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Les Chroniques

Gabriel Matzneff : deux lectures, par Philippe Chauché

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 13 Février 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

La Jeune MoabiteJournal 2013-2016, Gabriel Matzneff, Gallimard, novembre 2017, 704 pages, 29 €

Maîtres et complices, Gabriel Matzneff, La Table Ronde, La Petite Vermillon, janvier 2018, 320 pages, 8,70 €

 

« La vie est un perpétuel jaillissement de surprises, elle ne cesse de m’étonner, et c’est pourquoi je remettrai au plus tard possible le ghiribizzo (la lubie) de me faire sauter la cervelle qui me visite de temps à autre (depuis l’âge de seize ans) », La Jeune Moabite, Carnet 151, Dimanche 26 avril 2015, midi, à la terrasse du Métro.

Carnet du désert, suivi de Fragments de solitude, René Pons, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 08 Février 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Carnet du désert, suivi de Fragments de solitude, René Pons, éditions Rhubarbe, août 2017, 200 pages, 13 €

 

« Ce livre, au jour le jour salivé, est formé de mes manques, de cette incapacité à enchaîner, à fixer mon attention qui, de loin en loin, me torture plus ou moins longtemps »

René Pons, p.151

 

« Je ne marche pas / dans le désert / mais le désert en moi / s’étend à l’infini »

René Pons, p.5

 

Du doute au sur-doute

Mère, pute ou hadja ?, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Elle naît comme toutes les autres filles aux quatre coins du monde. Belle. Ange. Pleine de rêves. Fascinée par les jouets. Comment l’ange-fille se métamorphose-t-elle en diable, dans le monde arabo-musulman ?

La fille musulmane naît encerclée par des centaines de vigiles. Toutes sortes de vigiles. Ils sont dans la langue. Dans la morale. Dans la rue. Dans le regard. Dans le hadith. Dans des fatwas perverses.

Elle est née condamnée. Elle est la faute-suprême. Elle est l’erreur-tentation. Elle est la trahison-possible. Elle est la fornication-attendue. Elle est le serpent dans la poche. Elle est la malédiction-retardée.

Dès que la fillette met le pied dans la rue, le regard entre les pieds, elle devient une bombe sexuelle qui menace la galaxie tribale. Dès qu’elle commence à se regarder dans la glace, elle devient la sœur du Satan, « chitane », qui dérange les ablutions des prieurs. Dès qu’elle s’assoit sur le banc d’école, elle est soupçonnée de semeuse de chaos ! Dès qu’elle fait son premier pas sur un talon, elle menace l’équilibre de la terre dans son parcours sur l’orbite habituelle, et donc, elle est exclue de l’espace des anges.

Plateau virtuel club # 3, par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 05 Février 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

L’émission de janvier donc. Une heure polyphonique : entendre tant de voix humaines, celles des textes de Patrick Kermann et celles des voix radiophoniques. L’auteur n’est pas , comme il est de rigueur, dans la série d’émissions du Plateau virtuel club sur radio Clapas. Son absence comme une singulière présence. Il fait au contraire, par le miracle de la lecture, entendre les paroles qui nous traversent tous. De l’amour et de la Mort. Patrick Kermann est mort en 2000, et sa pièce Vertiges inédite jusqu’alors a été publiée par les éditions Espaces 34 en 2017. Sabine Chevallier présente d’ailleurs son entreprise éditoriale de l’œuvre de l’auteur dont certains textes restaient introuvables.

Marie Reverdy retrace l’itinéraire fulgurant de Patrick Kermann dont l’œuvre « post Shoah » interroge la mort du théâtre (psychologique) après cette Catastrophe et donne la parole aux Morts. Cette parole qui ne peut plus être que ressassement, fragments, glissant vers le poétique, le musical pour résonner encore.

Lecture d'un chef-d'oeuvre : Look Homeward, Angel de Thomas Wolfe, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 01 Février 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED, USA

Look Homeward, Angel, Thomas Wolfe, éd. Bartillat, août 2017, trad. américain Pierre Singer, 585 pages, 22 €

 

Entrer dans ce roman ressemble à une entrée dans l’Océan. L’immensité de l’univers de Wolfe, les flux et reflux incessants de son écriture, l’absence d’apaisement comme dans les vents et marées de la haute mer, nous font rapidement renoncer aux bonaces des ports. Le lecteur est emporté, submergé, au bord de la noyade parfois, tant le style de Thomas Wolfe approche du déferlement des vagues. On sait de l’auteur qu’il se tuera à la tâche – à 38 ans – et, en lisant son premier roman on se dit qu’il ne pouvait en être autrement.

L’épigraphe sublime du roman est en soi un parfait avant-goût, une sorte d’annonciation. L’auteur se transforme en prophète de ses propres souvenirs douloureux.

« … Une pierre, une feuille, une porte introuvable ; une pierre, une feuille, une porte. Et tous les visages oubliés.

Nus et solitaires, nous sommes en exil. Dans l’obscurité de ses entrailles, nous n’avons pas connu le visage de notre mère ; de la prison de sa chair, nous sommes passés dans l’indicible, l’incommunicable prison de cette terre.