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Quand le ciel se déchire, Thomas McGuane (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Christian Bourgois

Quand le ciel se déchire (Cloudbursts), février 2019, 667 pages, 25 € . Ecrivain(s): Thomas McGuane Edition: Christian Bourgois

 

Thomas McGuane, on le savait grand romancier. On le savait rattaché au courant dit du Montana et, par conséquent, proche souvent du « Nature Writing » (The Longest Silence (Le long silence, Bourgois), An Outside Chance (Outsider, Bourgois). Le volume qui nous intéresse ici est tout en contraste avec nos certitudes concernant McGuane : des nouvelles, fort éloignées de la tonalité montanienne. Des nouvelles, d’une finesse, d’une puissance, d’une pénétration psychologique de chaque instant.

Le lecteur avisé reconnaîtra évidemment les grands thèmes des romans de McGuane : l’absurdité des hommes, de leur vie et de leur destin. La cocasserie des relations interpersonnelles. Un goût immodéré du surgissement de l’inattendu, de l’invraisemblable, de l’outrance souvent. Et, bien sûr, le tout traversé par un regard ironique, distancié. L’humour de Thomas McGuane tient lieu de passeur littéraire. Il permet à des moments et des tableaux pitoyables et tristes de faire triompher, malgré tout, l’intelligence humaine. Les pitres, les salauds, les pleutres restent, sous la plume de McGuane des êtres intéressants, presque toujours pardonnables. Et les malheurs accentuent encore cette empathie. « Des chasseurs de canards » (un des thèmes récurrents de ce recueil) ouvre, de façon terrible, la galerie des humains trop humains de ce livre.

L’Histoire d’un roman, Thomas Wolfe (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

L’Histoire d’un roman, éditions Sillage, 2016, 80 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Thomas Wolfe

Ce petit livre de Thomas Wolfe est un condensé d’écriture. Petit livre de Thomas Wolfe, ai-je dit… un oxymore ! tant on est habitué, chez lui, à des roman-fleuve. Mais petit, il ne l’est que par la taille (une soixantaine de pages). De la taille des livres, il va justement en être question, mais commençons par le début.

Le propos de Thomas Wolfe est de nous parler de son travail d’écriture : « Cela n’a rien de très littéraire ; c’est une histoire de sueur, de douleur, de désespoir et d’aboutissement partiel ».

Nous parler de sa vocation : « Je ne sais pas de quelle manière je suis devenu écrivain, mais je crois que c’était à cause d’une certaine force que j’avais en moi et qui avait besoin d’écrire, qui éclata finalement au grand jour et se fraya un chemin ».

Il revient d’abord sur la publication de son premier roman, Look Homeward Angel : « Il reçut quelques critiques favorables, dans certains endroits ; des critiques défavorables, dans d’autres ; mais il fut incontestablement bien reçu pour un premier livre, et surtout il continua au fil du temps à trouver des lecteurs ».

Nuits Appalaches, Chris Offutt (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Avril 2019. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Nuits Appalaches (Country Dark), mars 2019, trad. Anatole Pons, 225 pages, 21,40 € . Ecrivain(s): Chris Offutt Edition: Gallmeister

 

L’âpreté de ce roman laisse des traces profondes. Dans un Kentucky onirique et désolé, des personnages vivent la tragédie du monde, de la peur, de la violence, de la solitude et de l’amour. Peut-être faudrait-il commencer par le dernier, tant, au cœur de ce trou perdu et de cette histoire plus sombre que la nuit, la lumière qui traverse le récit est portée par un amour éperdu, puissant, invincible.

1954. Dans un monde quasi biblique, fait de solitude, de nature sauvage et de pauvreté, Tucker et Rhonda semblent directement sortis d’une légende édénique. Tout commence par une rencontre improbable, faite semble-t-il sous le regard colérique d’un Dieu jaloux, d’un Iahvé fidèle à lui-même, terrible et sans pitié.

« La foudre naissait de leur friction, comme les étincelles lorsqu’on frotte deux cailloux, et la pluie était une sorte de sang qui s’écoulait des nuages blessés. Il respirait paisiblement. L’orage allait passer et ça ne lui faisait ni chaud ni froid.

Rendez-vous à Samarra, John O’Hara (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 12 Avril 2019. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil)

Rendez-vous à Samarra, février 2019, trad. anglais (USA) Marcelle Sibon, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): John O’Hara Edition: L'Olivier (Seuil)

« Gibbsville était ennuyeux comme la pluie tout au long de l’année, mais […] tout le monde s’accordait pour dire qu’à Noël, c’était l’endroit le plus amusant qu’on pouvait trouver en province ».

Fin décembre 1930, à Gibbsville, Pennsylvanie, dans le très huppé et puritain milieu des notables de cette petite bourgade de l’Est des Etats-Unis, on fête Noël. En pleine réception, dans le fumoir du Country Club Lantenengro, Julian English, président de la Compagnie des automobiles Cadillac et marié à Caroline, jette le contenu de son verre de whisky-soda au visage de Harry Reilly, propriétaire de la même Compagnie.

Ce portrait d’une Amérique en pleine Dépression après la crise de 1929, figée dans ses conventions et en proie aux gansgters et bootleggers qui profitent de l’économie moribonde, raconte quelques jours de la petite vie provinciale de ses habitants : rapports entre les sexes, adultère, pessimisme, alcool et alcoolisme, relations à l’argent. Le roman a fait scandale à sa parution en 1934. Le titre, quelque peu énigmatique, provient d’une citation du célèbre romancier et nouvelliste William Somerset Maugham, qui s’énonce comme un conte oriental où la peur de la mort finit par précipiter vers elle un serviteur, de Bagdad à Samarra. Comme le serviteur de Bagdad, Julian s’est-il trompé de cible, de lieu de sa colère ? Que cache chez English cette violence qui se déploie quand il a bu ?

Histoire de moi-même, Henry David Thoreau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 26 Mars 2019. , dans USA, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Le Passeur

Histoire de moi-même, trad. américain Thierry Gillybœuf, 216 pages, 18 € . Ecrivain(s): Henry David Thoreau Edition: Le Passeur

 

Le texte inédit de l’auteur du célèbre Walden, préfacé par un expert de son œuvre, qui a presque tout édité, History of Myself, « tout sauf un brouillon de Walden » selon Gillybœuf, nous plonge dans les années 1845-1847, quand Thoreau, la trentaine sonnant, poète, philosophe, pense, dès l’automne 1844, s’installer dans une cabane au fin fond des bois de Walden Pond. Vertu de ce genre d’ouvrage où la nature et l’homme recueillent de conserve des dons d’émerveillement, distiller au lecteur une dose suffisante d’éveil lucide sur soi et le monde.

Le texte propose tout à la fois un essai sur les valeurs nouvelles promises par le poète et décrites au plus près de la réalité entreprise, un témoignage de premier ordre sur l’analyse des rapports de soi au monde, aux autres, à la culture au sens le plus fondateur, celui qui aime « cultiver l’instant présent » avec son âme de « reporter » du réel, relate son ordinaire – leçon de nature et de solitude éprouvée, volontaire, à l’abri des assauts du monde extérieur, de son  village, Concord.