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Les Livres

Soif, Amélie Nothomb (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Soif, août 2019, 152 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Amélie Nothomb Edition: Albin Michel

 

Parodie d’une société « assoiffée » de trouver son bouc-émissaire pour assouvir son désir d’exercer sa cruauté et de jouir du mal causé, ce nouveau roman d’Amélie Nothomb revisite allégoriquement la mise à mort d’une figure emblématique – celle du Christ – en nous faisant revivre, par la voix de la victime elle-même (celle du narrateur), le dernier jour d’un crucifié (Victor Hugo avait écrit Le dernier jour d’un condamné).

Jésus en personne nous parle dans ce roman au titre éloquent, pour nous offrir un autre visage que celui auquel l’Histoire nous a habitués. Jésus nous parle, à nous lecteurs, et s’adresse aussi plus largement à l’humanité, en dévoilant un visage au plus haut vivant (comme la « soif » éprouvée nous rend vivant). Celui qui se voit accusé par ses propres miraculés de ne pas avoir mesuré toutes les conséquences de ses prodiges, celui qui se révèle doté d’un don extraordinaire, dévoile en même temps et contre toute attente que « rien du mal ne lui est étranger », qu’il éprouve à l’égal du commun des mortels le mépris, la peur, la haine, qu’il connaît l’amour par celle qu’il nomme ici « Madeleine », etc.

Le souci de la terre, Virgile (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Gallimard

Le souci de la terre, Virgile, Gallimard, mars 2019, trad. nouvelle du latin par Frédéric Boyer des Géorgiques, 264 pages, 21 €

 

Qui fut Virgile ? Qui fut réellement Virgile ? Frédéric Boyer le présente magnifiquement, dans Faire Virgile : « Passer de Mantoue à Naples. Chassé du toit paternel et des bords sinueux du Mincio, exproprié un temps de ses terres, garder toujours le souvenir de Mantoue et de ses prairies. Poète né paysan, quitter sa naissance obscure et se faire réapparaître dans un poème en berger chanteur. Avoir lu Hésiode, Théocrite, Caton, Varron. S’intéresser avec eux à la res rustica (la matière agricole) dont on parle beaucoup à présent que l’on prétend occuper aux champs les vétérans désœuvrés des guerres civiles qui ont déchiré la République. Et après que ces guerres ont probablement causé ravages, rapines, famines, destructions des récoltes et des domaines agraires. Être contemporain de Tite-Live et d’Horace. N’avoir que vingt et un ans quand éclate la guerre civile qui conduit à la fin de la République romaine. Apprendre que César est assassiné. Avoir connu ainsi les dernières convulsions de la République romaine et développé son œuvre pendant l’âge augustéen, période de paix et de création, diront les chroniqueurs.

Brûler le Louvre, Didier Goupil (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Brûler le Louvre, Didier Goupil, éditions Zinédi, Coll. Textures, septembre 2019, 122 pages, 12,90 €

 

Didier Goupil, dans ce livre, se fait galeriste. Il accroche à ses cimaises neuf nouvelles. Ou plutôt, comme il le dirait lui-même, neuf impromptus.

Impromptus ? Non pas que ses textes débarquent à l’improviste et soient sans préparation, au contraire ! Ils ont été l’objet de soins délicats, longuement peaufinés, tout en préservant leur candeur : du grand art ! Mais impromptus pour ce qu’ils ont d’inattendu et de léger – de cette légèreté qui confine à l’essentiel.

Délaissant la grande toile du roman (même si les siens n’ont jamais été des pavés), le voici qui « sent monter en lui une envie de fugue » et qui écrit sur des bouts de carton, de nappes en papier, « des petits carrés de vingt centimètres », des scènes de vie liées à des peintres – vivants ou morts, célèbres ou moins connus, et pour certains imaginaires.

Le voici qui « gribouille et peinturlure avec la joie de l’enfance retrouvée ».

L’affaire Benedikt Gröndal, Gudmundur Andri Thorsson (par Christelle Brocard)

, le Mardi, 01 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Gallimard

L’affaire Benedikt Gröndal, juin 2019, trad. islandais, Eric Boury, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gudmundur Andri Thorsson Edition: Gallimard

 

 

Ólafur Árnason, le narrateur, vieux magistrat au seuil de la retraite, revient sur sa vie passée dans une Islande rude, austère et tourmentée, qu’il a néanmoins choisi de servir. Aussi verra-t-il bon nombre de ses amis et accointances déserter la terre natale pour un ailleurs plus clément, et parmi eux, Anna, son amour de jeunesse. Cette fidélité indéfectible et irrationnelle à l’égard d’une passion platonique fait écho à son inébranlable loyauté envers l’identité islandaise et donne le ton de sa narration : grave, nostalgique et romantique, parfois caustique, voire incisive envers le microcosme universitaire. Cette voix, riche de nuances et de subtilités, est relayée par une écriture poétique et érudite dont la noblesse pourrait en intimider plus d’un. Et pourtant, quel ravissement de s’élever aux confins d’un univers si religieusement docte et extatique, au cœur d’Un tout petit monde (1) islandais :

Echo Saharien, L’inconsolable nostalgie, Intagrist el Ansari (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 01 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

Echo Saharien, L’inconsolable nostalgie, Editions Alfabarre, 2018, 160 pages, 19 € . Ecrivain(s): Intagrist el Ansari

 

De Paris à Tombouctou, en passant par l’Andalousie, Tanger, Tan Tan, Kidal, Timiawen, Gao, Tamanrasset, Nouakchott, Ménaka, Bamako, la lente trajectoire d’un fils du désert quittant la terre d’exil après dix-huit ans de déracinement en deçà des Pyrénées pour marcher sur les traces de ses ancêtres, de sa tribu, de sa famille, de son passé.

Intagrist el Ansari, de la tribu touarègue des Kel Ansar comme son nom l’indique, met en mots ce long périple suivi d’une halte régénératrice d’une année à Tombouctou, le point central du rayonnement pérégrinatoire des Kel Ansar à travers les siècles sur une grande partie de l’ouest saharien.

Qu’on ne s’y trompe pas ! Il ne s’agit pas d’un récit de voyage. Bien qu’il se réfère à maintes reprises à ces illustres prédécesseurs, Intagrist n’est ni l’explorateur René Caillé, ni l’historien géographe Ibn Battûta, ni le conteur voyageur sociologue Ibn Khaldoun.