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Poésie

Cette lumière dans cette obscurité, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Avril 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Al Manar

Cette lumière dans cette obscurité, janvier 2022, 80 pages, 18 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Al Manar

 

Le poète Moses, de temps à autre, s’adonne à la prose. Cela nous a valu, il y a quelque temps, un remarquable roman, Monsieur Néant, tout empreint d’une lumière pragoise. Le voici avec un récit, où la lumière, dès le titre, est aussi importante que l’intrigue narrée. Elle est à la fois précepte esthétique, outil d’éclaircissement, référence artistique. L’œuvre naît-elle de la lumière ?

Ce récit commence à Düsseldorf. L’antihéros de ce récit, un metteur en scène de théâtre, est là pour y représenter une pièce, inspirée de Schubert. Mais rien ne va comme prévu. C’est une cuisante expérience, et compréhensible de son point de vue de dramaturge, puisqu’il a concentré toute son attention avec un mauvais éclairage. Il eût dû éviter de mettre en scène en utilisant les ressources d’un Mozart. Non, il fallait Schubert, uniquement lui. L’erreur le plonge dans « cette obscurité » où tous les talents un beau jour s’empêtrent : dans les remugles des contradictions et des doutes.

L’initié suivi de La Libre étendue et L’incandescence, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 14 Avril 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’initié suivi de La Libre étendue et L’incandescence, éditions Ars Poetica, février 2022, 90 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat 

 

« Viens et vois : je parle de plus loin que mon nom. Je parle d’une autre contrée, d’un nouveau domaine et la grâce indivise nous sera faveur du temps ».

« Voici : je suis présent au monde mais à distance. Viens et vois : ingurgite ces rouleaux qui me sont doux comme la manne, comme le miel ».

« Les livres sont plus vivants que les vivants. Ils deviennent leur propre destinée. Les livres se lisent eux-mêmes dans la gloire du dieu révélé ».

Thibault Biscarrat appartient à cette société secrète d’écrivains, de poètes, qui écrivent sous de belles influences, celle du Livre, des écrits gnostiques, des textes fondateurs traversés par une lumière divine, mais aussi celle du corps, et de la voix. Et il donne de la voix à chaque page. Écrire est chez lui une incantation, incarnation, une résurrection, une inspiration et une expiration. Savoir écrire, c’est savoir respirer.

Le vide notre demeure, Brigitte Gyr (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 11 Avril 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le vide notre demeure, Brigitte Gyr, éditions La Rumeur libre, 2017, 77 pages, 15 €

Un éclairage sur la maison d’éditions La Rumeur libre

 

Signes

Les signes ne pullulent pas dans ce petit recueil. Au contraire ils sont rares et denses, comme le vide en général qui procure un effet d’absorption, de dilatation, comme dirait Michaux, une espèce d’être à envahir. Signes humbles qui ouvrent l’huis de l’intériorité. Ils signalent le vide physique dans lequel se débat la parole poétique. Ils sont en relation avec la maison du néant chère à Heidegger.

La poésie de Brigitte Gyr agit en désignant ce qui manque. En pointant du doigt les bords de la nuit, du jour, des passages, des retenues. On oscille donc très bien dans certains travaux plastiques de Christian Boltanski, où sans doute la lutte la plus âpre reste celle de la mémoire, de la mort qu’il est impossible d’assumer. Et que cela soit une accumulation de paletots ou de drap dans les combles d’un château, le signe ne peut se produire que comme souffle intérieur, voix, nomination des morts.

Ainsi parle le mur, Pascal Commère (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 05 Avril 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parle le mur, Pascal Commère, éditions Le temps qu’il fait, février 2022, 216 pages, 22 €


Le nouveau livre du poète Pascal Commère qui nous offre ici un roman publié aux éditions Le temps qu’il fait, est à lui seul un mur porteur. Il supporte en effet la charpente d’une œuvre déjà remarquable, comme la structure/texture de planchers solides et typiques à savoir le socle d’une bibliothèque vivante enracinée solidement dans notre paysage littéraire. Pascal Commère est un écrivain de la terre (davantage qu’un auteur du terroir) et Ainsi parle le mur porte les saveurs de cette expérience et ce caractère marqués, à l’instar de ces mains du narrateur lorsqu’enfant une voix sèche l’accueillait au retour de ses échappées buissonnières en lui reprochant de rentrer les mains pleines de terre : « Qu’est-ce que tu peux bien faire pour avoir des mains de la sorte ? ». Reproche réitéré (« Et ça recommençait »), jusqu’à ce que le jeune garçon en ait honte :

Ainsi parlait Saint-Pol-Roux, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Jacques Goorma (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 04 Avril 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait Saint-Pol-Roux, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Jacques Goorma, mars 2022, 176 pages, 14 € Edition: Arfuyen

 

« Le jour fameux où la science aura capté l’énergie solaire – ce doit être d’une simplicité scandaleuse – nous maudirons les illustres inventeurs de lumignons et l’on ne manquera pas, je suppose, de pendre au plus haut réverbère quelque grand propriétaire de mine de charbon ou de puits de pétrole » (fr.174, 1929).

Saint-Pol-Roux, né Paul Roux à Marseille en 1861, a vécu quarante ans de XIXème siècle, et quarante de XXème. Il a été estimé de Mallarmé (qui l’appelait son « fils »), de Rodin, de Valéry, de Segalen, de Debussy, de Céline, de Jean Moulin, de Breton, de Max Jacob, de Daumal. Il a pourtant vécu assez vite retiré, dans la solitude et la gêne, en Bretagne, en y fondant famille heureuse, mais tragiquement éprouvée (il perd son fils Coecilian à Verdun, manque de perdre sa fille Divine en juin 40, grièvement blessée par un soldat allemand, qui s’en prend aussi à lui. Pendant leur séjour à l’hôpital, la maison est pillée et en partie brûlée, avec presque tous ses manuscrits ; il meurt quelques semaines plus tard. Sa maison finistérienne sera par ailleurs dévastée par des bombardements alliés en août 44 : ses ruines demeurent sur le promontoire de Camaret).