Identification

Les Livres

L’invention de la solitude, Paul Auster (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Babel (Actes Sud)

L’invention de la solitude (The Invention of Solitude), Traduit de l’américain par Christine Le Bœuf. 295 p. 8,50 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Babel (Actes Sud)

La virtuosité de Paul Auster à pied d’œuvre nous mène sur les traces de deux romans en un. En UN, c’est-à-dire qu’il y a unité étroite entre les deux, mieux encore que la fusion doit s’accomplir pour entendre vraiment cette œuvre de méditation sur les trois grandes affaires d’Auster en littérature : la mort, la mémoire et le hasard.

La première partie du livre est entièrement consacrée à la mort du père. Dès l’annonce du décès, le narrateur-Auster se donne une obligation absolue d’écrire sur le père. « Avant même d’avoir préparé nos bagages et entrepris les trois heures de route vers le New Jersey, je savais qu’il me faudrait écrire à propos de mon père. Je n’avais pas de projet, aucune idée précise de ce que cela représentait. Je ne me souviens même pas d’en avoir pris la décision. C’était là, simplement, une certitude, une obligation qui s’était imposée à moi dès l’instant où j’avais appris la nouvelle. Je pensais : mon père est parti. Si je ne fais pas quelque chose, vite, sa vie entière va disparaître avec lui ». Ce « vite » entre virgules pose la question centrale du statut de ce travail de l’auteur-narrateur sur la mort du père. « Vite » – sinon je vais oublier moi-même. « Vite » parce que je risque de n’y même plus penser dans quelque temps si je tarde.

Le Clou, Zhang Yueran (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Zulma

Le Clou, août 2019, trad. chinois, Dominique Magny-Roux, 592 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Zhang Yueran Edition: Zulma

 

Le Clou, premier roman traduit en français de Zhang Yueran, nous révèle un univers romanesque à la fois intime et ample, qui nous fait parcourir trois générations chinoises à travers le dialogue de deux amis d’enfance, Li Jiaqi et Cheng Dong, réunis une nuit, après des années de séparation, dans la maison d’un vieillard mourant.

Le récit a une noirceur d’abord presque rebutante, tant la vie des deux jeunes trentenaires semble irrémédiablement gâchée par les errements et les crimes de leurs aînés : existences étouffées dans des pièces encombrées d’humains et d’objets où le passé est enkysté, énigmatique, sous les yeux effrayés et captivés des enfants. Huis-clos sur ce campus de la faculté de médecine où s’est joué le drame de la génération des grands-parents. Horreur feutrée dont les enfants, en grandissant, et au fil des récits et réminiscences qui tissent le récit, nous livrent peu à peu le nœud originel.

Soif, Amélie Nothomb (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Soif, août 2019, 152 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Amélie Nothomb Edition: Albin Michel

 

Parodie d’une société « assoiffée » de trouver son bouc-émissaire pour assouvir son désir d’exercer sa cruauté et de jouir du mal causé, ce nouveau roman d’Amélie Nothomb revisite allégoriquement la mise à mort d’une figure emblématique – celle du Christ – en nous faisant revivre, par la voix de la victime elle-même (celle du narrateur), le dernier jour d’un crucifié (Victor Hugo avait écrit Le dernier jour d’un condamné).

Jésus en personne nous parle dans ce roman au titre éloquent, pour nous offrir un autre visage que celui auquel l’Histoire nous a habitués. Jésus nous parle, à nous lecteurs, et s’adresse aussi plus largement à l’humanité, en dévoilant un visage au plus haut vivant (comme la « soif » éprouvée nous rend vivant). Celui qui se voit accusé par ses propres miraculés de ne pas avoir mesuré toutes les conséquences de ses prodiges, celui qui se révèle doté d’un don extraordinaire, dévoile en même temps et contre toute attente que « rien du mal ne lui est étranger », qu’il éprouve à l’égal du commun des mortels le mépris, la peur, la haine, qu’il connaît l’amour par celle qu’il nomme ici « Madeleine », etc.

Le souci de la terre, Virgile (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Gallimard

Le souci de la terre, Virgile, Gallimard, mars 2019, trad. nouvelle du latin par Frédéric Boyer des Géorgiques, 264 pages, 21 €

 

Qui fut Virgile ? Qui fut réellement Virgile ? Frédéric Boyer le présente magnifiquement, dans Faire Virgile : « Passer de Mantoue à Naples. Chassé du toit paternel et des bords sinueux du Mincio, exproprié un temps de ses terres, garder toujours le souvenir de Mantoue et de ses prairies. Poète né paysan, quitter sa naissance obscure et se faire réapparaître dans un poème en berger chanteur. Avoir lu Hésiode, Théocrite, Caton, Varron. S’intéresser avec eux à la res rustica (la matière agricole) dont on parle beaucoup à présent que l’on prétend occuper aux champs les vétérans désœuvrés des guerres civiles qui ont déchiré la République. Et après que ces guerres ont probablement causé ravages, rapines, famines, destructions des récoltes et des domaines agraires. Être contemporain de Tite-Live et d’Horace. N’avoir que vingt et un ans quand éclate la guerre civile qui conduit à la fin de la République romaine. Apprendre que César est assassiné. Avoir connu ainsi les dernières convulsions de la République romaine et développé son œuvre pendant l’âge augustéen, période de paix et de création, diront les chroniqueurs.

Brûler le Louvre, Didier Goupil (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Brûler le Louvre, Didier Goupil, éditions Zinédi, Coll. Textures, septembre 2019, 122 pages, 12,90 €

 

Didier Goupil, dans ce livre, se fait galeriste. Il accroche à ses cimaises neuf nouvelles. Ou plutôt, comme il le dirait lui-même, neuf impromptus.

Impromptus ? Non pas que ses textes débarquent à l’improviste et soient sans préparation, au contraire ! Ils ont été l’objet de soins délicats, longuement peaufinés, tout en préservant leur candeur : du grand art ! Mais impromptus pour ce qu’ils ont d’inattendu et de léger – de cette légèreté qui confine à l’essentiel.

Délaissant la grande toile du roman (même si les siens n’ont jamais été des pavés), le voici qui « sent monter en lui une envie de fugue » et qui écrit sur des bouts de carton, de nappes en papier, « des petits carrés de vingt centimètres », des scènes de vie liées à des peintres – vivants ou morts, célèbres ou moins connus, et pour certains imaginaires.

Le voici qui « gribouille et peinturlure avec la joie de l’enfance retrouvée ».