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Poésie

Courants blancs, Philippe Jaffeux

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres

Courants blancs, Ed. L’Atelier de l’agneau, 2014, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Jaffeux

 

 

Une cathédrale de mots ! Pas au sens qu’en donnait Proust mais dans la construction monolithique de chaque page composée de vingt-six lignes, vingt-six aphorismes qui hésitent entre récit (imp/passé simple) – où l’imparfait a ce rendu « mélancolique » que lui reconnaissait Proust encore – réflexion et poésie. La quatrième de couverture signale : aucun de ces « courants » n’a été écrit ; ils ont tous été enregistrés avec un dictaphone numérique. Précaution essentielle tant on sent le souffle langagier d’une parole qui s’éprouve et se creuse dans le silence. L’incipit est prometteur : Il se noya dans un cercle lorsqu’il confondit l’eau avec une quinzième lettre solaire. On est averti, on a déjà un pied dans l’O, le rond de la spirale ou le tourbillon qui va nous aspirer. Ce premier aphorisme annonce ainsi au lecteur un avertissement à se perdre lui aussi dans la suite onirique que recèlent ces « courants » dont l’élément eau, associé à celui de l’air, avertit qu’on va nous aussi plonger profond.

Une femme à gros seins qui court le marathon, Éric Dejaeger

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gros Textes

Une femme à gros seins qui court le marathon, décembre 2014, 78 pages, 8 € . Ecrivain(s): Éric Dejaeger Edition: Gros Textes

 

On pourrait croire que ce titre – accompagné d’une illustration explicite de Sarah Dejaeger (toute ressemblance avec le nom de l’auteur n’est pas fortuite) – est racoleur, et si certains tombent dans le panneau, ils seront punis de poésie, car Éric Dejaeger n’a rien à vendre, et racoler n’est pas son genre, il aurait même plutôt tendance à rabrouer si on l’emmerde de trop près.

Le titre est celui du poème du même nom :

 

« Ce titre m’est venu

À l’esprit

En voyant une femme plantureuse

Faire du jogging »

p(H)ommes de terre, René Lovy & Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, La Boucherie Littéraire

p(H)ommes de terre, coll. Les petits farcis, janvier 2015, 72 pages couleurs, 16,50 € . Ecrivain(s): René Lovy & Thomas Vinau Edition: La Boucherie Littéraire

 

 

On sait Thomas Vinau attentif aux pierres, aux fleurs de cerisiers, aux nuages, aux arbres, aux papillons de nuit, aux fruits, aux bruits de la terre, aux éclairs du Luberon, aux songes et à la beauté amusée des association d’idées et de mots, à la souplesse des petites fictions vives et réjouissantes. On le découvre amateur de Solanum tuberosum, de pommes de terre que sculpte René Lovy. Ce gracieux petit livre est la trace d’une rencontre potagère et inspirée entre deux artistes. L’un jongle – l’art de la plaisanterie – avec ses mots, l’autre avec ses tubercules. Les deux façonnent et saisissent des gueules et des tronches qui se tordent – de rire et de doute –, boudent, sourient et tremblent. Bestiaire de la laideur et de la stupeur où les bouches se tordent et les yeux se plissent, monstres surgis de l’humus inspiré du sculpteur.

Pieds nus dans R, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Carnets du dessert de lune

Pieds nus dans R, février 2015, 28 pages, 5 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec Edition: Carnets du dessert de lune

 

Petit joyau ce pousse-café là, tête-bêche en plus : Pieds nus dans R. ou Barefoot in R. dans sa version anglaise, traduit en anglais par Derek Munn. Petit joyau car la plume de Perrine Le Querrec, quand elle ne la laboure pas, vole au-dessus de la page, et il pleut des mots, il pleut de la langue de poète, de celle qui enivre, que l’on boirait encore et encore, jusqu’à tomber par terre ivre vivant ! Ce livre dédié à N. parle d’un « il » qui revient de R. pieds nus : j’ai perdu mes chaussures à R., me dit-il en arrivant (…) R. qui se targue d’être la Ville, une ville tout en cadres en bordures en netteté.

Comment cela a-t-il pu arriver ? Comment perdre ses chaussures, sa raison, son assise et son apparence, comment se délacer – ô savoureux double sens –, s’égarer, se soustraire aux codes de R., nation d’ordre, de discipline où le premier pas de l’enfant est calculé à la courbe du rendement de R. ? Oui, comment ? Dans un rythme entraînant, envoûtant qui galope sur la page comme une épidémie de pieds nus justement, on se laisse gagner par l’exaltation liberterre de ce nudisme, deux pieds, nus de chair de veines et d’os, de pieds sans semblants, sans artifices ni parures.

Le mémo d’Amiens, Jean-Louis Rambour

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Henry

Le mémo d’Amiens, 2014, vignette de couverture Isabelle Clement, 96 pages, 8 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour Edition: Editions Henry

 

« C’est un pays étrange, cette ville, avec tous ces gens », c’est sur cette citation du Clézio que s’ouvre ce recueil, qui bien que tenant dans la poche, pèse son poids de vies humaines et d’un siècle condensé. 90 poèmes-photos, 90 portraits de 14 lignes. Une ville, Amiens et des gens, des habitants. Des prénoms, quelques noms, des histoires, des rêves, des ambitions, des douleurs, des misères, des saloperies aussi de tout un siècle découpé en guerres, en entre-deux, en révolutions.

 

Ici Julia parle de la grande souffrance d’Amiens (…)

La grande souffrance dit-elle Deux guerres mondiales

À elle seule L’idée qu’on a pris forme humaine

Pour vivre la somme des malheurs la note élevée

Pris forme humaine pour offrir ses ruines