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Roman

Ils vivent la nuit, Dennis Lehane

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, USA, Rivages/Thriller

Rivages Ils vivent la nuit (Live by night) Trad (USA) Isabelle Maillet mars 2013. 525 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Dennis Lehane Edition: Rivages/Thriller

 

Le dernier Dennis Lehane est une sombre et âpre traversée de la nuit urbaine. L’auteur a choisi avec intelligence de situer son histoire bostonienne – on ne quitte jamais vraiment Boston et la Mystic River avec Lehane – en 1926, au temps de la Prohibition, c’est-à-dire de la naissance du gangstérisme « moderne », fait de réseaux, de bandes et de guerres de territoires. En plaçant son roman dans cette époque, Dennis Lehane délivre un message à l’attention des amateurs de polars : je me place là à l’éclosion même de ce qui va être la littérature américaine la plus créatrice des temps modernes, le roman noir.

Cette position réflexive est la marque récurrente de ce livre énorme et stupéfiant. Lehane ne se contente pas d’écrire un immense livre noir, il se regarde écrivant un immense livre noir. Il pense son écriture comme écho de tout ce qui s’est écrit dans le genre. On est presque en permanence dans l’exercice de style : vous en voulez du violent, du sombre, du désespéré, de la solitude urbaine, de la trahison, de la haine ? Eh bien vous allez en avoir ! Et avec le talent époustouflant qu’il met ici en œuvre, avec une maîtrise rarement atteinte, il nous déploie un tableau urbain qui vire à l’épopée noire, nous emportant dans une lecture tendue et passionnante.

La rive sombre de l'Ebre, Serge Legrand-Vall

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 01 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

La rive sombre de l’Ebre, Editions Elytis, (Bordeaux, France), janvier 2013, 176 pages, 18,00 € . Ecrivain(s): Serge Legrand-Vall

 

Peut-on lutter contre l’oubli en allant à la recherche de son père, et plus exactement du passé de celui-ci ? Il semble bien que cela soit le cas à la lecture du roman de Serge Legrand-Vall, La rive sombre de l’Èbre. Nous sommes en 1964. Antoine est journaliste à Bordeaux, il aime Marie, sa compagne. Il est fils adoptif d’Emile qui l’a élevé durant son enfance en France. Antoine est fils de réfugiés espagnols, Inès et Antonio Romero. Ce dernier est mort durant la bataille de l’Ebre en 1938, tandis que son épouse Inès a pu mettre au monde son enfant Antoine dans la neige d’un col pyrénéen durant la Retirada, terme désignant la retraite des troupes républicaines espagnoles face à l’offensive des troupes franquistes conduite cette même année.

Antoine apprend le décès de sa mère Inès, disparition due à une crise cardiaque. A l’occasion des obsèques, on lui remet des lettres de ce père, au passé insuffisamment éclairci pour Antoine. Pour en avoir le cœur net, il décide de se rendre en Espagne qui est à cette époque toujours sous le joug de la dictature de Franco.

L'espoir, cette tragédie, Shalom Auslander

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 29 Mars 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Belfond

L’espoir, cette tragédie, traduit (USA) Bernard Cohen, janvier 2013, 327 pages, 20 € . Ecrivain(s): Shalom Auslander Edition: Belfond

De l’imagination, ne dit-on pas qu’elle est « la folle du logis » ? Alors, quand il s’agit d’Anne Frank en personne, vieille à n’en plus finir, rescapée des camps de la mort, qui se traîne dans le grenier-cerveau de Solomon Kugel…

L’humour corrosif et salutaire de Shalom Auslander agit à la fois comme un révélateur, et comme un décapant. Juif américain de la classe moyenne supérieure, bien entendu en analyse avec un psy, le Professeur Jovia, dont la théorie se résume à : l’espoir fait mourir, Solomon emménage avec femme, fils et une mère sénile à ses heures, à la campagne.

Elevé en l’absence du père, par sa mère entièrement accaparée par l’Holocauste qu’elle n’a connu ni de près, ni de loin mais dont elle se sent « porteuse saine » : « Certains soirs, elle venait s’asseoir au bord de son lit et lui racontait des histoires effrayantes d’émeutes, de tortures et de pogroms » (p.77), Solomon Kugel va, tout jeune, endosser ce fardeau avec, entretenue par cette mère schizophrène, la peur d’un « retour des choses ». Kugel est obsédé par la mort, et surtout le fin mot, le mot de la fin : « Anhédonie : l’incapacité à éprouver du plaisir, avait diagnostiqué un psychiatre qu’il avait consulté. Ce à quoi Kugel avait rétorqué que non, ce n’était pas une incapacité, c’était la conscience que le plaisir n’est qu’un prélude à la souffrance, à quoi le psychiatre avait répondu : Exactement » (p.151-152).

Chronique d'hiver, Paul Auster

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Mars 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Actes Sud

Chronique d’hiver (Winter Journal 2012) trad. USA Pierre Furlan mars 2013. 252 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Actes Sud

 

Régulièrement, Paul Auster pose un regard dans son œuvre sur le chemin de vie parcouru. Dans l’invention de la solitude, le Carnet rouge, le diable par la queue il nous donnait des époques, des clés qui ouvraient à la fois la compréhension d’une vie mais aussi et surtout d’une œuvre. Chronique d’hiver est donc dans cette scansion itérative de l’œuvre d’Auster. Mais avec cette chronique, Paul Auster prend un chemin nouveau. Il semble clore comme un bilan. Qu’on se rassure, loin d’être complet, loin d’être systématique, loin même d’être ordonné !

Le premier trait de ce « bilan » est justement le désordre. Point de chronologie d’ensemble, des moments, pris semble-t-il au hasard mais on sait, avec Auster, que rien n’est au hasard. Disons qu’il s’agit plutôt d’une parole libre, à la façon de celle qu’on tient devant un psychanalyste. Un lien peu apparent, mais d’autant plus fort entre les séquences de parole. Paris, l’enfance, la mère, aujourd’hui, puis de nouveau Paris, les femmes – deux femmes surtout, La mère et Siri * – l’enfance encore … Auster enchaîne les bribes de souvenirs comme des inventaires : inventaires des lieux habités, inventaire des voyages à travers les USA et le monde, inventaire des femmes, des morts.

Les noces clandestines, Claire-Lise Marguier

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 26 Mars 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, La Brune (Le Rouergue)

Les noces clandestines, mars 2013, 121 p. 13,80 € . Ecrivain(s): Claire Lise Marguier Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

C’est tout simple, l’histoire de ce livre. On dirait un bout de fait divers, au coin usé d’une feuille de chou de province. Un type en enlève un autre, et le séquestre ; un chapelet de comment… donc… s’ensuit. Le pourquoi tient sa place en fond, flouté.

Mais il s’agit d’un livre – et quel livre ! Il est question de littérature – haute et aboutie ; et d’un jeune auteur, qui signe là – à peine croyable, un premier roman.

« C’était juste avant l’automne, cette saison bancale, entre deux, dont la seule évocation nous jette dans le spleen des poètes. Bonne maman achevait sa vie à l’étage de la maison, allongée dans ses draps souillés qui empestaient l’urine et les chairs en décomposition… ».

On hésite déjà, dès l’entrée du roman, entre la confiture et l’horreur, la vie banale, et ses dessous terribles. On regarde d’emblée, de travers ce gars – prof d’histoire en collège – comme on se pencherait sur la margelle du puits, effrayé, attiré, aussi, par ce qu’il y a au fond.