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Roman

Une jeunesse de Blaise Pascal, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Une jeunesse de Blaise Pascal, janvier 2016, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

 

« En l’absence de son père et ignorant des secrets, Blaise trace ses triangles et ses cercles à la craie sur le sol, assis pendant des heures sur le carrelage de la salle à manger devenu pour lui une immense ardoise de calcul ».

Cette jeunesse est le roman d’un génie, l’enfance romanesque d’une aventure qui va transformer le monde, ou, pour le moins, le regard que ses contemporains et leurs descendants vont porter sur lui. Ce roman est celui de l’enfance d’une pensée en mouvement – un trait continu (…) efficace et incontestable – qui va très vite sauter aux yeux de son père et de ses amis mathématiciens. Cette jeunesse est l’enfance d’un mouvement, le geste ample de Blaise Pascal, qu’éclairent les phrases souples, vives et élégantes de Marc Pautrel. Cette jeunesse est aussi celle de l’absence, de la perte, d’un trouble profond, Baise Pascal ne cessera de se demander où se trouve sa mère, pourquoi est-elle morte, quel mal l’a traversée et terrassée, pourquoi n’était-il pas là pour la sauver. Cette douleur habitera sa jeunesse, comme celles qui ne cesseront de l’assaillir, jusqu’à la dernière qui fécondera ses Pensées.

Fonds perdus, Thomas Pynchon

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Seuil

Fonds perdus, trad. Nicolas Richard, 441 pages, 24 € . Ecrivain(s): Thomas Pynchon Edition: Seuil

Avec Fonds perdus (Bleeding Edge), « l’auteur reclus », Thomas Pynchon, signe l’un de ses meilleurs livres, un « thriller policier » où se mêlent comme dans ses opus précédents absurde et érudition. Situant son roman dans NYC (New York City) 2001, Pynchon transpose ici les anciens codes du polar dans l’univers des nouvelles technologies. Dans un décor de Web profond se pratique, au travers de l’enquête de l’héroïne Maxine Tarnow, une radiographie des bas-fonds de la vie new-yorkaise. La vie newyorkaise telle qu’elle se déroulait, juste après l’éclatement de la bulle Internet (The Bubble dot-com), juste avant les événements tragiques du 11 septembre 2001 – dans une interzone trouble, troublante. Une problématique sert de fer de lance à l’intrigue : comment se fait-il que la start-up hashslingrz du très louche Gabriel Ice, société de sécurité informatique downtown très active dans l’Alley, n’ait pas bu le bouillon au moment de l’éclatement de la bulle ?

Un « thriller policier » vraiment ? Le genre est plus difficile à fixer. Le nom de la collection aux éditions du Seuil, Fiction & Cie, suffit sans doute et sonne plus juste. Certes le rythme haletant et la visite des bas-fonds très troubles où nous entraîne l’ère dot-com flirtent avec le genre du thriller. De même que l’enquête que nous fait suivre ce roman nous rapproche du genre policier. Mais – et cela ressemble à son auteur – tenter de définir ici avec justesse le genre de Fonds perdus est plus compliqué que cela.

Embruns, Bernard Pignero

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 14 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Embruns, Encretoile, novembre 2015, 162 pages, 17 € . Ecrivain(s): Bernard Pignero

 

Embruns… entre brume et bruine. Océan dans les yeux et bien plus sur les lèvres. Embruns, ligne floutée de partage entre rêve et réalité, douleur et presque plaisir, et bien sûr, vie et mort… Accessoirement, nom aussi que porte le Centre d’Aide par le Travail du livre. Beau titre, en tous cas, qu’illustre la magnifique photo de couverture, pour le dernier opus-réflexion de B. Pignero. Livre fort, comme d’habitude avec cet auteur, plus philosophique pour autant que les autres.

Livre qu’on n’écrit pas à vingt ans – n’est-ce-pas ? Porteur de pas mal de gens, paysages, tourments, et pourquoi pas, choses. Livre-besace, mais allégeant son poids à chaque pas-page. Parce qu’itinéraire, et pas n’importe lequel.

Quelque part, sur l’Atlantique, en province (entre le bas de Bordeaux et les Landes, dira-t-on), dans des lieux où Chabrol posait parfois ses films. Eloi, la quarantaine – maladie orpheline, suffisamment grave pour borner déjà sa courte et douloureuse vie – fait le tour de sa chambre, en attendant « l’angoisse crépusculaire » que des lignes particulièrement fortes de Pignero nous donnent à ressentir, à vivre, à palper : « …comme si tous les enfants souffraient tous les soirs d’un mal qui leur noue les nerfs et les muscles et les tord dans la poitrine en un écheveau inextricable ».

Allegra, Philippe Rahmy

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde

Allegra, janvier 2016, 192 pages, 15,60 € . Ecrivain(s): Philippe Rahmy Edition: La Table Ronde

 

C’est sur une image que s’ouvre Allegra, le roman de Philippe Rahmy, celle d’un lion majestueux qui regarderait le monde, notre monde, installé sur une branche, d’un regard las et désespéré, un lion qui, pourtant, a encore la force de rugir, à l’aube.

L’existence d’Abel, jeune français d’origine algérienne est traversée par la mort, désir et ombre, par l’errance et la fuite tout autant que la quête, dans une course (à la vie, à la mort, à l’identité même), dans une époque, la nôtre, où tout va vite et nous rattrape sans cesse. Ça court, ça hurle, le rythme du texte est celui d’un temps traversé entre retours en arrière et souvenirs ; d’analepses en anamnèses, celui d’un individu qui, ne désirant que s’intégrer, réussir et être heureux avec sa petite famille, court à sa perte. Et sa voix nous délivre l’angoisse qui le traverse depuis son enfance où déjà « il voulait disparaître » – entre un père bien intégré en France, dans sa boucherie où Abel expérimentera ses premiers traumatismes, et ses premiers contacts avec le froid de la mort. Pourtant Abel avait tout pour réussir, un doctorat en Mathématiques, une femme magnifique, une fille qu’il adorait, un ami d’enfance qui lui a offert son premier poste à Londres où il s’est installé avec Lizzie et Allegra.

Le roman de Renart

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 11 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Le roman de Renart, Bibliothèque nationale de France, décembre 2015, 160 pages, 24,90 €

 

La Bnf (Bibliothèque nationale de France) publie ce fameux Roman de Renart, le roman populaire du Moyen Age, une des pièces maîtresses de notre patrimoine culturel. Ce fut une source d’inspiration majeure pour les enlumineurs, et cette édition laisse une large place aux « illustrations » de l’époque, avec des reproductions qui ponctuent tout aussi efficacement qu’agréablement les différents textes dont il faut rappeler qu’ils datent pour les plus anciens du 12eme siècle et pour les plus récents du 14eme siècle. Ces textes furent aussi une source d’inspiration pour La Fontaine qui puisa dans Renart et Tiecelin sa fable le corbeau et le renard.

La préface, une bande dessinée d’Alain Ayrolles et Jean-Luc Masbou, est suivie d’une présentation de Delphine Mercuzot, conservateur au département des manuscrits de la Bnf qui explicite le choix des textes puisque la profusion des aventures interdisait une publication exhaustive. On y apprend que dès le Moyen Age le Roman de Renart est traduit en flamand, en allemand, en anglais et en Italien. C’est dire le succès de ces textes qui ne constituent pas un roman au sens actuel du terme, en raison de la multiplicité des auteurs qui, chacun, ajoutait une « branche », mais plutôt des récits dont chaque auteur s’appropriait le héros, ce goupil facétieux, qui n’a de cesse de dénoncer les vices des clercs et autres moines dans sa quête de nourriture.