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Poésie

Soleils chauves, Anise Koltz

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Juin 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arfuyen

Soleils chauves, Editions Arfuyen, 2012, 10 € . Ecrivain(s): Anise Koltz Edition: Arfuyen

Filiation à propos d’Anise Koltz


Entrer dans ce livre par un poème qui semble avoir des relations avec le Paysage aux arbres verts de Maurice Denis, ouvre la porte poétique et intrigante, spirituelle et rêveuse de ce recueil au drôle de titre. D’ailleurs, ce dernier livre d’Anise Koltz est illustré par un détail de la Campagne romaine de Schirmer qui donne selon moi le ton général à cette suite de poèmes assez courts dont le propos est resserré. On y voit de petits monticules de terre peints avec de l’ocre brûlé sur un fond de ciel rose thé, sorte de dolmens, de stèles, vue profonde sur le Latium. J’écrivais il y a peu à Gérard Pfister, le directeur de la maison Arfuyen – qui suit le travail d’Anise Koltz depuis plusieurs années –, que ces stèles donnaient une impression nocturne, de monde déserté. Et, avec des petits instants pris dans le réel, cette série de 134 poèmes finit par se nouer autour de quelques thèmes, que je vais essayer de rendre visibles au lecteur.

Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus, Bashô

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 29 Mars 2012. , dans Poésie, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, La Table Ronde, Japon

Seigneur ermite, L’intégrale des haïkus, Edition bilingue par Makoto Kemmoku & Dominique Chipot. mars 2012, 480 p. 25 € . Ecrivain(s): Bashô Edition: La Table Ronde

 

Quel bel objet déjà ! Un écrin à la hauteur du contenu, la couverture est  d’un vert qui fait aussitôt penser au jade, ce même vert se retrouve à l’intérieur pour le texte en version japonaise. Ce livre, dédié aux victimes  et sinistrés du grand tremblement de terre du Tōhoku, région que Bashō a visité lors de ses voyages, s’ouvre sur une note concernant la traduction. Elle commence ainsi, ce qui résume bien le propos : Traduire c’est trahir, et expose les difficultés auxquelles ont été confrontés les traducteurs et donc leurs partis-pris.

Ensuite, une introduction aborde en un tour rapide mais instructif l’histoire de la poésie japonaise, suivie d’une biographie détaillée de Bashō, illustrée par quelques haïkus. Indispensable pour la compréhension de son œuvre. Nous entrons alors dans la chair même de l’ouvrage : l’intégrale des haïkus du maître en la matière, souvent précédés par des avant-propos de Bashō lui-même, classés par ordre chronologique.

Le premier est daté de 1663 :

La voix et l'ombre, Richard Millet

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 26 Février 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Gallimard

La voix et l’ombre, Gallimard, Collection L’un et l’autre, 210 p. 21 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Gallimard

Un nouveau livre de Richard Millet est toujours une découverte dont les attentes ne sont pas déçues. La voix et l’ombre fait partie de ces livres qui nous retiennent tant on y palpe l’engagement physique de l’auteur. Chaque mot a sa place dans une rhétorique au service de ce que les mots sont pourtant incapables de signifier. Quoi de plus singulier que de vouloir, par le truchement d’une galerie de portraits, rendre compte des liens que la voix et l’ombre entretiennent dans le corps. Il faut avoir fouillé les arcanes de nos chairs pour effectuer ce voyage incantatoire dans les zones de la voix et de l’ombre. Richard Millet nous soumet que notre sujétion au réel ne peut nous conduire à la conscience à laquelle il nous convie. L’effort indispensable pour concrétiser par le verbe ce qui nous échappe mais dont nous avons confusément conscience est inscrit dans cette écriture qui utilise des figures de style comme l’oxymore, des paradoxes, des ambiguïtés, des contradictions pour rendre compte, à force de mots qui sont autant d’outils, de l’impossibilité même d’écrire.

« La voix et l’ombre (…), l’une et l’autre accouplées (…) dans une lutte, une torsion où elles se confondent quelquefois ». Ainsi l’auteur prévient-il d’emblée de sa vision qui ne souffre aucun confort. Il ajoute « nous sommes des ombres bruyantes » et les portraits qui suivront seront revêtus de cette double enveloppe qui parfois se déchire.

Ce jardin d'encre, Bernard Noël

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Dimanche, 05 Février 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Ce jardin d’encre, poèmes publiés en français et en espagnol (traduction Sara Cohen), photographies de François Rouan (http://francoisrouan.net/), Cadastre8zéro, 2011 . Ecrivain(s): Bernard Noël


« à quoi bon maintenant savoir qu’un trajet n’est pas un sujet

que tout va par sauts par tournants sans qu’il y ait un but pour autant

d’ailleurs c’est toujours un contre but que cherche à promouvoir la langue

comme si elle préférait la bouche actuelle à la suivante

alors que l’espèce est indifférente à qui la perpétue

tant pis il est trop tard pour s’engager ici à mots perdus »


Chaque mot dans ce livre est un mot gagné sur la chute, sur la nuit, pour le tremblement de ce qui éclot lentement.

L'obscur travaille, Henri Meschonnic

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 02 Février 2012. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arfuyen

L’obscur travaille, Ed. Arfuyen, Janvier 2012, Paris-Orbey, 98 p., 9 € . Ecrivain(s): Henri Meschonnic Edition: Arfuyen

Comment parler de la poésie sinon en faisant suivre les citations jusqu’à l’instant où il paraît possible que le poème se fasse entendre ? Pour ma part, j’ai toujours trouvé difficile d’écrire sur l’œuvre d’un poète, parce qu’il y a un feuilletage typique à la poésie, une épaisseur que l’on connaît, à la lecture, mais que n’arrive pas à rendre le flot continu de l’escorte du discours critique.

Cependant, rien n’empêche d’essayer. Et pour le cas présent avec le recueil d’Henri Meschonnic, L’Obscur travaille, publié cette année par l’éditeur Arfyuen, l’occasion est bienvenue. Et pour pallier aux questions que je soulevais dans mon introduction, j’ai pensé, un moment, faire une lecture approfondie du Meschonnic critique, qui œuvrait depuis 1970 dans le champ de la réflexion sur la littérature et la philosophie, en allant vers ses livres successifs autour de la poétique. Mais pour finir, et pour affronter seul à seul le silence et la quasi nudité des poèmes de cet ultime recueil, j’ai choisi la voie la plus simple, et j’ai lu, espérant pouvoir m’allier assez à l’auteur pour porter un peu de lumière sur les poèmes, sinon, sur la poésie.

Silence, donc, raréfaction des images, peu ou pas de couleurs ou de métaphores, et pour finir une impression de pas dans la neige – deux pieds de neige sur le plancher écrivait Kerouac –, d’une empreinte, laissée par un absent, de la nudité, du soustraire, la recherche d’une quintessence, d’une voix de dedans presque sourde car ténue, labile.