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Les Livres

Sanction, Ferdinand von Schirach (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Nouvelles, Gallimard

Sanction, Ferdinand von Schirach, février 2020, trad. allemand, Rose Labourie, 169 pages, 16 € Edition: Gallimard

Généalogie de nos fautes

Cousine du genre romanesque, la nouvelle est un récit bref, tendu, centré autour de peu de personnages et conduisant vers une « chute ». Elle n’est pas qu’un « roman court », comme on le dit parfois. Elle possède ses particularités, l’art de la litote, la capacité de suggérer plutôt que de détailler longuement, et un style épuré, des mots choisis, une écriture à la serpe. Néanmoins, derrière cette économie d’écriture, elle sait dire le drame d’un personnage, évoquer la complexité d’un autre ou encore faire découvrir une situation inédite. Un genre à part entière, trop négligé par le monde de l’édition, à notre goût.

Il est des auteurs amateurs de nouvelles, Maupassant, Stefan Zweig, Alice Munro, pour les plus célèbres. Et c’est le cas de l’auteur allemand Ferdinand von Schirach dont le dernier opus Sanction paraît chez Gallimard dans la Collection Du Monde entier. Comme ses autres recueils de nouvelles, Crimes, Coupables, le livre gravite autour du monde de la justice. Von Schirach est d’ailleurs un célèbre avocat pénaliste outre-Rhin.

Le Poudroiement des conclusions, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Poudroiement des conclusions, Cédric Demangeot, L’Atelier contemporain, février 2020, ill. Ena Lindenbaur, 144 pages, 20 €

 

Faux-semblants

Pour moi, concevoir un livre comme une entreprise de disqualification du poème au profit de la pensée, est une entreprise plutôt saine, salutaire, qui vaut pour elle-même. Car interroger les faux-semblants de la littérature tel que l’écrit Cédric Demangeot, de la poésie notamment, en critiquant son versant « protorococo », finit par aboutir à une expression saillante, mordante si je puis dire, et qui garde quand même une confiance relative dans le pouvoir d’écrire, dans le poème, et aussi dans la lecture conçue comme moment de création pour le lecteur. J’ai du reste pensé aux Aveux et anathèmes de Cioran, lesquels sont également une combinaison d’idées propres à mettre en doute, à décrire une mise en crise des chimères de l’être, et cela au profit d’un certain désespoir et d’une tension vers la hantise du suicide par exemple. J’ai aussi songé aux pages de Nietzsche, de son Zarathoustra, car le philosophe ne fait confiance à personne ni à rien, quand seules quelques créatures bizarres et inadaptées font un dernier ensemble de disciples à son héros en quelque sorte.

Longtemps, j’ai donné raison à Ginger Rogers, Frédéric Vitoux (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 03 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, Grasset

Longtemps, j’ai donné raison à Ginger Rogers, Frédéric Vitoux, janvier 2020, 368 p., 22 euros Edition: Grasset

 

Le titre quelque peu intrigant est issu d’une phrase prononcée, à Central Park et à un inconnu riche et malheureux en ménage, par Ginger Rogers dans le film La Fille de la 5e Avenue (1939), où l’actrice interprète une employée de bureau réduite au chômage : « Peut-être que les gens riches sont juste des gens pauvres avec de l’argent ». Au cours des dix-sept chapitres de son « autobiographie parcellaire », l’académicien Frédéric Vitoux revient sur ses années de jeunesse, au bonheur des étés passés à la villa La Girelle, dans le domaine de La Nartelle, proche de Sainte-Maxime, à son père emprisonné après la guerre à la prison de Clairvaux, pour collaboration avec les forces allemandes, alors qu’il travaillait comme journaliste au Petit Parisien. Un livre écrit en 2000 par Vitoux, L’Ami de mon père, crève l’abcès et a valu à l’auteur nombre d’inimitiés et de sarcasmes.

Le faux-fils, Jean-Louis Mohand Paul (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 03 Avril 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le faux-fils, Jean-Louis Mohand Paul, éditions Al Manar, 2019, 124 pages, 17 €

 

La part de Kabyle

Le début du roman Le faux-fils est dramatique, à l’instar des films du cinéma français juste après-guerre ou de ceux des années 1960, au sein d’un vieil immeuble d’un quartier populaire parisien, surpeuplé, où l’ombre des couloirs dissimule des locataires sujets à bien des privations et des douleurs. L’histoire est celle d’un petit enfant victime du sadisme familial, un peu comme le Antoine Doinel des Quatre Cents Coups de François Truffaut. Ici, l’enfance n’est pas cet îlot de rêve et de bonheur, ce cocon d’amour mais un abandon sans mesure, une jeunesse martyre. La colère, la peur, la crédulité, traversent le petit protagoniste (re)nommé Jean-Pierre, souffre-douleur du couple, ce qui l’entraîne vers une étrangeté radicale. Une revanche à prendre, par l’auteur, pour défendre un enfant amputé par le non-dit et le ressentiment, pour lequel on apprend à ne pas parler, à ne pas dire.

Journaux, Kafka (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 02 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Biographie

Journaux, Kafka, Editions Nous, janvier 2020, première traduction intégrale par Robert Kahn, 840 pages, 35 € . Ecrivain(s): Franz Kafka

 

« Ma consolation est – et je vais me coucher avec elle – que je n’ai pas écrit depuis si longtemps, que donc ce fait de l’écriture ne peut pas entrer en compte pour évaluer ma situation actuelle, mais que cela devrait quand même, avec un peu de force virile, pouvoir s’arranger au moins provisoirement » (2 octobre 1911, Premier cahier).

Pour la première fois un éditeur audacieux propose la traduction intégrale des 12 cahiers qui constituent ces Journaux, écrits par Franz Kafka de 1910 à 1922. Un gros livre de plus de 800 pages, achevé d’imprimer le 17 décembre 2019, jour de la mort de Günther Anders (le 17 décembre 1992 à Vienne, auteur notamment de Kafka pour et contre, Circé, 1990), sur les presses de l’imprimerie Smilkov en Bulgarie. L’écrivain tient un journal, pour lui-même (comme pour ses autres écrits, il avait demandé à Max Brod de les détruire), journal de ce qu’il vit, ressent, rêve, voit – « Forte ondée. Mets-toi en face de la pluie, laisse les rayons d’acier te pénétrer, glisse-toi dans l’eau qui veut t’emporter, mais reste quand même, attends ainsi debout le soleil qui surgit soudainement et sans fin » –, de ce qu’il imagine.