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Alpe du Grand Serre, Christophe Lamiot Enos

Ecrit par Marie-Josée Desvignes 08.06.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Passage d'encres

Alpe du Grand Serre, 2015, 5 €

Ecrivain(s): Christophe Lamiot Enos Edition: Passage d'encres

Alpe du Grand Serre, Christophe Lamiot Enos

 

Ce qu’on entend en lisant ce petit opus de Christophe Lamiot Enos c’est un chant, une musique d’eau qui court sur les pages et délivre « ses voix plurielles » dans la musique de mots, héritée de l’enfance, peut-être même sortie des contes, Pierre et le loup, ou d’un album du Père Castor, nous dit le poète, et qui appelle pour que « nos forêts soient musiques ».

Oiseaux, non ? plumes d’oiseaux, légèreté de l’air, envolées de plumes, tourbillons de mains fendant l’air, tourbillons de feuilles et autant de souvenirs sauvés de l’oubli volent et chantent, enchantent le langage.

Dans l’obscurité ou dans la clarté du jour, dans le silence ou dans la lumière des mots, l’avancée de la mémoire se fait en pente douce, au milieu de forêts obscures et des bruits d’eau qui dégoulinent sur les feuilles. L’eau à travers l’espace et le temps se fait flocons, cristallise l’anamnèse, au milieu des années perdues. Allonger le pas sur les chemins, prudents, parmi les piques du « hérisson », descendre à la source sans craindre le chemin épineux, non pas de ronces mais souvenirs vivants qui bougent, s’animent tel ce petit animal convoqué. L’oiseau, libre, vole, s’envole de branches en branches, transporte le message du poète, transporte la lumière, le soleil, l’avancée des nuages, au-dessus des arbres, et nous enlève au-dessus du tout « que neige porte ! »

Maintenant c’est une mésange, au-dessus d’une maison, les souvenirs se font plus précis, quand dans le même temps, la langue se disloque :

 

la forêt entendre

ruissellement rousseur que ce bruit

le « tournant aux feuilles »

 

Reviennent éclatées, les mêmes paroles qu’au début, accolades de mots déjà rencontrés, ressassement mémoriel, la mémoire s’organise et livre le dernier poème, limpide comme de l’eau :

 

Vers les feuilles, sur le sol

lentement, nous avançons

noir soleil. Tu sautilles

vers les feuilles la neige sur le sol

bougé. Lentement, nous avançons

noir soleil, dedans. Toi tu sautilles

vers les feuilles de neige. Revient sur le sol

le bougé. Lentement que nous avançons

noir soleil, dedans, dehors. Toi, tu sautilles.

 

Ainsi le poème se construit au plus près du réel dans une traversée du temps et de l’espace qui n’a pas de limites, qui n’a pas de frontières, le temps d’hier et celui d’aujourd’hui se rejoignent pour faire naître le souvenir, sa transcription par la grâce des mots.

 

Marie-josée Desvignes

 


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A propos de l'écrivain

Christophe Lamiot Enos

 

Christophe Lamiot Enos, né le 18/12/62 à Beaumont-le-Roger, vit son enfance et son adolescence à Pont-Audemer et habite aujourd’hui à Paris après quatorze années passées aux Etats-Unis d’Amérique à enseigner la littérature française. Le 1er janvier 1981, il est victime d’un grave accident automobile dont il combat les séquelles en s’imposant une rigoureuse discipline d’écriture et de recherche en sciences humaines. Deux essais parus en 1997 et 1999 (Eau sur eau, Rodopi, Amsterdam ; Littérature et hôpital, Sciences en Situation, Paris) et plusieurs récits en poèmes, en 2000, 2003, 2006 et 2010 (Des pommes et des oranges, Sitôt Elke, Albany, 1985-1981 Flammarion, Paris) annoncent d’autres publications, dont notamment L’eau l’alentour l’eau (2010 Passage d’encres, Montreuil). Son écriture a retenu l’attention des commentateurs pour, entre autres, son souci du détail, l’élaboration formelle, la musicalité et le travail sur la mémoire. Pour le département de l’Eure, il organise depuis plusieurs années l’événement « Lire en l’Eure », journée de rencontres en poésie, à Evreux. Père de deux enfants, il occupe un poste de maître de conférences à l’université de Rouen, fait partie du laboratoire « Passages XX-XXI » de l’université de Lyon 2 en tant qu’américaniste et collabore régulièrement à plusieurs revues. Ses travaux paraissent dans des anthologies, tant en France qu’à l’étranger.

 

A propos du rédacteur

Marie-Josée Desvignes

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Marie-Josée Desvignes

 

Vit aux portes du Lubéron, en Provence. Enseignante en Lettres modernes et formatrice ateliers d’écriture dans une autre vie, se consacre exclusivement à l’écriture. Auteur d’un essai sur l’enjeu des ateliers d’écriture dès l’école primaire, La littérature à la portée des enfants (L’Harmattan, 2001) d’un récit poétique Requiem (Cardère Editeur, 2013), publie régulièrement dans de très nombreuses revues et chronique les ouvrages en service de presse de nombreux éditeurs…

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