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La Une CED

Une vision de l’œuvre de Bernard-Marie Koltès, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 21 Mars 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

A propos Des Voix dans la nuit, Dans la solitude des champs de coton, Aline Mura-Brunel, éd. Le Lavoir Saint-Martin, 2015, 20 €

 

Il ne m’est pas facile d’écrire sur la publication de ce livre des éditions du Lavoir Saint-Martin, pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que le sujet abordé, en l’occurrence une étude ex professo de la pièce de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton, m’est très personnel, car il s’agit d’un élément du corpus de mon doctorat de troisième cycle, et j’ai donc beaucoup fréquenté cet auteur (en toute connaissance de cause) durant une thèse qui m’avait accompagné six longues et fructueuses années, et même après ma soutenance – (je précise que je suis l’auteur de l’une des toutes premières thèses sur Bernard-Marie Koltès). Ensuite, à cause du propos qui s’appuie principalement sur une lecture que l’on pourrait qualifier de phénoménologique, où il est question de Ricœur ou de Levinas, qui me trouble en un sens, car je crois que c’est la vraie manière d’aborder la richesse des pièces de l’auteur messin, et que cette interprétation intellectuelle qui est mienne me rend ce livre d’Aline Mura-Brunel affectif et singulier. Et pour finir, il n’est pas aisé de produire du discours, que je qualifierais de lecture « au carré », avec un métalangage, qui consiste à parler d’un texte qui parle d’un texte.

Union Sacrée… Voie Sacrée… Verdun !, par Vincent Robin

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 19 Mars 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Au bout de la route… : massacrés gisant partout dans une fétide gangue de terre fangeuse à jamais délavée par les brouillards. Des cadavres sont agglutinés là, prostrés et figés, enfouis en unités disparates et confuses dans des substrats de glaises ténébreuses. Sous les couches spongieuses de ce terreau partout chamboulé et recouvert de répétitifs leurres sédimentaires, s’entassent ou s’entrecroisent parmi les éclats d’acier indestructibles leurs restes humains entrechoqués, disloqués, éparpillés. Les têtes ne sont plus que des morceaux de crânes démolis, les bras et les jambes, des tibias et des fémurs aux délirantes fractures. Les chairs ne collent plus à eux. En cet état, leur nation, leurs proches ni même leur mère n’auraient pu les reconnaître.

Comme révulsée par leurs enfouissements indus dans sa matière putride et après cent ans encore, la terre indocile continue de les rejeter vers la lumière. Ne serait-ce pas d’ailleurs plutôt leur irréductible attirance vers les souffles de l’air libre qui les pousse obstinément à s’en extraire ? Ils refusent de dormir et leurs insomnies bruyantes perturbent notre sommeil. Pourquoi refusent-ils de se taire malgré tous nos efforts d’apaisement ?

A propos de Lettres à ma génération, Sarah Roubato

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 17 Mars 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Lettres à ma génération, Sarah Roubato, Michel Lafon, janvier 2016, 140 pages, 10,95 €

Je fais partie des personnes dont Sarah Roubato parle dans sa deuxième lettre, qui raconte l’histoire de la première, Lettre à ma génération, celle qui donne son titre à l’ensemble du livre. C’était juste après les attentats de novembre 2015 à Paris, le choc, les réactions à chaud, les récupérations à tout va, le grand bombardement médiatique, et ce besoin de prendre une bolée d’air au-dessus de la mêlée, ne pas se laisser entraîner par cette grande vague émotionnelle, dont Naomi Klein parle si bien dans son livre La stratégie du choc.

Légitime cette vague, cette indignation, mais trop uniforme, trop vite canalisée, avec des couloirs de pensée obligatoire, ne laissant pas le temps de la réflexion, de la dignité même, ne serait-ce que par égard pour les familles des victimes. Bref, c’est dans ce grand tohu-bohu que je suis tombée sur la lettre de Sarah, publiée sur Médiapart, et cet article comme quelques autres, m’a fait un bien fou car elle résonnait déjà avec mes propres réflexions et avait justement cette sorte de recul, de lucidité à contre-courant du tsunami de la pensée unique, cette lettre « c’était une réaction à la réaction » et cette réaction m’a tellement plu que je l’ai relayée aussitôt. C’est comme ça que je suis entrée en contact avec Sarah Roubato, dont la démarche et le travail découvert dans la foulée et surtout la façon dont elle les définissait, m’ont paru des plus intéressants.

A Jérôme Ferrari, par Marie-Pierre Fiorentino

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 16 Mars 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers

 

« On ne peut pas vivre avec la pensée de sa mort,

on doit se croire immortel,

c’est une nécessité »

Aleph zéro

 

Je viens de terminer Un dieu un animal.

La Corse s’y dévoile à travers une constante, l’inexorable retour au village d’hommes et de femmes qui espéraient un départ définitif. Question d’atavisme, probablement, de déterminisme généalogique et géographique. Dans le secret creuse jusqu’à ces racines.

Songe d’une nuit de Hasard, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 16 Mars 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Il tombe des hallebardes.

La fosse commune est sur le point de déborder. Assoiffé de vérité, mon ventre absorbe le trop-plein : goutte à goutte. Toutes les inhumanités du monde se concentrent dans mon gros intestin.

Fatigué ! Exténué ! Enflé !

Je râle un peu, des fois un peu plus. Une goutte de pluie, une deuxième puis une énième cinglent mon visage. Leur message tombe comme un couperet…

« Bois et tais-toi ! »

Et j’ai bu. Mes maux. En silence !

Elles dirent encore…

« Avale et tais-toi ! »

Et j’ai avalé. Mes mots. En silence !