Identification

Asie

Je puais le sang d’âne, Hafez Khiyavi

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

Je puais le sang d’âne (Bu-ye khun-e khar), octobre 2016, trad. persan (Iran) Stéphane A. Dudoignon, 190 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Hafez Khiyavi Edition: Serge Safran éditeur

 

Treize nouvelles pour partager la vie quotidienne des Iraniens, non pas de ceux dont les médias nous renvoient l’image, ceux des villes, des ayatollah, des femmes enfoulardées, et des brimades qu’exercent les miliciens des brigades des mœurs sur celles qui ne le sont pas assez, non, ces treize histoires nous font découvrir les Iraniens de la campagne, par le récit de drôles de mésaventures que connaissent des individus du terroir, dont certains, adolescents ou jeunes gens un peu simplets, font penser immédiatement à Djoha, ce personnage souvent tourné en ridicule de contes et de fables persans et arabes.

Plusieurs nouvelles ont pour décor un verger dont les fruits défendus, cerises, prunelles, mûres, griottes, pêches, selon la situation, attirent l’acteur principal qui s’y rend en cachette soit par gourmandise personnelle, soit pour en faire l’offrande à celle de qui il veut se faire bien voir en une sorte d’inversion des rôles d’Adam et d’Eve dans la fable du jardin d’Eden.

Elle lui bâtira une ville, Raj Kamal Jha

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Elle lui bâtira une ville, octobre 2016, trad. anglais (Inde) Eric Auzoux, 411 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Raj Kamal Jha Edition: Actes Sud

 

Avant le livre, il y a L’auteur. Journaliste expérimenté, directeur de la rédaction à l’Indian Express, il avait écrit (2008, Actes Sud) un précédent roman, Et les morts nous abandonnent. D’un tel chef d’œuvre, tellement à part, à plus d’un titre bouleversant, dire – et, si vous ne lisez qu’un livre… apparaissait comme allant de soi, jusqu’à ce second ouvrage, presque 10 ans après. Autre pur chef-d’œuvre totalement dans la veine du précédent, avec sujet, cadre, architecture du récit, et leur dose de nouveautés, mais toujours dans ce regard sur l’Inde actuelle – lorgnettes croisées du fantastique, du rêve, du reportage. Écriture (et traduction des plus pertinentes), philosophie ; sociologie aussi, qui relèvent de cette magie venue d’une – très grande – littérature indienne, contemporaine, ou (et) intemporelle… Sans oublier, également, le film-documentaire, qui passe, implacable, entre les mailles de cette formidable histoire déjantée. Jamais bien loin de l’écrivain bouillant dans son imaginaire, le reporter, le citoyen, qu’on devine engagé, de l’Inde d’aujourd’hui ; celui qui donne à voir – autrement – et qui pointe : « une montagne d’ordures ; six canalisations d’égouts géantes qui attendent d’être installées Dieu sait où. Elles servent de domicile à des mères et à leurs bébés, qui viennent y dormir après leur journée de labeur sur un chantier voisin… ».

En Mouchant la Chandelle, Qu You & Li Zhen

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 03 Novembre 2016. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

En Mouchant la Chandelle, trad. chinois Jacques Dars (révision Tchang Foujouei), 240 p. 8,00 € . Ecrivain(s): Qu You & Li Zhen Edition: Gallimard

 

Le lecteur est un voyageur en fauteuil, et voici que lui est à nouveau offerte l’opportunité de voyager en Chine, au début des Ming (XIVe-XVe siècles) grâce aux vingt et une nouvelles réunies en un mince volume, En Mouchant la Chandelle (référence à l’heure tardive à laquelle on les lit, s’occupe de choses frivoles ou vit d’étranges aventures) par Jacques Dars, qui est aussi leur traducteur, avec la bienveillante révision de Tchang Foujouei. Ces nouvelles sont en fait extraites de deux recueils plus vastes signés Qu You (Jiandeng Xinhua, « Nouvelles Histoires en Mouchant la Chandelle », les quatorze premières) et Li Zhen (Jiandeng Yuhua, « Suites aux Histoires en Mouchant la Chandelle », les sept dernières) ; on peut de bon droit supposer que l’anthologiste a effectué un choix destiné à proposer au lecteur francophone la crème de ces deux recueils.

Ces nouvelles rencontrèrent à l’époque de leur publication un tel succès en Chine qu’elles furent bannies… pour ne pas distraire les étudiants ! Elles furent ensuite traduites célébrées, dès le XVIe siècle, tant en Corée qu’au Japon, deux pays où elles eurent une influence et un impact aussi grands que dans leur pays d’origine. Et l’une d’entre elles, dans sa version japonaise, parvint en Europe sous la plume de l’Anglais Lafcadio Hearn (1850-1904), pour être ensuite traduite en allemand par l’auteur du Golem, Gustav Meyrink.

Histoires de fantômes indiens, Rabindranath Tagore

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Samedi, 01 Octobre 2016. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Contes, Arléa

Histoires de fantômes indiens, trad. bengali Ketaki Dutt-Paul, Emmanuel Pierrat, 205 pages, 9 € . Ecrivain(s): Rabindranath Tagore Edition: Arléa

 

« Je n’ai jamais compris pourquoi certains mots

vous arrachent des larmes quand vous les lisez,

et pourquoi les mêmes, prononcés à haute voix,

deviennent sujet à plaisanterie » (1)

 

Même si elles ne constituent pas la part la plus aboutie de l’œuvre de Rabindranath Tagore (2), ces Histoires de fantômes indiens nous ramènent à une Inde de la fin du XIXè siècle moins stéréotypée que celle décrite dans les romans occidentaux de la même époque mais tout aussi chatoyante et elles laissent entrevoir comment Tagore est devenu le poète de cette civilisation.

La Nuit aux étoiles, Shobhaa Dé

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 30 Août 2016. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Babel (Actes Sud)

La Nuit aux étoiles, juin 2016, trad. anglais (Inde) Sophie Bastide-Foltz, 397 pages, 9,70 € . Ecrivain(s): Shobhaa Dé Edition: Babel (Actes Sud)

 

Bollywood, la poubelle aux étoiles…

Tout est d’équerre dans ce livre faussement simple, du titre quasi Hollywoodien des années 30, au sujet, l’univers du Bollywood de l’Inde contemporaine, la trace d’une gamine pauvre propulsée dans ces terreaux mi-glauques, mi-paillettes. Jusqu’à la manière – marquée, assumée, du récit-type il était une fois – qui suit sa progression d’homme influent en parrain friqué – titre de chaque chapitre – tous, ses amants-barreaux d’échelle, bien sûr…

La nuit aux étoiles peut passer à première vue comme un « roman de gare », parfaitement réussi : celui qu’on achète en prenant le train, qu’on dévore, que les « tchou-tchou » et le babillage des autres voyageurs ne gênent en rien dans cette lecture, foisonnante, passionnante. Lire comme ça, soit dit en passant – train, ou pas – vaut lettres de noblesse en littérature aussi, qu’on ne s’y trompe pas ! D’autant – on s’en doute dès la couverture, colorée pétante et rose faux bonbon – que le livre de Shobhaa Dé, en-dessous d’une surface glamour à consonance dramatique, veut nous donner à palper l’Inde d’aujourd’hui et ses miroirs, faux et aveuglants, au carrefour de ses multiples modernités en gestation, avec en ligne de mire cette question lancinante : où en est la femme indienne ?