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Poésie

L’Initié, Thibault Biscarrat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 13 Juin 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Initié, Thibault Biscarrat, éditions Ars Poetica, 2022, 90 pages, 18 €

 

Mutité

Comme un mouvement immobile, c’est-à-dire un trajet dans le poème immobilisé, la voix poétique de Thibault Biscarrat détermine ici un sujet spirituel. Il s’agit pour le poète d’être présent, plutôt de rendre présent, de cheminer en contemplant, en méditant, pour être gagné par la force des paysages parcourus, par tout l’enseignement de l’habitation spirituelle qui en découle. Ainsi, Dieu est présent, surlignant les arcanes théologiques. On pourrait sans doute y voir le travail des jardiniers zen, qui dès le Japon médiéval, connaissaient le lien entre matière et esprit, l’importance du cheminement sur du gravier, des pierres plates ou des dalles. Est-ce une conception poétique propre à définir ? un Pantocrator agreste ? Pour moi, cela m’irait parfaitement.

Il faut donc suivre le poème comme on marche ; être sensible aux taches de lumière autorisées par les feuillages ; chercher la diffraction des éclats du soleil sur les eaux noires des torrents ; œuvrer sa propre vision mystique.

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte, L’Arbre à paroles, mars 2022, 126 pages, 14 €

Selon les saisons mais inversées, le poète décrit au fil de brefs poèmes (entre le quatrain et le septain), le désir nomade de l’autre, de sa lumière, de son corps, de ses gestes.

Le plus japonais des auteurs belges aime glaner les signes de l’amour aux confins des nuits et des « rumeurs vieilles », ceindre « la pourpre du matin », « planer pieds nus dans l’onde ».

La sensualité des approches et des textes – « entre tes mains », « dans les draps », « dans l’arène souterraine » – entretient à coups d’ellipses et de brèves phrases la splendeur des attentes. Vaincre le temps (morsure) et hisser haut la chorégraphie des plaisirs.

Ta peau

Une autoroute de plaisir

Vers les embruns du midi

Un devenir très sérieux pour ma main

Qui pèche encore éblouie

Dans tes tresses arc-en-ciel (p.23)

Manuel de Réisophie pratique, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Manuel de Réisophie pratique, Laurent Albarracin, éd. Arfuyen, 252 pages, mai 2022, 18 €

 

Un peu de courage et d’humour pour ne pas aussitôt fuir ce titre égarant et glacé, mais patience et attention récompensées, à loisir, par la lecture, en 224 brefs chapitres, d’un (étonnant, éclatant, complet) chef d’œuvre, comme on va voir, un des plus forts livres de poésie française récemment parus. C’est d’abord un manuel, non un traité : il s’agit de mettre sous la main (plutôt que directement devant les tempes) les notions essentielles d’un art. Quel art ? L’art, ni plus ni moins, de considérer véritablement les choses, ou, plus précisément – dit le néologisme réisophie (res : chose ; sophia : sagesse) – de saisir leur sagesse propre ; l’art de contempler le travail (inaperçu) fourni par les choses pour, chacune pour soi et entre elles, devenir, demeurer, et même disparaître, choses. Réisophie pratique, enfin, pour dire qu’en la matière, l’exercice vaudra seule observance, l’effort sur soi sera seule compréhension réussie de cet effort des choses sur elles-mêmes. Voilà, abstraitement, l’argument.

Ainsi parlait Saint-Pol-Roux, Choix et présentation Jacques Goorma (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 07 Juin 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Ainsi parlait Saint-Pol-Roux, Choix et présentation Jacques Goorma, Arfuyen, mars 2022, 176 pages, 14 €

 

Se mirer : perpétuelle occupation de la Beauté.

Ses miroirs : les hommes.

Saint-Pol-Roux

Haute lignée spirituelle

Il y a un enseignement dans ce livre qui nous guide vers de grandes hauteurs, avec pour conducteur le poète, lequel marche au-dessus de lui-même dans sa spiritualité, comme si son cœur était maître spirituel de sa croyance d’homme. Car la divinité ici, dans ces maximes, trace, ouvre la pensée de l’auteur, lui confie une part étincelante dans son expérimentation poétique.

Pourquoi les poètes n’ont jamais de ticket pour le paradis, Claude Donnay (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 02 Juin 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Pourquoi les poètes n’ont jamais de ticket pour le paradis, L’Arbre à paroles, mai 2022, 110 pages, 14 € . Ecrivain(s): Claude Donnay

L’anaphore (poème) ordonne les titres des quarante longs poèmes que Donnay consacre à « la rouille des jours », période noire « de la guerre à exporter » ou autres « ondes noires/ qui suintent des murs ». Friand de poésie et de prose américaines, le poète anime « la route » de ces textes empreints d’actuelle vérité, le « vide des écrans » et la mélancolie sourde qui les nourrit car ces poèmes de souffle, de long cours, respirent une connaissance du monde d’aujourd’hui, tactile et bienveillante quels que soient les accrocs, les avanies. Et tout n’est pas sombre, il y a « le bonheur à gober », les villes enamourées comme Paris pour donner le change et équilibrer ce regard de poète dense :

 

« Il me reste Paris pour toiser les réverbères

et filer les faux prophètes aux dents jaunes,

un papillon de nuit épinglé au revers de ma veste

conjurer les stylets plantés dans les pupilles » (p.99)