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Les serviteurs inutiles, Bernard Bonnelle

Ecrit par Guy Donikian 11.03.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Table Ronde

Les serviteurs inutiles, février 2016, 279 pages, 18 €

Ecrivain(s): Bernard Bonnelle Edition: La Table Ronde

Les serviteurs inutiles, Bernard Bonnelle

 

Nous sommes en l’an 1561, le 3 février, au domaine nommé Les Feuillades, dans le Périgord, non loin de Bergerac. Le Sud-Ouest est secoué par des rivalités, depuis quelque temps, opposant Catholiques et Huguenots. Gabriel, le châtelain, n’a pas basculé chez les protestants, mais il n’est pas toujours prompt à prendre les armes pour défendre la cause catholique. Il n’apprécie pas la révolte contre l’église catholique, même si elle peut parfois paraître justifiée. Aussi est-il offusqué lorsqu’il entend une bande de fillettes, sortant du temple, brailler :

 

Un morceau de pâte

Il fait adorer

Le rompt de sa patte

Pour le dévorer

Le gourmand qu’il est

Hari, hari l’âne !

Le dieu qu’il brandit

La bouche le prend

Le ventre le digère

Le derrière le chie

Au fond du retrait

Hari, hari l’âne !

 

Gabriel condamne donc ces comptines, non parce qu’elles blasphèment, mais parce qu’elles ôtent des « charmes » aux choses, alors même que tout ne peut s’expliquer. Et le maître des lieux est un homme proche de la nature qui, au cours des pages de son journal commencé cette année qui vit le couronnement de Charles IX, n’hésite pas à déclarer son admiration aux arbres de son domaine. « Je vous aime tous, vous les noyers aux feuilles grasses et argentées, vous les pruniers alignés au verger, vous les tilleuls pacifiques dont le dais inégal tamise la lumière sur la page de Virgile ouverte dans l’herbe où je suis allongé… ». Gabriel aime la nature et la lecture des textes anciens, tout comme il apprécie les bras de Marion Brouilhac, une servante dont il goûte les charmes. Ces amours ancillaires le plongent dans une félicité qui l’éloigne des « élucubrations par lesquelles les partis qui déchirent le royaume tentent de justifier leurs haines et leurs crimes ». Et il a des réflexions qui donnent la mesure de la distance qu’il a devant les exactions commises par les uns comme par les autres. « Je rêve d’une autre religion, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerres, dont le seul exercice de piété serait la joie d’être au monde ». Belle réflexion, qui ne suffira pas cependant à convaincre son fils Ulysse de suivre son père dans ses comportements jugés trop timides.

Ainsi Ulysse décide-t-il de s’enrôler dans les factions catholiques pour défendre les préceptes de l’Eglise, décision prise avec d’autant plus d’empressement qu’il aura lu les pages du journal de son père, la liaison que ce dernier entretient avec Marion Brouilhac.

Bernard Bonnelle nous conduit avec Les Serviteurs Inutiles dans les méandres du 16ème siècle où Catholiques et Protestants sont capables du pire, au nom du dieu que chacun est censé défendre avec les meilleurs arguments. Ce texte servi par une écriture qui nous plonge au cœur même du Périgord a des résonnances on ne peut plus actuelles…

 

Guy Donikian

 


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A propos de l'écrivain

Bernard Bonnelle

 

Bernard Bonnelle est magistrat. Les serviteurs inutiles est son troisième roman. Son précédent roman, Aux belles Abyssines, a été couronné par le prix Nicolas-Bouvier.

 

A propos du rédacteur

Guy Donikian

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