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Roman

La vie conjugale, David Vogel

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 27 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Bassin méditerranéen, L'Olivier (Seuil)

La vie conjugale, mai 2015, trad. de l’hébreu par Michel Eckhardt Elial, 458 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): David Vogel Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Toute la puissance – impressionnante – de ce roman est dans la véritable oppression que subit son principal personnage. Une oppression qui, parce qu’elle est volontaire et choisie, se déploie narrativement comme un cauchemar.

Gurdweil est un petit Juif viennois, sans envergure, sans importance, sans ambition. Il a quelques amis, dont la très jolie Lotte, qui de toute évidence et on ne sait trop pourquoi, l’aime secrètement. Un jour, dans un des cafés de la Vienne flamboyante des années vingt, Gurdweil aperçoit une dame non moins flamboyante, une femme qui d’emblée provoque chez lui un trouble immense.

« Il se sentit soudain pris d’une indéfinissable sensation de malaise, comme à l’annonce d’un malheur proche ».

Cette étrange sensation née lors de la rencontre avec la femme qui sera sa femme, sonne comme un sombre avertissement de ce que sera cette relation faite de haine pure. La Baronne Thea von Takow – c’est ainsi que se présente la dame – sera le bourreau quotidien – cruel jusqu’au pur sadisme – du malheureux Gurdweil, écrasé par une passion masochiste qui le dépasse.

Corps désirable, Hubert Haddad

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 26 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Zulma

Corps désirable, août 2015, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

On sait aujourd’hui greffer chez les humains de nombreux organes internes avec un taux de réussite élevé. Récemment est venue s’ajouter à la liste, une greffe totale du visage. En dehors de cette dernière et de celle de la main, aucune des précédentes n’impactait l’apparence physique du greffé. Plus récemment encore, le neurochirurgien Sergio Canavero a présenté dans un congrès de chirurgie américaine son projet de greffe de la tête comme réalisable techniquement dès 2016, sous réserve de lever les fonds nécessaires. « Une folie qui permettrait aux tétraplégiques de marcher, dit-il, et aux cerveaux les plus brillants de ne jamais disparaître… ». Le rêve d’éternité sous-tendu par ces propos excluant que le cerveau lui-même puisse dégénérer et rendre caduque la tentation de recourir à ce type d’intervention. Une annonce qui déclencha le scepticisme et le questionnement éthique, bien au-delà du seul corps médical.

Hubert Haddad a fait sienne cette idée pour littérairement devancer le neurochirurgien Turinois et se livrer à l’exploration intime des conséquences d’une telle opération sur son héros, Cédric Allyn-Weberson.

La Trinité bantoue, Max Lobe (2ème article)

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 26 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Zoe

La Trinité bantoue, août 2014, 208 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Max Lobe Edition: Zoe

 

Mwána, jeune étudiant de culture bantoue, vit en Helvétie dans un appartement qu’il partage avec Ruedi, son jeune amant roux, et l’amant de celui-ci, Dominique, qu’ils voient tous les deux alternativement. Il vient de perdre son emploi et il angoisse à l’idée de ne pas en retrouver.

Dans une narration très oralisée ponctuée de termes empruntés à l’italien, pays frontalier, comme « cioé » par exemple et de formules héritées de sa culture, Max Lobe nous offre un récit savoureux et parfois drôle au milieu des moments « cailloux » que traverse Mwána. Difficultés qui n’entament pas son optimisme et sa détermination puisque « Nzambé n’a fait qu’ébaucher l’homme. C’est ici-là sur terre que chacun se crée lui-même ». Il convient seulement de se battre pour s’en sortir et ne jamais baisser les bras. Et comme Ruedi ne veut pas demander « le gombo » de ses parents, mais ne cherche pas vraiment à travailler (il passe son temps devant son ordi quand il n’est pas à la fac ou dans les bras de son amant), Mwána se sent responsable pour deux.

L’homme-sirène, Carl-Johan Vallgren

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 24 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Jean-Claude Lattès

L’homme-sirène, février 2015, traduit du suédois par Martine Desbureaux, 310 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Carl-Johan Vallgren Edition: Jean-Claude Lattès

 

Terriblement noir, mais captivant, ce roman pourrait tout aussi bien être classé dans les romans pour ados, car il s’agit d’une histoire qui les concerne directement. L’histoire d’une collégienne, Petronella, dit Nella et son petit frère collégien lui aussi, Robert : deux enfants qui ont tout pour en baver. Un père en prison, mais c’est pire quand il en sort, une mère alcoolique qui ne s’occupe pas du tout d’eux, pas d’argent et quasi pas d’amis. Le petit frère, surnommé Robbie, lui est carrément devenu le souffre-douleur d’une bande de tortionnaires un peu plus âgés. Il cumule les tares et ces brimades quotidiennes n’arrangent rien. Sa sœur fait tout ce qu’elle peut pour le défendre, le soutenir et s’en occuper à la place des parents défectueux. Pire que défectueux, des parents qui en rajoutent dans les problèmes au lieu de les régler. Les tortionnaires en question, surtout leur chef, Gérard, ne se contentent pas de harceler Robbie, leurs petits jeux qui n’ont rien de drôle, deviennent de plus en plus cruels, cela vire à la persécution pure et dure et Nella devient victime à son tour d’humiliations et de chantage, quand d’autres exactions de la bande prennent un tournant bien plus compliqué.

Ozu, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 22 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Editions Louise Bottu

Ozu, août 2015, 136 pages, 14 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Editions Louise Bottu

 

« Ozu aime lire, s’enivrer, dormir, prendre des bains, marcher, faire l’amour avec des geishas ou bien des amies chères, écrire, encore lire, filmer, capturer le mouvement de ses acteurs et ses actrices interprétant les dialogues, regarder les fleurs, regarder la mer qui ne change jamais, seul le ciel change qui fait changer la mer… »

Marc Pautrel aime écrire. Ecrire et lire, se confier à la musique d’une phrase, aux couleurs des mots qui la grisent, à cette suspension, cette retenue, cette façon tellement singulière d’écrire à hauteur d’homme, comme celle, tout aussi singulière, qu’avait Ozu de placer sa caméra à quatre-vingt centimètres du sol. L’un privilégie le plan fixe, les plans de coupes, ses comédiens regardent l’objectif pour vivre la scène, ils sourient, prennent le temps de parler et leurs regards transpercent l’objectif. L’autre écrit dans ce même saisissement, ce même silence, la phrase est toujours juste et courte, nette et précise, elle respire. Sa phrase est baignée de la saveur de la juste description – je vois donc j’écris. Elle ne cherche jamais l’effet majeur pour se concentrer sur l’art mineur. C’est alors, que le roman d’Ozu peut, comme les cerisiers, fleurir.