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Les Chroniques

Pour Sandro Penna (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 03 Décembre 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED, Italie

 

« Amore, amore,

Lieto disonore »

 

La poésie de Sandro Penna a la candeur d’un rivage maritime en juillet quand le jour se lève ; d’un compartiment de troisième classe ; d’une place urbaine vers onze heures du soir, non loin d’une pissotière et d’une gare ; d’un sentier poudreux entre Pérouse et Foligno ; d’une fenêtre qui s’allume dans un village au crépuscule : une ombre glisse, s’arrête, observe, s’estompe.

Les strophes sont courtes le plus souvent ; les rimes irrégulières ou classiquement disposées : l’extrême singularité derrière la banalité se cache.

Des lieux, des situations se répètent de texte en texte, de recueil en recueil. Penna ne cherche pas à se renouveler, étant lui-même une exception suffisante, mais à cerner, éterniser une obsession.

Hémon, suivi d’Antigone, Silences et Loin la langue, Bernard Fournier, éditions La Feuille de Thé (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 02 Décembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Hémon, suivi d’Antigone, Silences et Loin la langue, Bernard Fournier, éditions La Feuille de Thé, 2019, 76 pages, 20 €

Hémon – le fiancé d’Antigone, dont l’amour fut sacrifié par celle qu’il aimait et qui l’aimait, au nom du devoir moral fraternel –, telle est la figure sur laquelle le poète Bernard Fournier a choisi d’orienter l’objectif de son attention pour ce nouveau recueil publié aux éditions La Feuille de Thé. Après l’écriture d’une biographie consacrée à l’un de ses auteurs de prédilection, Jacques Auberti (Métamorphoses d’Audiberti, éd. du Petit Pavé), Bernard Fournier nous plonge dans l’univers d’une figure symbolique, de même trempe que ces personnages directement ou indirectement fondateurs de notre civilisation en en révélant les limites et les excès au travers de récits mythiques et/ou dramaturgiques. La première édition du poème Hémon, nous précise-t-on, a été réalisée sous la forme d’un livre d’artiste avec Valérie Honnart toujours à la Feuille de Thé, et le poème Loin la langue, qui en constitue le dernier volet, a été publié par Daniel Martinez dans la Revue Diérèse en 2018.

Portraits de pessimistes, De Shakespeare à Schopenhauer, Paul-Armand Challemel-Lacour, Editions des Instants (par Marjorie-Rafécas Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mercredi, 01 Décembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, Essais, La Une CED, Editions des Instants

Portraits de pessimistes, De Shakespeare à Schopenhauer, Paul-Armand Challemel-Lacour, Editions des Instants, octobre 2021, 168 pages, 15 €


Les Editions des Instants ont eu la bonne idée de dépoussiérer des lectures oubliées du XIXème siècle, pourtant si actuelles : les écrits de Challemel-Lacour sur le pessimisme et ses plus dignes représentants tels que Schopenhauer et Pascal. Ce livre rassemble les textes publiés dans Etudes et réflexions d’un pessimiste, publiés en 1901 et en 1993 chez Fayard, ainsi que l’article Un bouddhiste contemporain en Allemagne, paru en 1870 dans la Revue des Deux Mondes. Paul-Armand Challemel-Lacour a été académicien et normalien, reçu premier à l’agrégation de philosophie. Tout comme de nombreux de ses contemporains, il a connu l’exil politique. Et le sentiment d’exil que ressent tout être d’une extrême lucidité, car le pessimisme est un exil…

La Folie Almayer, Joseph Conrad, Éditions Autrement (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 30 Novembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Iles britanniques, Autrement

La Folie Almayer, Joseph Conrad, Éditions Autrement, septembre 2021, trad. anglais, Odette Lamolle, préface Olivier Rolin, 352 pages, 12 €

 

Toutes les biographies l’indiquent : Joseph Conrad est un écrivain qui a choisi un jour d’écrire en anglais, lui, le Polonais, lui, le mousse parti de Marseille pour finir capitaine de la marine marchande britannique, lui, le voyageur d’une Asie aux langues multiples. Il écrit en anglais comme peu, il crée une langue d’une pureté rare, et celle-ci est à rendre en français vaille que vaille, avec plus ou moins de talent, avec plus ou moins de compréhension de cette langue à la fois souple et précieuse, et parfois aussi imaginative qu’imagée.

Partant, les traductions de son œuvre sont multiples, et l’on ne peut toutes les comparer ; on peut du moins en apprécier une par une simple comparaison entre la version originale et la version traduite d’un même paragraphe ; ici, ce sera le dernier du roman, en toute subjectivité :

« And as they passed through the crowd that fell back before them, the beads in Abdulla’s hand clicked, while in a solemn whisper he breathed out piously the name of Allah ! The Merciful ! The Compassionate ! ».

Kenny, Frédéric Vossier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Novembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Kenny, Frédéric Vossier, éd. Les Solitaires Intempestifs, septembre 2021, 80 pages, 14 €

 

Révélation

Peut-être que la dernière pièce de Frédéric Vossier pourrait être, en un sens, une quête de nomination, celle de nommer des êtres, nommer des situations. Tout d’abord parce que le prénom ici éponyme, Kenny, est prononcé souvent, assez pour faire litanie parfois. En second lieu parce que se nommer, nommer sa part d’étrangeté, dire comme en une révélation là où le trouble gagne le genre, rendent complexe et ambiguë la vérité sexuelle du personnage principal. Et cela assez brutalement.

Une vision conservatrice, voire réactionnaire, vient s’opposer dans ce schéma actanciel au trajet de révélation du personnage principal. Ou alors cette opposition actancielle le pousse peut-être davantage, l’oblige à exprimer une sorte de confession dont les conséquences, en tout cas pour le lecteur, sont grandes. Car là vacille le thème de la pièce.