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Poésie

L’œuvre poétique, Hart Crane

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 25 Novembre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Arfuyen

L’œuvre poétique, octobre 2015, trad. Hoa Hôï Vuong, 378 pages, 23 € . Ecrivain(s): Hart Crane Edition: Arfuyen

 

Une poésie américaine ?

Entrer dans l’œuvre poétique de Hart Crane est une chance très grande, dans la mesure où il était peu traduit en France, et que le livre que publient les éditions Arfuyen, dans sa belle collection Neige bilingue, permet d’accéder à la presque totalité des poèmes de Crane. Poète complexe et angoissé dirait-on, jusqu’à son suicide dans le golfe du Mexique en avril 1932. Cette indication de lieu a son importance, car les trois grands recueils que laisse le poète, c’est-à-dire Bâtiments blancs, Le Pont et Key West participent de l’expression d’une géographie poétique du monde. Ils sont aussi une forme ambitieuse et réussie de poésie « américaine » venue de Whitman par exemple, car on va facilement d’est en ouest, comme des pionniers, et du nord au sud, comme des voyageurs d’un empire commercial.

Une terre de glace transversale

Embrassée par des arches célestes de plâtre gris

Se jette silencieusement

Dans l’éternité.

Les Clameurs de la Ronde, Arthur Yasmine (2ème critique)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Clameurs de la Ronde, Carnet d’Art Editions, mai 2015, 85 pages, 9 € . Ecrivain(s): Arthur Yasmine

 

« Pour quel éclair, hein ? On l’a jeté, le miroir… On l’a jeté… comme ça… au puits… au temps !… Un essaim de cendres que c’était ! Oh, toutes les brisures, tous les éclats qu’on a bouffés… Oh oui, le feu, on l’a payé ! Avec beaucoup de nuits même ! Bien pauvre ! Bien puant ! Tout seul qu’on était ! Tout seul à se ronger la peau pour des poèmes… Bien sûr qu’elles y étaient les plaies ! La poisse, le vertige, le sol, le ciel, on les a raclés sur la lyre… ».

Ces premières lignes fulgurantes de l’Avis au Lecteur servant de prologue à l’éclatant recueil d’Arthur Yasmine contiennent à la fois sa profession de foi personnelle, son manifeste poétique, une affirmation de la spécificité de son écriture, et une introspection douloureuse dans son âme de poète.

Car Arthur Yasmine est un poète – un vrai ! – qui, dans cet opuscule, hurle sa colère et son désespoir de voir que l’expression poétique est donnée pour moribonde, voire est déclarée morte par les éditeurs qui rechignent de plus en plus, pour des raisons trivialement commerciales, d’inscrire la poésie dans leur ligne éditoriale.

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays arabes, Maghreb, Seuil

Le règne de barbarie, 1980 (Préface de Ghislain Ripault), 160 pages, 13 € . Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Seuil

 

Ce recueil de poèmes est un long cri de souffrance et de révolte. Publié en 1972 alors que son auteur, le poète marocain Abdellatif Laâbi, fondateur de la revue Souffles, dépérissait et pourrissait au secret des cellules de la prison de Kenitra, livré au bon vouloir sadique des tortionnaires de Hassan II, en pleines années de plomb, Le règne de barbarie se lit avec les tripes, avec les poings serrés, avec des saccades de sanglots, durs comme du fer, qui vous montent, ligne après ligne, exploser à la gueule.

Ce recueil de colères est un long hurlement de loup blessé, aux chairs prises dans les crocs de l’arbitraire du traqueur de liberté.

Préfacé par Ghislain Ripault, autre poète, qui en 1972 était coopérant français au Maroc, Le règne de barbarie ne se lit pas, mais se vit, se chevauche, se galope comme la noire monture de l’apocalypse, annonciatrice de la fin des temps des sombres seigneurs et de l’époque des vengeances éclatantes et justes des peuples : « Il est temps de dire pourquoi je dégueule ce monde ».

Et quand tu écriras, Sylvie-E. Saliceti

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 17 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Et quand tu écriras, éd. La Porte, 2015, 15 pages . Ecrivain(s): Sylvie-E. Saliceti

 

Et quand tu écriras, livret d’une quinzaine de pages paru au 2e trimestre 2015 aux Éditions La Porte et dont l’auteur est Sylvie-E. Saliceti, est un long poème « écrit en suite d’un beau jour » de mai, composé de vers libres sur le seuil d’une écriture sensible à l’écoute du temps – un temps qui se recueille – et qui regarde sans se regarder, sobre et dense, jamais complaisante.

Nous ne sommes pas ici dans le monde d’un énième Narcisse (Et quand tu écriras, ne regarde pas / ce que tu écris, pense au soleil / qui brûle sans voir, conseille Gonzalo Rojas cité en exergue du poème) ni chez Orphée, puisqu’il ne s’agit pas de se regarder écrire le monde autour de soi, ni de se retourner vers un passé enfui, mais de se laisser porter par la spontanéité de l’instant (Et quand tu écriras ne regarde pas le temps) et de laisser venir à soi « l’abandon » et de regarder : se lever et s’arrêter à la nuit le temps, le soleil, « la durée des choses », le ciel, les visages effacés, la lumière déclinante, dans « un livre d’exil et de retour » rythmé par le temps d’une écriture lézardée mais aussi, pleine d’étoiles.

En regard sur Lino de Giuli, Alain Marc

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 06 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Éditions Dumerchez

En regard sur Lino de Giuli, août 2015, 59 pages, 20 € . Ecrivain(s): Alain Marc Edition: Éditions Dumerchez

 

« Lino de Giuli voudrait tenir les deux fils du vide et des interstices », cite l’exergue placé sur le rabat de la quatrième de couverture de ce bel ouvrage publié par les éditions Dumerchez. Tandis que la page de garde pose la question du poète : « Tenter de répondre à cette question : / les mots, le poème, sont-ils capables de traduire au plus près, le visuel ? »

Cette mise en regard des créations (peintures, sculpture, installation) du peintre-plasticien Lino de Giuli, et des créations du poète Alain Marc (auteur de plus d’une dizaine de livres), cette rencontre où les mots du poète posent leurs regards et leur langue (poétique) sur les représentations créatives de l’art(-iste) visuel, relance la question permanente des vases communicants entre poésie et création artistique.

Les éditions Dumerchez proposent ainsi ces livres de belle facture au contenu de haute qualité, livre d’artiste justement défini par Bernard Noël comme le carrefour d’un échange à trois personnages :