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Essais

Carnets secrets, Archibald d’Handrax (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 04 Mai 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages poche

Carnets secrets, Archibald d’Handrax, Rivages Poche, janvier 2022, Préface Bernard Quiriny, 168 pages, 7 € Edition: Rivages poche

 

Dans le Portrait du baron d’Handrax, publié parallèlement, Bernard Quiriny a noté le goût de son excentrique ami pour les recueils d’aphorismes, dont il possédait une collection : « C’est un art difficile, le livre d’aphorismes. Il faut qu’ils soient bons ; mais en même temps, il faut que certains soient en fait assez plats, pour que les meilleurs prennent du relief par contraste. Alors, paradoxalement, vous aurez dans les mains un meilleur recueil que si tous avaient culminé, car aucun ne serait ressorti, et le livre aurait paru moins bon » (p.88).

L’aphorisme est, en effet, un genre littéraire paradoxal : d’une part, bien qu’il se caractérise par sa brièveté et donc sa rapidité d’exécution, il est – de même que la nouvelle – plus difficile à réussir qu’un texte nettement plus long. D’autre part, l’aphorisme n’acquiert sa pleine mesure, son plein rayonnement, qu’au milieu de ses semblables, parmi un recueil où la présence d’autres aphorismes mettra en valeur son génie propre ou, au contraire, sa platitude et ses allures de lieu commun fourbu.

Le Livre des préfaces, Gérard Klein (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 02 Mai 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Livre de Poche, Anthologie

Le Livre des préfaces, Gérard Klein, octobre 2021, textes réunis par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, 1240 pages, 21,90 € Edition: Le Livre de Poche

« La Science-Fiction est la meilleure gymnastique de l’esprit moderne. Pendant trois ans de sa vie, chacun d’entre nous devrait dévorer de la Science-Fiction au kilomètre. C’est comme le polar ou la bédé, ces récits façonnent aujourd’hui notre vision du monde. La SF ouvre les portes de l’imaginaire, joue avec la combinatoire des futurs possibles ou impossibles, fait travailler le cerveau droit, celui de l’intuition et du prophétisme, familiarise avec les grands déferlements et les grands changements ».

Ces mots de Gérard Klein sont extraits de la préface à Histoire de Science-Fiction, une anthologie promotionnelle proposée dans le magazine Actuel en 1984, et on ne saurait mieux dire – pour les trois genres proposés (auxquels pourrait être adjointe la Fantasy), puisqu’on a soi-même dévoré ces genres par instinct et par goût, et que l’on se replonge avec délectation dans un bain régulier de récits de science-fiction, parce que l’on sent bien que l’imaginaire en ressort revigoré – et qu’on en éprouve un plaisir qu’on laisse aux imbéciles le plaisir douteux de nommer « honteux ». De même qu’est assouplie la façon de penser, d’envisager le monde – et pas uniquement à cause du contenu de ces romans, mais aussi par leurs jeux formels et narratifs.

Le procès de la chair, Essai contre les nouveaux puritains, David Haziza (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 19 Avril 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Le procès de la chair, Essai contre les nouveaux puritains, David Haziza, janvier 2022, 256 pages, 20 € Edition: Grasset

Le sous-titre dit clairement la volonté de l’auteur : ce texte veut démonter les mécanismes qui ont abouti à un nouveau puritanisme dans le contexte actuel de la cancel culture, où paradoxalement tout semble aller de soi, où le permissif serait la règle, dans un monde soumis à l’image qui « offre » aux plus jeunes les images les plus dégradantes et les plus violentes.

C’est pourtant bien un puritanisme qui s’est mis en place sous le couvert d’un rapport « sain » au monde. « Cinq siècles ont passé, et chacun croit plus que jamais, procureur et juré, échapper à sa propre chair par son zèle à la condamner. La chair dont on jouit, et celle que l’on mange, celle que l’on tient de ses aïeux et que l’on transmet à ses enfants, est en effet à nouveau au banc des accusés. Nos sens sont bridés et l’animal que nous sommes soumis à un dressage dont la fin n’est plus de dompter le désir mais de l’annuler ». Ce sont là les phrases introductives de David Haziza qui ajoute que « le monde confiné dans lequel nous vivons désormais n’est pas seulement triste et claustrophobique : il est surtout insipide ».

Passé composé, Anne Sinclair (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 13 Avril 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset

Passé composé, Anne Sinclair, juin 2021, 375 pages, 22,50 € Edition: Grasset

« Je n’ai jamais eu une bonne idée de moi-même, et guère envie de me livrer à une analyse en public. Je voudrais toutefois animer les photos figées de la femme que je suis, et donner à voir quelque chose de plus complexe, même si j’admets avoir été la première à brouiller les pistes.

Je suis fondamentalement craintive, pusillanime et timorée, avec des sursauts d’audace maîtrisés. J’ai su cependant donner le change pour que l’on me perçoive comme volontaire et active.

Ma vie s’est construite au gré de hasards, d’enchaînements non prémédités, mais j’admets que m’étant battue pour une place au soleil, j’ai paru ambitieuse ».

Si la journaliste de TF1 pendant treize ans, de « 7 sur 7 » ou de « Question à domicile », a pu nous apparaître, malgré les fameuses interviews dont nous avons souvenir, quelques fois comme une bourgeoise (mot qu’elle assume), lisse, un peu trop mesurée, elle témoigne que c’était là, son parti pris, elle ne cherchait pas comme on dit de nos jours à créer le « buzz ». Elle n’aurait jamais interviewé Jean-Marie Le Pen, il lui fallait des invités avec lesquels l’échange verbal, la communication était possible. Anne Sinclair le dit, et outre excellente journaliste, elle est sincère et c’est une qualité qu’on ne peut lui retirer.

La marque Macron, Désillusions du Neutre, Raphaël Llorca (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 13 Avril 2022. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La marque Macron, Désillusions du Neutre, Raphaël Llorca, Editions de L’Aube, avril 2021 (essai, philosophie politique), 166 pages, 17 €


« Ce 7 Mai 2017 au soir, cour du Louvre ; tout dans la marque Macron y est déjà : la force du neutre, un récit, une esthétique, y compris déjà les premiers signes du dérèglement ; un certain autoritarisme esthétique, une forme de kitch, un excès d’incarnation, la tentation du sous-titre permanent »

Philosophe du champ politique, Llorca est aussi spécialiste du langage. Son regard, loin s’en faut, n’est pas celui du débatteur-contradicteur politicien, mais, celui du sachant observateur, maniant les grilles et, semant dans cet excellent livre qui se lit mieux que facilement, le respect qui sied à la chose démocratique quand on l’analyse. Ceux qui attendraient le pamphlet saignant peuvent passer leur chemin.