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Roman

Qui veut la peau d’Otto Dafé ?, Justine Jotham

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Septembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Qui veut la peau d’Otto Dafé ?, éd. Oskar, mai 2016, 200 pages, 14,95 € . Ecrivain(s): Justine Jotham

 

La littérature pour la jeunesse doit évoluer et trouver, de génération en génération, de nouvelles inspirations pour s’inscrire dans les transformations, tant sociales que morales et technologiques de plus en plus rapides du monde dans lequel naissent et vivent enfants, adolescents et adultes.

Justine Jotham, qui connaît bien les jeunes puisqu’elle enseigne dans le second degré, est de ces auteurs qui ont compris que pour que les jeunes lisent, il convient de leur offrir des fictions en relation avec leur environnement, et que, pour que la lecture leur en soit profitable, il importe qu’elles ne se réduisent pas à l’histoire mais qu’elles suscitent la réflexion et le va-et-vient critique entre la société mise en scène dans le texte et celle dont ils sont acteurs et spectateurs dans la vie réelle.

En quelque sorte, hors de ses classes, Justine Jotham, dans ses romans, reste une pédagogue.

L’intrigue est d’une plaisante originalité.

Revenir du silence, Michèle Sarde

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 27 Septembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, La rentrée littéraire, Julliard

Revenir du silence, septembre 2016, 408 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Michèle Sarde Edition: Julliard

 

Faut-il mettre un genre sur un livre ?

Récit, documentaire, témoignage, biographie, recueil d’archives, le roman indiqué comme tel est ici un ensemble dynamique sans limites, une forme vivante, là toute sa puissance et sa cohérence. Mais pas seulement. Il faut s’ancrer davantage dans ces pages, s’y enfoncer, suivre les personnages à la trace, les vrais, ceux qui ont vécu, détailler les figures sur les photos sépia, les cicatrices et les papiers lacérés voire reconnaître des traits communs, peut-être même une filiation : ici les ancêtres de Michèle Sarde, famille judéo-espagnole expulsée d’Espagne par les rois catholiques, réfugiée, recueillie, issue de l’Empire ottoman.

« Un roman à clés qu’il me fallait déverrouiller moi-même pour comprendre où je voulais en venir ou plus exactement d’où je voulais venir (…). Née en France, moi je l’étais, et je le répète, afin de faire tout particulièrement plaisir à l’auteure de mes jours, au fond de son tombeau, dans un petit cimetière de la Brie. Et cette naissance-là, ma mère la considérait comme la plus grande chance qu’elle ait pu m’offrir, et le cadeau des bonnes fées, des fées authentiquement celtiques, convoquées par elle autour de mon berceau, dans l’Ille-et-Vilaine profonde ».

L’administrateur provisoire, Alexandre Seurat

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 24 Septembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

L’administrateur provisoire, août 2016, 182 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Très beau livre, grave, que ce second roman d’Alexandre Seurat, dont le sujet a priori semble classique, car inhérent à notre Histoire et, par là, résonnant souvent en littérature. Une famille ; l’un des siens, un arrière-grand-père de celui qui parle, a collaboré pendant la guerre, en travaillant pour le Commissariat aux questions juives ; condamné par une décision de justice posthume. Le secret, par la suite, déguisé souvent en oubli, voire en déni, a recouvert les traces des faits. Comme l’effacement ou l’enfouissement de la marée montante. Le jeune descendant soulève les voiles en creusant une batterie de questions : qu’a fait cet arrière-grand-père ? Comment, quand et contre qui ? A quelle hauteur placer son action, son crime, bien sûr, sa responsabilité ? Et au final, qui était cet homme : « bon, dit-il, c’était un bigot, il était d’une certaine époque, voilà… » ? Creuser, comme avec un bistouri qui va charcuter, faire mal, évidemment, et pour autant, éliminer une tumeur dangereuse, celle qui, en goutte à goutte, attaque le tissu familial ; cancer qui a déjà fait une première victime, le frère du narrateur : « hanté par la Shoah, quand il rentre de sa visite d’Auschwitz avec sa classe de lycée, possédé par la haine, un désir de vengeance… ».

Lala pipo, Hideo Okuda

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 23 Septembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Wombat

Lala pipo, Nouvelles Éditions Wombat, août 2016, trad. japonais Patrick Honnoré, Yukari Maeda, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): Hideo Okuda Edition: Wombat

 

Lala pipo, entendre et comprendre non pas le nom d’une prostituée ou d’une nouvelle Lolita, mais « A lot of people », mal prononcé en japonais, a été publié en 2005 au Japon, puis adapté au cinéma en 2009 par Tetsuya Nakashima, avec comme acteur principal Hiroshige Narimiya, idole de toute une génération de teen-agers nippons. Le roman, constitué de six chapitres qui peuvent se lire comme autant de nouvelles, chacune introduisant un nouveau personnage, la dernière bouclant sur la première en une construction circulaire parfaite, explore la vie et les déviances sexuelles de plusieurs Tokyoïtes.

Mais pas n’importe lesquels. Hideo Okuda, avec malice et une ironie mordante, choisit ses héros parmi les laissés-pour-compte de la réussite à la japonaise, les « Okatu » ou « Hikikomori » rétifs à tout contact social, les femmes au foyer ou exerçant de petits boulots peu payés, un écrivain de nanars érotiques en mal d’inspiration, ou les seconds couteaux de l’industrie du sexe dans le quartier très « tendance » de Shibuya.

De beaux jours à venir, Megan Kruse

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 22 Septembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, La rentrée littéraire, Denoël

De beaux jours à venir, traduit de l’américain par Héloïse Esquié, août 2016, 373 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Megan Kruse Edition: Denoël

 

Lydia, Amy, Gary, Jackson : d’abord quatre tons. Puis les Etats-Unis. Tulalip dans l’état de Washington, Fannin au Texas, Silver dans l’Idaho. Des mobil-homes, de la rouille et des terres rêches, les motels pour s’y terrer, les grandes lignes droites pour s’enfuir et des pick-up pour y rouler dessus, la poussière sur les pneus et les pneus lacérant le sol. Se faire la malle pour échapper aux coups du père, le père, c’est Gary. Il boit, il bat sa femme Amy. Plusieurs fois elle le quitte, les enfants sur la banquette arrière, les affaires jetées à la hâte dans des sacs poubelle. Mais le père est patient, il les reprend toujours. Et comme toujours, il sera tendre, dangereusement affectueux.

Amy défenestrée. C’est trop. Jackson et Lydia ont tout vu. Cette fois-ci, elle part avec les enfants et elle va s’en sortir. Disparaître dans un motel sordide, voire même revivre. Lydia, la petite sœur, suit par la fenêtre de la vieille voiture les grands arbres de sa maison, ils rétrécissent. Sa respiration. Elle efface, le doigt sur la vitre, le danger derrière elle, la forêt de son enfance, ce qui fut sa chambre et son territoire. Bientôt ce seront d’autres arbres, de nouveaux paysages, la vie devant qu’elle ne reconnaîtra pas.