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Les Livres

Là d’où elle vient, Patricia Ryckewaert (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Là d’où elle vient, Bleu d’encre, 2019, poésie, 46 pages, 12 € . Ecrivain(s): Patricia Ryckewaert

 

Elle vient du silence et des ombres portées, suggérant l’appel d’elle-même dans la trace des autres.

Un moment de pause « venu (elle vient) de l’étonnement du jour (et du ciel mouillé comme un chagrin ».

Plutôt que de se contenter de venir, elle partage cette venue qui semble, progressivement, devenir son empreinte digitale, un signe propre d’être : « elle vient des doigts sur la bouche/ et des ailes d’un baiser/ chut ! ».

Elle vient d’entre toutes les femmes, « elle vient d’un voile/ cousu sur la peau/ des doigts de l’obscur/ qui ferme les paupières de l’aube ».

De cette enfance à « craquelures » émane la femme comprise dans tous ses états : « elle vient d’une longue litanie/ de la mer et du vent/ des entailles dans la chair/ et de la ferraille noire d’un cargo ».

Lionel-Edouard Martin : La mémoire des lieux perdus (par Hans Limon)

Ecrit par Hans Limon , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

« Rien qu’un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu’eux deux. Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce que au moment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle en vertu de la loi inévitable qui veut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effet de cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation – bruit de la fourchette et du marteau, même inégalité de pavés – à la fois dans le passé ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l’ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêves de l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence – et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler, d’immobiliser – la durée d’un éclair – ce qu’il n’appréhende jamais : un peu de temps à l’état pur » (1).

Appel à la réconciliation, Foi musulmane et valeurs de la République Française, Tareq Oubrou (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 20 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Plon

Appel à la réconciliation, Foi musulmane et valeurs de la République Française, mai 2019, 347 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Tareq Oubrou Edition: Plon

Ne pas trop prendre, peut-être, à la lettre, a priori, avant même d’avoir parcouru l’ouvrage, un titre un peu alarmiste qui pourrait laisser à penser qu’il s’agit par cette publication de cibler une situation gravement conflictuelle entre communautés vivant en France. Le sous-titre circonscrit de façon plus précise le sujet, lequel pourrait être justement intitulé « Appel à la conciliation ». La thématique est certes de celles qui agitent et divisent notre société, et qui délimitent les sphères d’action idéologique de nos partis politiques. Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, franco-marocain cultivé, ne cache pas qu’il a été (mais dit qu’il n’est plus) membre de la confrérie des Frères Musulmans. Il s’interroge, et interroge, sur la compatibilité de l’islam avec les valeurs de la République, et il donne sa réponse : la foi musulmane, fondamentalement (à condition que cet adverbe n’ait rien à voir avec ceux et celles qui s’affirment « fondamentalistes » dans une mouvance wahhabite militante, intégriste et provocatrice), n’est pas opposable aux valeurs, aux lois, aux traditions qui fondent la culture, évidemment plurielle, la vie quotidienne, incontestablement métissée, et le contrat social, constitutionnellement laïque, de la nation.

Court vêtue, Marie Gauthier (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 20 Août 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Court vêtue, Marie Gauthier, Gallimard coll. Blanche, janvier 2019, 112 pages, 12,50 €

 

Barthes prévenait déjà en 1955, dans sa « Petite sociologie du roman français contemporain »* : « [L]es œuvres de l’esprit circulent très peu : sauf exception, un roman ne voyage pas à travers les différentes couches sociales, il ne dépayse pas, il ne choque pas, et chose encore plus grave, il ne se transforme pas. En somme, le roman ne va jamais trouver que son public, c’est-à-dire le public qui lui ressemble, qui est avec lui dans un rapport étroit d’identité. C’est là un trait grave, dans la mesure où l’on peut concevoir que la fonction de la littérature est précisément de présenter aux hommes l’image vécue de l’autrui. L’œuvre idéale est toujours une œuvre étonnante, et il faut dire que le cloisonnement des publics ne peut logiquement produire que des œuvres rassurantes ». Si nombre de romans contemporains répondent à cette conception, il est, heureusement, des exceptions. Au premier rang desquelles figure, en 2019, Court vêtue.

Le Bruit des tuiles, Thomas Giraud (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 19 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, La Contre Allée

Le Bruit des tuiles, Thomas Giraud, août 2019, 280 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Thomas Giraud Edition: La Contre Allée

 

Considerant, tel est son nom, sans accent sur le « e », fait partie de ces utopistes sans lesquels le monde n’aurait pas exploré les limites d’une utopie imposées par la nature. Parce ce qu’il s’agit d’une utopie que cet ingénieur économiste polytechnicien français aura voulu vivre et faire vivre.

Nous sommes en 1855. Considerant se rend dans quelques villes françaises pour recruter les candidats à une vie nouvelle. Considerant est un disciple de Fourier, et son projet n’est rien moins que fonder une ville « ex nihilo » pour que chacun puisse rapidement jouir d’une vie plus égalitaire et plus paisible. Ainsi a-t-il acheté des terres dans le « nouveau monde », près d’une ville, Dallas, sans les avoir visitées, grâce à un intermédiaire, pour y bâtir une nouvelle ville qu’on nommera Réunion. Son projet séduit des Français qui parfois n’ont plus rien à perdre et des Suisses intéressés par l’idée d’une vie nouvelle. Ces candidats sont dotés d’un enthousiasme proportionnel au désarroi ou à la misère endurée jusque-là. Réunion, c’est pour eux un nouveau départ qui devrait laisser loin derrière eux jusqu’au souvenir des jours difficiles.