes et les pratiques ancestrales se ravivent. Apollon et Dionysos vont pouvoir s’affronter. C’est l’ivresse et la beauté nietzschéenne réunies pour ce que l’on espère une catharsis. Dans la crainte du monde à venir on voudrait la paix.

Ce livre, présenté par Boualem Sansal, est sans doute l’un des plus bouleversants et des plus inspirés à être publié dans la période trouble que nous traversons. Mais c’est aussi une œuvre porteuse d’espoir qui, en creusant jusqu’aux archaïsmes de l’humanité, permet de laisser passer un peu de lumière à travers un mur d’ignorance.

 

Jean Jacques Bretou

 


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A propos de l'écrivain

Fawzia Zouari

 

Fawzia Zouari, née au Kef, est une écrivaine et journaliste tunisienne. Docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne, elle vit à Paris depuis 1979. Le corps de ma mère est son dixième livre publié. Elle a pris dernièrement la défense de l’écrivain Kamel Daoud.

 

A propos du rédacteur

Jean-Jacques Bretou

 

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Rédacteur

Jean-Jacques BRETOU est traducteur.