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Contes

Le Cœur révélateur (Contes), Edgar Poe (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Contes, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Flammarion

Le Cœur révélateur (Contes), Edgar Poe, Flammarion, Coll. bilingue Aubier, 1966, 375 pages

 

L’artiste défie le moraliste, une parodie de Platon

Poète maudit, auteur de célèbres contes fantastiques et policiers, critique littéraire implacable, très apprécié en France depuis les traductions de Baudelaire et de Mallarmé mais écrivain mal-aimé dans son pays natal, l’Amérique puritaine, où il déplaît pour sa vie dissolue (ivresses, mariage avec une cousine de 13 ans, dettes de jeu, mort d’éthylisme dans le caniveau de Baltimore), sa critique de la démocratie américaine et son esthétique aux antipodes de la pensée positive. Fasciné par la folie, le crime et le mal sous toutes ses formes, il appartient à un genre littéraire équivoque, le romantisme noir, et met en scène des monstres pervers aux passions sombres et destructrices dans des atmosphères lugubres et angoissantes.

Le Cœur révélateur, publié en 1843, illustre bien la formule de Mallarmé : « Poe, c’est le cas littéraire absolu » : entre maîtrise artistique et folie, jeux ambigus du réel et de l’imaginaire, polysémie et ironie, symbolisme subtil, l’histoire du cœur révélateur voile et dévoile. Défenseur de l’art pour l’art dans ses Principes Poétiques, Poe réfute le didactisme de convention et, avant Nietzsche, réhabilite le poète chassé de la cité par Platon.

Le Chant du poulet sous vide, Lucie Rico (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 04 Mai 2020. , dans Contes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, P.O.L

Le Chant du poulet sous vide, Lucie Rico, mars 2020, 252 pages, 18,90 € Edition: P.O.L

 

Des poulets et des hommes : Lucie Rico

Dans la fable écologique de Lucie Rico, la révolte sourde gronde. Sous les cerisiers parés de blanc, le rouge est mis, comme si le temps de leurs fruits ils allaient se gonfler de sang. Si bien que l’histoire tourne au conte fantastique et horrifique. Il n’est pas sans rappeler le Truismes de Marie Darrieussecq, paru naguère chez le même éditeur.

Au cochon, fait place la poulette. Paule a pour mission de les élever pour les tuer au moment où l’héroïne doit reprendre l’élevage maternel. Tentant de sauver ce qui peut l’être, elle est embrigadée en une aventure que l’auteure construit (dit-elle) « de la même manière que le marketing fabrique des contes, jusqu’à nous faire croire que les animaux que nous mangeons sont d’adorables bêtes, saines et dévouées, avec lesquelles nous avons une relation ».

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Mars 2020. , dans Contes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes, 2019, trad. grec ancien, Francis Vian, Émile Delage, préface Glenn W. Most, 348 pages, 21 € Edition: Les Belles Lettres

 

Était-il raisonnable d’écrire une épopée quand on venait après Homère ? La question peut être posée autrement : est-il raisonnable d’écrire un roman après Proust ? Était-il raisonnable de composer de la poésie sous le magistère écrasant et tyrannique de Victor Hugo ? Baudelaire l’a pourtant fait, en s’emparant d’une des rares formes poétiques que l’exilé de Guernesey n’avait pas illustrées : le sonnet. Apollonios de Rhodes, né en 295 avant Jésus-Christ, s’est-il posé semblable question ? Nous l’ignorons. En tant que Grec lettré – et de surcroît directeur de la bibliothèque d’Alexandrie – il connaissait naturellement les épopées homériques. Mais le goût littéraire avait changé – on n’ose écrire évolué – et Homère finit par paraître rébarbatif, brutal, aux yeux des Alexandrins érudits et raffinés. Apollonios choisit donc un épisode de la mythologie grecque qu’Homère avait délaissé : la quête de la Toison d’or, sur laquelle il composa une épopée en quatre livres. Le public alexandrin de son époque se trouvait dans le même état d’esprit que les Français du Grand Siècle lorsqu’ils allaient voir Corneille, Racine ou les autres dramaturges : ce n’était pas la nouveauté ou l’originalité du sujet qui leur importait, mais la manière dont il était traité (si génial que soit le réalisateur, tout le monde sait comment se terminera un film sur le Titanic).

Le Dieu cerf, Philippe Le Guillou (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 09 Décembre 2019. , dans Contes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Le Dieu cerf, Philippe Le Guillou, novembre 2019, ill. Loïc Le Groumellec, 104 pages, 18 € Edition: Fata Morgana

 

Philippe Le Guillou se fait scribe de ce fragment d’une légende (presque) dorée. Et l’auteur de préciser : « récitant d’une geste dont je module, à mon tour, les accents et les échos, je ressens pleinement ce passage de l’orée, cet état de panique joyeuse que m’a toujours inspiré la seule profération du mot “lisière” ». Dès lors l’auteur invente la psychologie de son héros. Il vit à l’épreuve de celle-ci. Et habitant son personnage de l’intérieur, il l’imagine « rempli de cette frayeur religieuse qui gagne les nomades sacrés et les pérégrins… ».

Néanmoins l’auteur ne se laisse pas envahir totalement par ce sombre héros proche d’un lointain : « mon personnage appartient à l’Antiquité, c’est un vir que ne tourmentent ni la peur physique ni la fragilité si féminine, c’est un homme accompli, dans la splendeur de sa force, un guerrier, un chasseur ». Celui-ci troue l’éternité. Il montrerait facilement à l’assassin le chemin, et laisse au besoin monter la voix de l’animal. Il sait repérer au sol une trace même lorsque des ogres brouillent les cartes et des prélats moulinent leurs orgues à prières.

Contes des sages persans, Leili Anvar (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 04 Décembre 2019. , dans Contes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Seuil

Contes des sages persans, Leili Anvar, novembre 2019, 240 pages, 19 € Edition: Seuil

 

Du fabuleux, du révéré

Chacun des trente-deux contes de ce recueil, traduits par Leili Anvar, commence par le leitmotiv « Il était une fois, et il n’était pas, sous la voûte azurée, au pays d’autrefois », litote poétique à la manière de la trame narrative que tisse Shéhérazade au long des Mille et une nuits. Le premier conte persan parle de la beauté absolue d’une reine (brune) dont la vue tue, telle une déesse antique, Méduse qui ensorcelle, stupéfie et foudroie ceux qui la regardent, ou Narcisse au féminin qui ne se noie pas dans son reflet mais le re-duplique afin que rayonne sa splendeur aux yeux de tous, par l’intermédiaire d’un miroir. Plus loin dans l’ouvrage, c’est l’éléphant, révéré par les Bouddhistes, ou bien incarnation de Ganesh, qui est sujet à controverse et admiration : « Ainsi, nous verrons dans l’éléphant le pilier, l’éventail, la gouttière, les branches du trône et davantage… », qui rappelle, en cela, le mythe de la caverne et celui de la révélation :