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Roman

Petits oiseaux, Yôko Ogawa (2ème article)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 28 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, Japon

Petits oiseaux, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, septembre 2014, 272 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Yoko Ogawa Edition: Actes Sud

 

« Tous les chants d’oiseaux sont des chants d’amour ».

Dans son dernier ouvrage paru aux éditions Actes Sud, Yôko Ogawa pose la question : qu’est-ce qu’être soi dans l’insécurité sociale et familiale si la parole n’existe pas en tant que lien de sociabilité ?

Comment vivre, se construire si les racines de l’affiliation sont rompues ? La transparence aux êtres y serait-elle liée, si l’autre n’existe pas ? Dans Petits oiseaux, l’écriture est un monde en forme de cage qui offre néanmoins une part à la liberté qui nous convient, faisant de chacun de nous des oiseaux, sifflant des chants d’amour que personne n’entend mais que l’on comprend parfois, au travers de nos propres illusions… Il faut alors fusionner l’espace du silence et du temps de l’écoute (ou de la lecture !) pour retrouver peu à peu les mots oubliés dans l’espace de la psyché ; enjeu même de la distance toute japonisante du vivre ensemble et d’une double identification aux fonctions multiples, interrogeant l’acte de penser l’écriture, en tant que création d’une vision à la Max Ernst, du type Loplop présente :

Les buveurs de lune, Pierre Chazal

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 28 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Alma Editeur

Les buveurs de lune, juin 2014, 480 pages, 19 € . Ecrivain(s): Pierre Chazal Edition: Alma Editeur

 

 

Fin 2011, Paris, période de fin de règne sarkozyste, début du roman.

Les vagues générationnelles se succèdent, de plus en plus rapprochées, jusqu’à se bousculer. Un jeune de dix-huit ans en 2011 n’a plus grand-chose à voir avec un jeune du même âge dix ans plus tôt.

Plusieurs générations ayant chacune une vision du monde, une réflexion politique, une pratique sociale, des habitudes alimentaires, une culture artistique, littéraire et musicale, totalement différentes, se côtoient, cohabitent, se rencontrent, ne se comprennent pas, n’ont plus de points communs, n’ont pas les mêmes codes vestimentaires, ni le même langage, ne savent donc plus communiquer entre elles, s’opposent, s’affrontent dans un Paris où chacune a ses quartiers, ses îlots, ses propres repères.

Tableau de chasse, Arnaud Guillon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 28 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Héloïse D'Ormesson

Tableau de chasse, janvier 2015, 206 pages, 17 € . Ecrivain(s): Arnaud Guillon Edition: Héloïse D'Ormesson

 

 

« Tableau de chasse » ; c’est le titre, et, c’est adapté, car abattre symboliquement ce livre est ce qui surgit, comme quasiment la seule issue, la dernière ligne avalée.

Pourtant, quand on voit d’entrée le sujet : un huis-clos familial et bourgeois où ça joue aux quatre coins des sentiments, des postures et mensonges divers, on salive : un bon roman français ! comme seule, souvent, sait poser notre littérature. Quand on entre dans les premières pages, comme dans une piscine tiède où l’on soupçonne déjà de traîtres et froids courants, on est pour ainsi dire heureux de zieuter la belle résidence secondaire de Normandie (où il fait beau tout le temps ! Piège qui aurait dû nous avertir !). On s’attend, du reste, à voir débouler le journaliste de la Maison France-5 : – et ça, vous l’avez chiné où ?

L’Homme de Kiev, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 27 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages

L’Homme de Kiev (The Fixer, 1966), traduit de l’américain par Gérard et Solange de Lalène, janvier 2015, 428 pages, 10 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Ce roman, daté pour sa première édition originale de 1966, est un séisme littéraire. A la fois par l’histoire qu’il raconte, par sa forme narrative intense et par le cadre thématique de l’action : Kiev et ses environs au temps du dernier Tsar, en pleine fièvre antisémite ponctuée pour les populations juives par humiliations et pogroms. Que ceci soit dit d’entrée : ce livre est l’un des plus beaux chefs-d’œuvre du XXème siècle.

L’histoire de Yakov Bok est, dans ce cadre, vraisemblable, ce qui la rend terrifiante de la première à la dernière page. Il paraît même que cette histoire est fondée sur des faits réels. Il n’est pas question de la déflorer le moins du monde (ce que la préface – cependant très courte – fait trop. Ne la lisez pas avant la lecture du roman, on s’en passe sans problème). Il suffit d’entrer dans ce roman par le personnage – plus que central.

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, François Mouttapa

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 24 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, 270 pages . Ecrivain(s): François Mouttapa Edition: Folio (Gallimard)

Lire Chateaubriand nous fait entrer dans l’empyrée (et François Mouttapa, dans son bel essai, nous permet cette entrée ; lisez, plus que tout autre, cet ouvrage de la collection Foliothèque : je ne sache pas meilleure introduction à l’œuvre de Chateaubriand).

La vision cosmogonique aristotélicienne (chaque planète s’insère dans une sphère cristalline qui tourne inlassablement autour de la Terre) fut phagocytée par les scolastiques médiévaux qui assignèrent la force motrice des sphères aux anges et aux archanges. Pour eux, si l’enfer se situe au centre de la Terre, l’empyrée, où Dieu réside physiquement, est un lieu non limité par un espace, un lieu non constitué de matière, un lieu placé juste derrière la sphère des étoiles fixes.

Mais il est une différence entre la prose de Chateaubriand et l’empyrée. Au lieu que l’empyrée est un lieu perpétuellement immobile, la prose de Chateaubriand est quant à elle le lieu d’une mobilité perpétuelle. Qui se fait sans heurt. Une mobilité du sens, et du souffle qui le porte (face auxquels le lecteur ne peut que charger son immobilité d’animation et de vitesse accumulées, ainsi que l’a soufflé Proust), du souffle fait phrases, qui n’a rien à envier à la musique classique, à la fluidité qu’elle propose, au sein de laquelle toute dissonance ne peut que se résoudre en harmonie, en accord tonal, parfait souvent.