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La Une Livres

Paris au fil du temps, Jean-Michel Billioud

Ecrit par Laetitia Steinbach , le Lundi, 17 Août 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Paris au fil du temps, Jean-Michel Billioud, mai 2015, illustrations Simone Massoni, 20 p., 13,90 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Billioud, Simone Massoni Edition: Gallimard Jeunesse

 

Voilà de quoi remonter le cours du temps en un seul album : depuis la conquête de Lutèce par les Romains en 52 av. JC à l’érection de la Bibliothèque François Mitterrand, la Seine a vu défiler de grandes révolutions architecturales, économiques et politiques, s’est vu confiner dans des quais de plus en plus étroits et bétonnés, a transporté des marchandises de plus en plus exotiques (des amphores de vin aux touristes !), a abrité les jeux des enfants, a servi d’égouts aux marchands et de cimeterre aux tortionnaires…

Ce n’est pas l’histoire de ce fleuve que nous proposent Jean-Michel Billioud et Simone Massoni, mais bien celle de Paris à travers les époques. Grâce à divers systèmes animés (rabats à déplier, volets à soulever, roues à tourner, mini-livres à compulser), le jeune lecteur découvrira la Lutèce gallo-romaine, l’entrelacs des ruelles sombres et malodorantes du Moyen-Age, le Paris classique des fastes royaux, l’architecture de fer des Halles, les grands boulevards de Haussmann, et même l’Occupation allemande.

Du malheur d’être Grec, Nikos Dimou

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Bassin méditerranéen, Payot

Du malheur d’être Grec, traduit du grec moderne par Eurydice Trichon-Milsani, 128 pages, 10 € . Ecrivain(s): Nikos Dimou Edition: Payot

 

L’introspection nationale a toujours quelque chose de douloureux, surtout lorsqu’il s’agit d’un peuple au passé aussi imposant. Le Grec moyen rappellera volontiers aux « étrangers » (c’est-à-dire tous les non Grecs) que ses lointains ancêtres furent les inventeurs de la démocratie, de la rhétorique, de la philosophie et d’une foule d’autres choses, comme pour bénéficier d’un peu de leur gloire, mais il se gardera bien de vivre selon leur exemple. Il se comporte ainsi en héritier ingrat et désinvolte qui s’approprie les titres de noblesse de ses aïeux sans nullement se sentir obligé de se montrer à la hauteur. Il faut dire qu’il est tout sauf facile d’assumer un héritage aussi lourd que celui de la Grèce antique. Les seuls Grecs heureux, dit Nikos Dimou, sont « les inconscients » qui vivent sans l’angoisse terrible de devoir égaler les Anciens. Tous les autres, conscients de leur infériorité irrémédiable (Grecs justement, avec la charge de mépris que mettaient déjà dans ce nom impropre les Romains, et non plus Hellènes), semblent voués au malheur.

La Fleur du Capital, Jean-Noël Orengo

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

La Fleur du Capital, janvier 2015, 764 pages, 24 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Orengo Edition: Grasset

Voilà un livre « hénaurme » !

Un ouvrage autant colossal que l’est son objet : la gigantesque foire au commerce sexuel qu’est Pattaya. La démesure du volume (le livre, qui fait 764 pages, est de la taille d’un dictionnaire) est déjà en soi, avant même qu’on l’ouvre, par le poids qu’il pèse dans les mains du lecteur, significative du projet de l’auteur, qui est d’impressionner.

Il y réussit incontestablement, en ayant recours à toutes les stratégies linguistiques et stylistiques qui forcent la fonction impressive du langage, et en alternant fort théâtralement ce qu’il titre et sous-titre, en les numérotant, Actes, Scènes, Intermèdes, Répétitions (au sens scénique), Coulisses, Rideaux (dont le texte est ponctué curieusement de l’anaphore insistante « Même si »), chapitres narratifs à la première personne (dans lesquels, ici c’est un des personnages qui prend la parole, qui se raconte et qui décrit, là c’est l’auteur en personne qui analyse son écriture en train de se faire) qui s’intercalent eux-mêmes entre d’autres parties textuelles dans lesquelles domine la voix d’un narrateur omniscient, et, par-ci par-là, extraits fragmentés, présentés comme étant du copié-collé, de forums de sites de rencontres en ligne où s’interpellent, s’interrogent, s’invectivent, exposent leurs fantasmes, se traitent de menteurs des connaisseurs, vrais ou imaginaires, sur ce qui se passe, sur ce qu’ils ont vécu, et sur ce qu’ils prétendent qu’on pourrait vivre à Pattaya…

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Stock, Anthologie

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano, avril 2015, 250 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Évelyne Bloch-Dano Edition: Stock

Qu’est-ce qu’un jardin ? Le lexique ouvrant la première partie de Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, égrène le vocabulaire : clos, parc, verger et même paradis, tous ces lieux expriment à la fois la nature originelle de l’homme et son inépuisable capacité à la dépasser. L’auteur invite donc d’abord à une excursion dans le temps, de la préhistoire jusqu’aux jardins à l’anglaise en vogue à partir du XVIII° siècle, car la première culture pratiquée par l’homme fut celle de la terre, et les civilisations peuvent se comprendre à partir de leur façon particulière de faire fructifier celle-ci.

Mais la culture, c’est aussi l’art et la littérature. Alors les « jardins de papier » – objet de la seconde et principale partie du livre – sont le décor parfois primordial, parfois en arrière-plan mais jamais anodin de scènes de romans. Parterres fleuris, haies, tonnelles et autres compositions végétales racontent des jeux de rencontres et d’évitement, de confidences murmurées et de secrets préservés, enfin se font coquins comme dans Le Lys dans la vallée où Balzac, à propos d’un bouquet, ne lésine pas sur les connotations érotiques : « du sein de ce prolixe torrent d’amour qui déborde s’élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s’ouvrir ». Dans Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, la façon dont Lol et Tatiana ont dessiné, chacune, allées et massifs, nous en apprend plus sur leur psychologie qu’une analyse verbale car les jardins sont « des révélateurs, des projections de notre moi dans l’espace ».

La joie, Charles Pépin

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Allary Editions

La joie, février 2015, 184 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Charles Pépin Edition: Allary Editions

Quand on se saisit d’un roman écrit par un philosophe, on redoute souvent que le récit soit trop « cerveau gauche » et analytique. Or à la lecture des premiers chapitres de La joie, cet apriori tombe et laisse place à de douces émotions. On sent vibrer le temps présent. La joie est là pour sublimer le quotidien, même le plus blafard des hôpitaux. La mère du personnage principal, Solaro, est mourante. Pourtant, cette triste nouvelle ne l’accable pas. Il continue à savourer son quotidien. Le bruit de la tasse sur le zinc d’un bar et la force de la caféine lui donnent envie de chanter. Il se « répète que c’est bon, c’est bon d’avoir un corps ».

Le début du livre est donc prometteur, on adhère tout de suite au concept de la joie du temps présent. Mais le scénario ressemble trop (de façon sûrement volontaire) à l’histoire de Meursault de L’Etranger de Camus. En effet, à la mort de sa mère, Solaro tue un homme sans raison particulière. Le reste du récit se passe au tribunal et en prison. Rien de révolutionnaire dans le scénario, mise à part la ferme intention de l’auteur de démontrer que la joie aide à surmonter l’adversité et même la mort. Ce petit clin d’œil à l’Etranger de Camus et au thème de l’absurde, n’est pas toujours joyeux et on frôle parfois la lassitude. Mais Charles Pépin tient son sujet jusqu’à bout et nous démontre à quel point, la joie, cette « force mystérieuse » est une excellente thérapie.