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Les Chroniques

Sens Averse, Valérie Rouzeau, par Philippe Leuckx

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Sens Averse, Valérie Rouzeau, La Table Ronde, mars 2018, 144 pages, 16 €

 

Rivalisant d’inventivité, d’espièglerie, récrivant la langue à coups de verheggenades (style folies belgères), Valérie Rouzeau apporte un vent de fraîcheur dans un genre toujours près de sombrer soit dans l’hermétisme hautain soit dans les poncifs pas si souverains que ça ! Il y faut de la légèreté, et du bagout, et de l’audace, et bien de la grâce, pour éviter tous les écueils dans ce recueil, plus de 110 poèmes tout de même, jamais répétitifs, mais qui creusent leur sillon original : dire le monde d’aujourd’hui dans un répertoire de manies, de travers, de choses imposées, de trucs, de réseaux, de mondes qui tournent vraiment mal !

Oui, Madame, le monde va plutôt mal, alors, jouez muscade, passez poème, semblent dire ces textes enchanteurs d’une Valérie qui réagit et agi(te)poème au quart de tour. En la lisant, en la copiant, ceci me venait à l’esprit, calembour à peine piqué des vers : « Le viticulteur content a prêté sarment » ou « Il n’est pas à prendre avec des princesses ».

Tanirt, Mika Kanane, par Pierrette Epsztein

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 10 Mai 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Tanirt, Mika Kanane, éditions Amenzo, janvier 2018, 160 pages, 13 €

 

 

Tanirt est l’héroïne éponyme du roman de Mika Kanane. Comme Schéhérazade, elle est à la fois un personnage de fiction et une conteuse, intelligente, mutine, cultivée, raffinée et capiteuse. Elle va se faire la mandataire de tout un monde. Son récit gravite autour de la lignée maternelle, toutes des femmes au caractère bien trempé, avec des tempéraments puissants. Tanirt, l’héroïne du récit nous annonce en préambule : « Au printemps, à la saison où les fleurs jaillissent du sol, je me loge dans la peau de ma mère pour qu’elle puisse vivre à travers moi quelques moments d’existence. Sa tristesse était grande, incomprise, sa souffrance omniprésente et si familière. Elle m’a donné la vie. Elle n’a pu me porter qu’à travers sa douleur… Je voudrais lui offrir mes joies, mes échecs, et mes réussites. Une simple existence. Je sais qu’elle n’a pas choisi de vivre ici, parmi les étrangers ».

La Styx Croisières Cie (3) Mars 2018, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 04 Mai 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

« Ne travaillant que le réel, il me fallut porter ceci dans le Livre de mes Mémoires : « Le Lièvre de Mars était à ma porte qui criait d’une voix grelottante : – Ouvrez, Monsieur de Phrysac, je vous apporte un message de Monsieur Carroll. – Lequel ? – dis-je, grognon d’être dérangé. – Celui-ci : « Voyez comme le crocodile / Sait faire rutiler sa queue / En répandant l’onde du Nil / Sur ses jolies écailles bleues ! ». – Entrez, l’invitais-je, il fait un froid de canard. Je vous offre un thé. Mais, pardonnez-moi, le message de Monsieur Carroll ne veut rien dire. – Il veut tout dire, au contraire ! me rétorqua le Lièvre très fâché. Puis, soudain pressé, il tira sa montre de son gousset et ajouta : – Je dois rentrer maintenant, le Pays des merveilles, c’est très loin, le bout du monde… Je lui confisquai sa montre, craignant qu’il ne la plongeât dans le thé ».

Jules de Montalenvers de Phrysac, Le Livre de mes Mémoires

My Absolute Darling, Gabriel Tallent, par Mélanie Talcott

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 02 Mai 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

My Absolute Darling, Gabriel Tallent, Gallmeister, mars 2018, trad. anglais (USA) Laura Derajinski, 454 pages, 24,40 €

 

Julia, Turtle et Croquette… Trois prénoms pour un même personnage, une jeune fille en apparence paumée, à l’enfance autarcique et piétinée par un père charismatique et complètement dézingué. Julia est son prénom d’état-civil, choisi par un binôme parental que la mort a sabré. La mère est morte. Disparition ambiguë puisque l’on ne sait si elle se doit à un accident ou à un suicide. Proscrite du souvenir de son compagnon, Martin, de sa fille Julia, elle est balancée dans les trappes de l’oubli en quelques lignes nécrologiques consenties par l’auteur Gabriel Tallent qui signe son premier roman avec My Absolute Darling. Naît alors Croquette, un prénom doux comme un bonbon, un truc que l’on fait rouler entre ses doigts mais que l’on peut aussi réduire en miettes d’un coup de talon. C’est le prénom amoureux que le paternel donne à sa fille. Un amour fou, monstrueux, destructeur et incestueux. Un amour absolu – My Absolute Darling – autre nom dans lequel Marty entaule sa croquette lorsqu’elle veut lui échapper et se carapate.

Mes intimes étrangers, Luc Duwig, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Mes intimes étrangers, Luc Duwig, Carnets Nord, mai 2018, 167 pages, 16 €

 

Au jeu du réel et du fictionnel, Luc Duwig gagne. Attention ami lecteur, il va te malmener. Te dire toute la vérité ou travestir toutes les lignes. Tu es averti. Le lien et la famille, celui auquel tu t’attaches parce que tu le crois vrai, parce que tu crois que le mot est vrai. La place de chacun sur la ligne. Sa patine, sa légende et son héritage. Le récit a existé. Les personnages. Reconstitution imaginaire. Treize photos à mi-parcours. Et deux cartes. Trente-deux chapitres. Tu es intrigué.

Jeest le narrateur né en 1961, au pied du mur. Berlin et la guerre froide. Jeest le petit-fils sous l’ombre du grand-père, Jean-Ferdinand. La belle histoire de famille. Et pourtant. Taches et dates manquantes sur l’échiquier familial. Le grand-père que chacun prétend disparu, que chacun efface avec sa propre langue.