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Pays nordiques

Deuil, Gudbergur Bergsson

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Avril 2013. , dans Pays nordiques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Métailié

Deuil. Traduit de l’islandais par Eric Boury février 2013. 126 p. 15 € . Ecrivain(s): Gudbergur Bergsson Edition: Métailié

 

 

Etrangement, ce livre est beaucoup moins sombre qu’on ne l’attend. Pourtant tout y est, du titre au sujet et à la narration même. Un vieil homme, veuf, mal en point et assez dépressif qui n’a plus d’autre attente que la pathologie éventuelle et la mort inéluctable. Pas d’autres distractions que les souvenirs de sa femme aimée et perdue, de quelques scènes de sa vie, de ses enfants, affectivement lointains désormais. Pas d’autres distractions que le chuchotis d’une bouilloire, quelques bruits venus du dehors. Tout le cadre d’un roman noir, voire lugubre. Et pourtant, Bergsson écrit un récit qui ne l’est jamais.

Quelque chose d’un regard qui reste amusé sur le désastre qu’est en fin de compte, imparablement, une vie. Même le (les) malheur peut être vu avec un sourire, amer certes mais un sourire. Cela porte un nom : l’humour, une certaine épaisseur de distance au propos, que Bergsson manie avec talent. Même le souvenir douloureux de la femme d’une vie garde une trace d’amusement :

Bonita Avenue, Peter Buwalda

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 12 Mars 2013. , dans Pays nordiques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Bonita Avenue, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian Février 2013, 514 p. 23,80 € . Ecrivain(s): Peter Buwalda Edition: Actes Sud

 

Sigerius a été l’un des meilleurs judokas des Pays-Bas. C’est aussi un intellectuel, un mathématicien de génie qui a reçu le prix Fields, l’équivalent du Prix Nobel pour les mathématiques. Il est « le scientifique préféré des Néerlandais ». Il devient le recteur d’une université et, bientôt, c’est à des responsabilités gouvernementales qu’il pourrait être appelé.

C’est ainsi qu’Aaron présente celui qui fut son beau-père. Son beau-père, mais néanmoins ami avec lequel il partage l’amour du judo – les deux hommes s’entraînent ensemble plusieurs fois par semaine –, mais aussi celui du jazz.

Aujourd’hui, Aaron ne va pas bien. Pour le plus grand monde, il est même un « fou patenté ». Il est psychotique.

« D’après son médecin traitant, c’était un patient qui reconnaissait et admettait son mal – ce qui signifiait qu’il avalait ses capsules de son plein gré –, et donc, jugé apte à vivre de manière autonome. Mais il ne fallait pas lui en demander davantage. Il était absolument dépourvu d’ambition. Son mot d’ordre désormais était “éviter”, éviter les excitations, éviter les tensions, éviter tout ce qui pourrait le pousser à ne plus éviter ».

Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers, Bjorn Larsson

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 21 Février 2013. , dans Pays nordiques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

Les poètes morts n’écrivent pas de romans policiers, traduit du suédois par Philippe Bouquet, 2012, 491 p. 22 € . Ecrivain(s): Björn Larsson Edition: Grasset

 

Il y a ordinairement autant de distance entre le roman policier et la poésie qu’entre le jeune Werther et Hercule Poirot… bien qu’il existe des lecteurs prisant tout autant chacun de ces deux genres.

Björn Larsson a osé réunir dans un même livre poésie, crime, enquête policière, réflexions sur la poésie…

Le héros : Jan Y Nilsson est un poète, un vrai, de ceux pour qui l’écriture poétique est « une vocation à laquelle on [voue] son existence, sans considération de modes ni de tendances ».

Et voici qu’il se met, le traître, sur commande de son éditeur, à écrire… un roman policier !

Et voilà qu’il se permet de mourir quelques heures à peine avant d’apprendre par ce même éditeur que son roman sera un best-seller et lui rapportera des millions d’euros par contrats signés sur épreuves avant même qu’en soit écrit le dernier chapitre…

Le coeur de l'homme, Jón Kalman Stefansson

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 05 Février 2013. , dans Pays nordiques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le cœur de l’homme (Hjarta Mannsins), trad. de l’islandais Eric Boury, 2013, 452 p. 22,90 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Gallimard

 

« Où résident le bonheur et la plénitude, si ce n’est dans les livres, la poésie et la connaissance ? »

Après le magnifique Entre ciel et terre, prolongé par La Tristesse des anges, qui était déjà un ton en-dessous, Jón Kalman Stefánsson conclut sa trilogie avec Le cœur de l’homme. Disons-le tout de suite : c’est l’épisode le plus faible.

L’intrigue de ce troisième opus commence là où celle du deuxième se terminait. Jens le postier et le gamin ont manqué de ne pas sortir vivants de la tempête de neige qu’ils ont bravée. Ils ont été recueillis par le médecin d’un village. Le gamin se réveille avec l’impression de revenir soudain à la vie. Il n’est d’ailleurs pas certain d’être toujours vivant.

« As-tu décidé si tu voulais vivre ou mourir ? s’enquiert cette femme ou plutôt cette jeune fille. Elle est rousse, les cheveux des défunts sont roux. Je ne sais, répond-il, je ne suis pas sûr de connaître la différence, et je ne suis pas non plus sûr qu’elle soit si grande ».

L’hiver cède bientôt la place au printemps et à l’été. La nature devient moins hostile. On ne risque pas la mort en sortant de chez soi.

Discordance, Anna Jörgensdotter

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 17 Septembre 2012. , dans Pays nordiques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès, La rentrée littéraire

Discordance, août 2012. Trad suédois Martine Desbureaux. 535 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Anna Jörgensdotter Edition: Jean-Claude Lattès

 

Discordance est un roman de femme. Allons bon, c’est bien la peine d’écrire un article pour dire ça, tout le monde l’a bien vu. C’est pourtant un roman de femme. Un roman qui dit d’une femme et sur les femmes ce qu’aucun homme ne pourrait ni dire ni sentir ni vivre.

On est en Suède, sur deux décennies. 1938-1958. On commence fort : la maison de Melle Filipsson brûle. Avec Melle Filipsson dedans !

« C’est Edwin qui a sorti le cadavre, il le sait. Svarten le lui a dit quand il est arrivé. Le corps était carbonisé, et lui, Edwin, avait posé son blouson de cuir sur son visage à elle, Malva Filipsson. Ca a dû être horrible. »

Cet incendie peut être entendu comme une métaphore du livre qui suit : des femmes vouées aux flammes. Ce n’est plus le bûcher des sorcières mais celui de la vie qui leur est promise. Cent fois damnées sur terre : Enfance de servantes familiales, adolescence de proies sexuelles, mariages plus ou moins voulus, vie de domestique, vieillesse (rare) de solitude. Et les enfantements terribles, douloureux et souvent mortels :