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La Une Livres

La nuit de Walenhammes, Alexis Jenni

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

. Ecrivain(s): Alexis Jenni Edition: Gallimard

 

Mais où se trouve donc Walenhammes ? Dans son dernier roman, La nuit de Walenhammes, Alexis Jenni, qui nous avait conquis avec L’art français de la guerre, situe cette ville, imaginaire ou non, peu importe, dans le nord de la France, cette France industrielle qui meurt depuis plusieurs décennies.

Charles Avril, jeune journaliste, que son patron oublie parfois de payer pour ses articles de pigiste, est envoyé par ce dernier pour enquêter, et restituer si possible quelques données de cette crise économique qui n’en finit pas de frapper et d’engendrer du dommage, de la précarité, de la pauvreté. Charles Avril est fragile, comme personne, comme journaliste. Il doute de son métier, de la pertinence d’internet comme support et source d’information. Il ressent ses écrits comme fugaces, prompts à passer dans la trappe de l’oubli médiatique, peu significatifs et encore moins susceptibles de marquer leur époque, journalistiquement parlant. Pourtant, son patron le convainc de partir, il sera payé cette fois…

Le Succube du tyran, Pascal Pratz

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

Le Succube du tyran, Éd. Lunatique, coll. 36e Deux Sous, avril 2015, 32 pages, 4 € . Ecrivain(s): Pascal Pratz

 

On l’avale tout cru ce petit bouquin des éditions Lunatique ! Aussi drôle que triste et pathétique finalement, comme le sont tous les tyrans, pathétiques je veux dire, mais on jubile à la lecture de cette courte mais dense satyre. Dense parce que tout y est, toute la panoplie et les délires des affreux qui tachent et pourrissent le monde de leur folie sanguinaire, avec leur cour de polichinelles cupides et tordus, imbéciles malsains au-delà du possible, qu’importe le nom du tyran, ils se ressemblent tous, à croire qu’ils sortent du même moule, et vrai que la meilleure des armes avec eux, ça pourrait bien être le ridicule. Le ridicule ne tue pas, dit-on, eh bien dans Le Succube du tyran, il tue, avec en renfort quelques potions et gouttes tantôt diurétiques, tantôt laxatives, aphrodisiaques ou bois débandé… « C’est un texte un peu potache » en dit l’auteur, la dernière cartouche peut-être dans un monde où de nouveaux genres de tyrans pullulent et se pavanent, le genre dont on n’a même pas envie de se moquer dans des livres, quoique…

La faille, Isabelle Sorente

, le Mardi, 01 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jean-Claude Lattès, La rentrée littéraire

La faille, septembre 2015, 520 pages, 20 € . Ecrivain(s): Isabelle Sorente Edition: Jean-Claude Lattès

 

Lucie de l’amère mort

Comme Musset résumant Lorenzaccio dès la première scène de sa pièce, Isabelle Sorente dévoile l’intrigue de son roman dans ses deux premières pages. Car La faille, qui se déroule entre 1988, année où Mina et Lucie se rencontrent, et 2014, qui voit la mort du pervers manipulateur que Lucie a épousé, est savamment construit.

Dès leur premier regard – Mina la narratrice a presque 16 ans et Lucie la fille aux cheveux d’or 12 – elles savent que leur amitié appartiendra à l’espèce rare de celles qui durent toute la vie. Une de ces amitiés passionnées qui ressemblent à de l’amour. « Les yeux de Lucie, à vrai dire, n’étaient pas bleus, ils avaient la couleur d’un lac en automne, reflétant un ciel gris ».

Lucie est à la fois sombre et lumineuse, esclave et libre. D’une beauté sidérante, « sauf sous un certain angle, quand elle tirait ses cheveux en queue-de-cheval, alors ses paupières rondes et ses sourcils très pâles la faisaient ressembler à un batracien ».

La Colline des Potences, Dorothy M. Johnson

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Nouvelles, Gallmeister

La Colline des Potences, juin 2015, trad. de l’américain par Lili Sztajn, 301 pages, 10 € . Ecrivain(s): Dorothy M. Johnson Edition: Gallmeister

Regardez une photo de Dorothy M. Johnson (1905-1984) : il s’agit d’une honorable et américaine grand-mère à lunettes, dont la chevelure est sculptée d’impeccable façon, comme ça se faisait durant les années cinquante ou soixante ; on l’imagine auteur de romans à l’eau de rose. Ouvrez un livre de Dorothy M. Johnson, et voici qu’apparaît un tout autre univers narratif : la sauvagerie de l’Amérique de la Frontière se révèle, vous entrez de plain-pied dans un monde d’hommes rudes habiles avec un Colt ou un lasso à la main, et pourtant disposés à déposer leur cœur aux pieds d’une femme assez courageuse pour mener la vie des pionniers ; vous avez l’impression de lire les romans des films diffusés le mardi soir sur FR3 durant La Dernière Séance chère à Eddy Mitchell. D’ailleurs, ce n’est probablement pas qu’une impression : la longue nouvelle La Colline des Potences, extraite du recueil du même titre (1957), fut adaptée pour le cinéma en 1959, avec Gary Cooper dans le rôle masculin principal, et rien n’interdit de supposer que ce film eut les faveurs d’Eddy Mitchell durant les années quatre-vingt. D’ailleurs, pour en finir avec les rapports entre Dorothy M. Johnson et le cinéma, il n’est que d’ajouter qu’elle co-écrivit le scénario d’Un Homme Nommé Cheval (1970) et qu’une autre de ses nouvelles s’intitule The Man Who Shot Liberty Valance (1953), et on a plus ou moins fait le tour de la question.

Maison de famille, Sophie Stern

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 31 Août 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Maison de famille, éd. Avant-Propos, coll. Matanel, juin 2015, 270 pages, 20,95 € . Ecrivain(s): Sophie Stern

 

Elsa Fischer, revenant d’un colloque au bout du monde, se retrouve comme malgré elle, et sans bien savoir comment, dans cette maison de famille devenue maison de vacances, puis à l’abandon, comme dans une parenthèse – un temps de pause –, pour y affronter la lettre de son compagnon, trouvée sur un meuble à son retour, et qu’elle croit être l’annonce de leur rupture : « Une enveloppe blanche l’attend, discrète, sur son bureau. …(?)… Elle semble glacée, pétrifiée par la découverte de cette simple enveloppe qu’elle ne ramasse pas tout de suite, n’ouvre pas encore. Son regard se perd dans une rêverie d’emblée mélancolique, comme si elle devinait son motif, et qu’elle venait de se heurter en un quart de seconde à une lourde grille de fer » (p.14).

Ce roman ? Un livre de souvenir, et d’oubli, d’effacement du temps et de réconciliation. Etre avec soi, et hors de soi, dans ce lieu propice au souvenir, précaire et à la fois solide, durable car délaissé, bientôt vendu, que fut la maison de famille devenue maison de vacances à l’occupation aléatoire, lieu repoussoir et magnétique, de cristallisation et de précipité des émotions :