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Poésie

La Craquelure, Domi Bergougnoux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 16 Décembre 2021. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Al Manar

La Craquelure, Domi Bergougnoux, octobre 2021, 88 pages, Ill. Jean-Denis Bonan, 15 € Edition: Al Manar

 

Composé de deux parties (Fêlures – Apprendre à voler), le livre de deuil de Domi Bergougnoux instille une souffrance perceptible dans les constats hissés à bout de poèmes, dans la sensible perception d’un monde raviné. Une mère décrit et pleure son fils, un homme jeune ravagé par l’alcool et la détresse de lui-même. Que peuvent les mots, les vers, les poèmes, pour soulager du pire ?

La première et longue partie de poèmes, dont les titres sont éloquents (Homme blessé – Loup blessé – Homme froissé, etc.), nous mène « cul-sec » dans la nuit de cet homme au « regard terrifié », « plein de silence », « dans l’étreinte douce du vide ». Ces textes, jamais larmoyants, gardent la gravité inscrite dans le regard d’une mère, attentive à détailler le « fracas des étoiles », « l’enfant plein de colère », celui d’« une enfance brisée ». La poète a les mots pour nous alerter de toute cette souffrance, et de l’aridité de « ces pierres ».

« Rejeté hors de lui », l’homme fait l’expérience d’une sous-vie, dans les débris, déchets, éclats d’un quotidien sordide.

Œuvres complètes, Louise Labé, Bibliothèque de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Décembre 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Œuvres complètes, Louise Labé, octobre 2021, 736 pages, 49 € jusqu’au 31 mars 2022, 55 € ensuite Edition: La Pléiade Gallimard

 

Louise Labé Lyonnaise, dite la Belle Cordière, entre en Pléiade. Mais qui entre en fait ? Le dynamisme littéraire de la bonne ville de Lyon vers le milieu du XVIème siècle, le goût du mystère et du jeu littéraires, l’esprit coquin des poètes lyonnais (Maurice Scève et sa troupe) laisse supposer que Louise est un mythe littéraire, une pochade géniale d’un groupe d’amis poètes qui se seraient servi d’une courtisane de l’époque – réputée pour ses prouesses amoureuses – pour inventer une poétesse. Mireille Huchon, qui dirige cette édition, avait largement contribué à semer le doute dans son étude sur Louise Labé (Louise Labé, une créature de papier).

Et pourtant. Rien au monde ne vient à l’appui définitif de cette thèse. L’ouvrage de La Pléiade présente 24 sonnets de la plume de Louise Labé et 24 poèmes dédiés à Louise Labé par ses amis lyonnais (dont Maurice Scève, Pontus de Tyard, Guillaume des Autels, Pernette du Guillet…). Faux hommage ou vraie admiration pour une femme stupéfiante, putain et poète ? Clore ce débat sans fin s’impose. Mireille Huchon nous y invite dans son introduction : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

Hospitalité des gouffres, Réginald Gaillard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 10 Décembre 2021. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Hospitalité des gouffres, éd. Ad Solem, novembre 2020, 128 pages, 17 € . Ecrivain(s): Réginald Gaillard

 

Doublement fêté par le Prix Max-Jacob et le Prix Verlaine de l’Académie française, Hospitalité des gouffres, préfacé par Jean-Yves Masson, est un grand livre. L’oxymore du titre dit assez la conscience poétique de son auteur, près d’affronter les affres de l’enfance comme les promesses « à la cendre ».

Si les ténèbres « rôdent », il y a foi en la force même du vers « qui persiste dans le crâne », telle une lumière. Il faut porter des fardeaux, et « les temps sont courts » ; il faut user de légèreté pour saisir « une main qui soulève la tempête du salut ». Atteindre « l’arbre de vie » : tel est le vœu de ce livre fortement architecturé. Entre désir, constat, souhait et espérance.

Le « gouffre » était là, loin dans le temps, au temps des femmes de l’enfance. « Un enfant de ferme désormais seul » pleure ses « terres jurassiennes ». Un poète rameute le meilleur, quitte à énoncer ces blessures sans repos, sans répit.

Nous voilà lecteur hôte des gouffres !

Le Papier d’orange (La carta delle arance), Pietro De Marchi, éd. Empreintes (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Décembre 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Papier d’orange (La carta delle arance), Pietro De Marchi, éd. Empreintes, mai 2021, trad. italien, Renato Weber, 190 pages, 9 €

 

Sprechgesang

Il n’a pas été facile pour moi de trouver la clé de ce recueil bilingue italien/français de Pietro De Marchi. Je pense, d’une part, que la rédaction s’est faite au long cours, avec une langue qui évoluait peut-être. D’autre part et par conséquent, ses thèmes et ses images multiples et variés faisant des faisceaux de lumière, éclairant des objets dans la nuit, auraient fabriqué un univers complexe et profond. Ce qui m’est venu à l’esprit est donc une question formelle. J’ai opté ainsi pour le « chant parlé », c’est-à-dire une poésie à demi-lyrique dont le récit tremble dans le contenant, dont la réalité tangue dans le signe. De cette manière, généralement, la beauté triomphe. Et derrière cette surface presque légère, ductile, l’on voit le poète en train d’exister. Nous avons affaire à une lueur noire, une encre saturée qui occupe la blancheur du papier.

Hémon, suivi d’Antigone, Silences et Loin la langue, Bernard Fournier, éditions La Feuille de Thé (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 02 Décembre 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Hémon, suivi d’Antigone, Silences et Loin la langue, Bernard Fournier, éditions La Feuille de Thé, 2019, 76 pages, 20 €

Hémon – le fiancé d’Antigone, dont l’amour fut sacrifié par celle qu’il aimait et qui l’aimait, au nom du devoir moral fraternel –, telle est la figure sur laquelle le poète Bernard Fournier a choisi d’orienter l’objectif de son attention pour ce nouveau recueil publié aux éditions La Feuille de Thé. Après l’écriture d’une biographie consacrée à l’un de ses auteurs de prédilection, Jacques Auberti (Métamorphoses d’Audiberti, éd. du Petit Pavé), Bernard Fournier nous plonge dans l’univers d’une figure symbolique, de même trempe que ces personnages directement ou indirectement fondateurs de notre civilisation en en révélant les limites et les excès au travers de récits mythiques et/ou dramaturgiques. La première édition du poème Hémon, nous précise-t-on, a été réalisée sous la forme d’un livre d’artiste avec Valérie Honnart toujours à la Feuille de Thé, et le poème Loin la langue, qui en constitue le dernier volet, a été publié par Daniel Martinez dans la Revue Diérèse en 2018.