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Les Chroniques

A propos de Souvenirs et solitude, Jean Zay, par Vincent Robin

Ecrit par Vincent Robin , le Mercredi, 24 Janvier 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Souvenirs et solitude, Jean Zay, Belin, janvier 2017, 576 pages, 11,90 €

Le long déroulement de notre histoire nationale n’aura jamais manqué de femmes ou d’hommes charismatiques sur le plan social et politique. Sortant du lot constamment fourni des revendicateurs de pouvoir à tout crin et des opportunistes de renoms inscrits dans notre mémoire collective, ils se seront ainsi magnifiquement singularisés par leur intelligence mais surtout par l’humanisme dont ils auront été les très éminents porte-voix. C’est en outre le plus souvent, et lorsqu’ils n’en furent pas empêchés par leur engagement ou par leur action sans détour ni intrigue, qu’ils se seront bientôt attachés une très légitime reconnaissance publique. En considérant leurs bienfaits sous cet angle, rapportés au cadre hexagonal et communautaire, c’est bien de la sorte en songeant plutôt à un Clemenceau qu’à un Talleyrand que sauraient être aujourd’hui distingués un honneur véritable fait au symbole de l’Etat et une raison noble donnée à la grandeur nationale. Encore faut-il admettre pour cela et une bonne fois que prime et primera toujours virtuellement sur l’intérêt égoïste des oligarchies et des élites, sur la richesse corporatiste et individualiste, la cause essentielle et vitale d’une population ralliée aux lois du juste partage démocratique. « Liberté, égalité et fraternité », les devises républicaines de l’Etat français resteront alors pour longtemps cette sonde efficace selon laquelle, du degré des paroles à la température des actes, se mesurera indéfiniment chez les hommes, toute récolte face au jugement de leurs pairs, tout mérite face à celui de l’histoire.

Exhumation poétique, Andrée Vernay, par Germain Tramier

Ecrit par Germain Tramier , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Andrée Vernay, Dernière terre, 1962, 60 pages

« Le triomphe ne sera jamais pour vous.

Faites un baluchon de vos rêves, et le jetant sur vos épaules, partez pour ne plus l’écouter…

Pensez à vous… Jetez-vous sur les grands chemins martelés du pas des multitudes…

J’irai, chantant pour vous, des mélodies robustes »

Andrée Vernay

 

Ce n’est pas une « revie » littéraire que je me propose de faire, mais une exhumation. Qui connaît encore Andrée Vernay, née à Lyon en 1914 et morte à Marrakech le 2 janvier 1942 ? Un phénomène (si ce n’est un lieu commun) n’a cessé de se vérifier au fil des générations, depuis Théophile de Viau ou certains préromantiques, jusqu’à la mort accidentelle de Geneviève Desrosiers dans les années 90 : de nombreux poètes sont morts jeunes, sans avoir le temps de parachever leur œuvre.

Michéa L’inactuel. Une critique de la civilisation libérale, Emmanuel Roux, Mathias Roux, par Christophe Gueppe

Ecrit par Christophe Gueppe , le Lundi, 22 Janvier 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Michéa L’inactuel. Une critique de la civilisation libérale, Emmanuel Roux, Mathias Roux, Ed. Le Bord de l’eau, novembre 2017, 196 pages, 16 €

 

 

Le livre d’Emmanuel et Mathias Roux, consacré à l’œuvre de Jean-Claude Michéa, pourrait s’intituler « qui est Michéa ? ». Il s’agit en effet de restituer la véritable teneur de son travail, surtout face aux critiques qui en sont faites et qui le défigurent, comme en témoigne le dernier chapitre qui est consacré à la réception de son œuvre. Car il existe deux versants indissociables à l’entreprise de Michéa : l’un, proprement philosophique, qui consiste à établir les fondements de la société libérale, sous son double aspect politique et économique. Les deux premiers chapitres du livre des frères Roux y sont consacrés. L’autre est plus d’ordre polémique, et il fait l’objet des deux chapitres suivants chez ses commentateurs. Il consiste à retrouver dans le temps présent, et dans l’actualité politique la plus récente, la confirmation de cette implantation libérale dans notre culture. En conclusion de l’ouvrage, nous trouvons en effet ces phrases, à propos de l’élection présidentielle de mai 2017 en France :

Driss Chraïbi, un esprit libre et libertaire, par Mustapha Saha

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 18 Janvier 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Triste constat. En ce dixième anniversaire de la disparition de Driss Chraïbi, l’écrivain rebelle n’aura eu aucun hommage à la hauteur de son œuvre planétaire. Le Salon du Livre de Paris, où le Maroc était l’invité d’honneur, a été une belle opportunité historique, piteusement gâchée par l’incompétence des organisateurs. Quelques colloques universitaires, marqués par leur élitiste confidentialité, au lieu d’amender cette pensée vivante, de fertiliser ses possibles inexplorés, de la propulser dans son devenir fécondateur, l’ont fossilisée dans la nébulosité des sempiternelles casuistiques. L’irrécupérable intelligence bute toujours sur l’indigente fanfaronnade culturelle. Je m’attendais, dans son propre pays, à une célébration institutionnelle qui l’aurait définitivement consacré comme inamovible bannière des lettres marocaines, comme inextinguible chandelle pour les générations futures. J’escomptais une initiative audacieuse d’édition de ses œuvres complètes enrichissant pour toujours les bibliothèques référentielles. Ses livres régénérateurs de la langue matricielle et de la littérature diverselle demeurent largement méconnus dans leur argile première. S’estompent encore une fois dans l’ambiante équivocité les inaltérables lumières.

Le journal de MCDem (5), par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 18 Janvier 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Vendredi 24 novembre

La transformation de l’activité lectorale en expérience auditive, Guillaume Basquin, fondateur des Éditions Tinbad avec Christelle Mercier, en a signalé la mesure déterminante dans l’appréciation d’une écriture. La parole littéraire en général, la parole poétique en particulier, se donnent à entendre via le canal auriculaire et l’on imagine que tout lecteur doué de l’oreille dite absolue possède le sésame pour un plaisir inégalable. Ceci pour Quignard, ceci pour Basquin. Tous deux d’ailleurs aiment à écouter la musique baroque, dans laquelle les termes s’entrechoquent, où chaque note se révèle nécessaire, avenante. Sans doute y trouvent-ils cette tonicité, cette finesse spirituelle qu’une musique par ailleurs perçue comme plus remuante, comme plus dynamisante/grisante, n’apporte peut-être pas autant qu’elle, en réalité.

« Pour bien écrire, il faut avoir l’oreille musicale, savoir écouter et s’écouter chanter, même en silence », écrit Guillaume Basquin. « L’œil écoute » – l’expression claudélienne constitue davantage une évidence qu’une figure de style.