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La Une CED

Le récit d'un arpentage

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 17 Juillet 2011. , dans La Une CED, Ecriture, Chroniques Ecritures Dossiers, Récits

Ou les travaux du promeneur


Je sais marcher. Je sais déambuler. Oui, choisir une rue plutôt qu'une autre. Je sais cheminer, aussi, dans les sentiers. Et, ces marches sont des travaux pour moi. J'y réfléchis, et si je suis accompagné, je disserte. J'aime donc aller pour faire discours. Par exemple, en poursuivant lentement sur l'avenue qui longe les voies ferrées. Ne pas savoir. Divaguer. Juste à l'écoute de l'amble de la marche. Donc, me hasarder, suivre là, l'allée qui débouche sur Pompidou-Metz, et le mur vert-de-gris qui masque les lignes de la compagnie des transports ferrés. Puis, tourner, revenir, regarder. Voir les trois rectangles qui sont comme des tiges en équilibre d'un grand mikado de béton. Géants, mais qui paraissent fragiles comme des oiseaux. En une sorte de lévitation hasardeuse. Alors, je ne suis plus ici, mais aux côtés de Kagemusha, avec lui, la doublure du guerrier, près de sa tente de combattant, de samouraï, dans ce mélange de la force des armes et de la faiblesse de la toile de l'abri. Mais, pour finir, beaucoup de gris, de blanc, et les lignes de chemins de fer où, là encore, je regarde non pas la liaison ferroviaire, mais les petites gares d'Ozu et ses mariages difficiles. Donc, le cinéma. Donc ce qui nécessite l'identification. La catharsis. La confusion de soi et du paysage. Faire le discours de cette relation. Faire de mes propres yeux le parcours de la promenade, comme pour un plan rapproché.

Carnets d'un fou - XI

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 14 Juillet 2011. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis, Chroniques Ecritures Dossiers

Michel Host

Le 4 juillet 2011


Rétrospectivité / Prospectivité / Objectivité / Subjectivité / Invectivité / Perspectivité / Salubrité

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Les intuitions des poètes sont les aventures oubliées de Dieu.

Elias Canetti, Le Territoire de l’homme


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Le corps et l'amour dans la littérature algérienne : l'ange ou le démon (1)

Ecrit par Amin Zaoui , le Jeudi, 07 Juillet 2011. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers, Chroniques régulières

L'ange ou le démon

Tantôt, de gauche à droite, j’écris. Et ma mère me dit : c’est le chemin des roumis. Tantôt, de droite à gauche, j’écris. Et ma mère me dit : c’est le chemin des musulmans, le chemin droit. Il en va de même pour la lecture. Pour moi, cette valse n’est qu’une malédiction de Sisyphe. Cycle absurde où je me recherche, dans une lumière obscure. Chute de Sisyphe, je tâtonne le vide noir et j’écris : « je » en français ou « ana » en arabe, peu importe ! Ecrire le « je » ou le « ana » dans tous ses états, tous ses éclats et dans toutes ses brumes est un « jeu » draconien. Supporter, transporter la pierre de Sisyphe jusqu’au sommet du paradis, ensuite descendre jusqu’au fond de l’enfer de Dante : écrire le « je » ou le « ana ». Fixer le miroir, collé devant soi, afin de détailler les traits les plus délicats et compter toutes les rides discrètes et les vagues successives des soupirs parvenant d’un fond feu est un exercice sévère : écrire le « je » ou le « ana », qu’importe. Amertume ou allégresse ? Par ce chemin sauvage, incertain et rocailleux, passent la genèse et le défi du texte littéraire. Je ne suis pas sûr ! Incertain. Certain. L’écrivain appartenant à ce monde obscurci et complexe appelé « arabo-musulman », est conçu, depuis son enfance, dans l’hégémonie d’une culture dominante celle de « l’hypocrisie ». Depuis l’enfance, nous vivons dans le non-dit, dans le non-vu, le non-entendu. Et nous continuons à vivre cette situation aberrante et insensée.

Sacrifice

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 07 Juillet 2011. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Chroniques Ecritures Dossiers

 

Cette voix a été mutilée par un coup de rasoir coléreux. Elle a voulu se révolter, au coin d’une fenêtre, elle a crié sa hargne d’une filiation coercitive. Le père n’a pas supporté, imbibé d’alcool, il a tranché.

Quelques gouttes de sang sur une moquette, voilà ce qu’il reste d’une voix qui s’est perdue à jamais. L’enfance et l’espérance sont parties pour ne revenir que de manière hachurée à travers une logorrhée découpée, hoquetante et striée.

Ma sœur est alors devenue le fantôme d’elle-même, courant derrière cette voix lumineuse qu’elle avait perdu un jour de ténèbres. Elle n’a jamais pu solder cette perte. Sa voix, elle l’a oubliée, nous l’avons tous oubliée. Pourtant, chacun d’entre nous sait ce qui a été tu.

C’est comme s’il y avait eu un sacrifice, car jamais plus le père n’oserait inciser un de ses enfants.

Et toi mère, ta voix ? Comment ne s’est-elle pas alors réifiée ? As-tu hésité à te réveiller ? A t’enterrer ?

Quelle souffrance aujourd’hui d’être encore dans ton silence. Je ne peux plus me taire, mes oreilles raisonnent de hurlements qui m’empêchent de frissonner à la brise du matin.

Un peu de poésie dans un monde de communiqués

Ecrit par Kamel Daoud , le Dimanche, 03 Juillet 2011. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers, Pays arabes, Maghreb

Les temps sont nouveaux, les mots ont donc l'âge de votre souffle. Dictionnaire des temps modernes.


D'abord révolution : cela ne veut pas dire chasser le colon mais chasser le dictateur, ses fils, femmes et serviteurs. Le colon n'est pas toujours un étranger, il peut avoir votre nationalité, votre visage, vos papiers, mais pas votre peau.

La révolution est un devoir, pas un souvenir. On y dépose ses os, pas sa gerbe de fleurs. Ses martyrs sont à venir, pas à commémorer. C'est une façon de reprendre la terre, pas de marcher dessus.


Liberté : à distinguer de libération. On n'est pas libre parce qu'on vous le dit, mais seulement lorsque vous le dites vous-même, à vous-même. La liberté a un prix, sinon la vie est gratuite. Vous êtes libre quand vous êtes prêt à en mourir et non lorsque d'autres sont morts à votre place avant que vous ne soyez né.