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Les Livres

Correspondance 1981-2017, Pierre Bergounioux, Jean-Paul Michel (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance, Verdier

Correspondance 1981-2017, Pierre Bergounioux, Jean-Paul Michel, 224 pages, 17 € Edition: Verdier

 

D’aucune manière tu ne dois douter de ceci : nos livres nous auront gardés ce que nous sommes, dans les pires incertitudes du temps, si inconfortables qu’il ait pu nous être donné de le connaître. Au moins n’aurons-nous jamais écrit rien que de nécessaire, chacun de notre côté, et quasi depuis l’enfance, « montant sur toute chose comme sur un cheval ».

Ce que dit là Jean-Paul à son correspondant et ami Pierre, ce 7 décembre 2007, rappelle bien sûr cette amitié de longue date, née et nourrie d’enfance, entre deux Corréziens, devenus écrivains, l’un et l’autre, et chacun avec une œuvre copieuse. Pour eux qui ont connu « l’ivresse sans vin de la jeunesse » (p.27), leurs « 16 ans », le temps est une matière qui lie, resserre les âmes, les esprits, alimente la ressource de vie. À chaque publication, les deux amis se donnent rendez-vous épistolaire, commentent le livre, décortiquent les enjeux fixés.

à propos de Les Pseudonymes, Jean-Louis Mohand Paul (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Pseudonymes, Jean-Louis Mohand Paul, éditions Ressouvenances, 2017, 15 €

Contre l’oubli

Dans le roman de Jean-Louis Mohand Paul, le sujet est un sujet exhumé, par fragments, « des restes de traumatisme [enterrés] sous la cendre ». L’on pense au vécu d’abandonnique, concept développé par Frantz Fanon, s’appuyant sur la rupture avec le père ou la mère, ou le pays d’origine. Pour compenser la perte, le déni, des noms d’emprunts sont choisis par la personne – noms de plume pour les auteurs –, un pseudo, un autre « je », né deux fois. En lisant le début de ce récit, l’on ne peut s’empêcher de faire un lien entre la tuberculose et le coronavirus, la souffrance (la sous-France), où des malades « toussant, désincarnés (…) des Arabes aussi » sont placés en confinement dans des hospices « d’infortune ». Du flottement autour des dates (les Algériens n’ayant pas bénéficié, durant l’occupation coloniale, d’état-civil précis), des « salaires de misère », envoyés au bled, « ponctionnés pour moitié en Algérie », tout atteste de l’horrible situation du dominé. Néanmoins, il y a de la beauté, alliée ici à beaucoup de tendresse, dans les passages qui évoquent des « tapis, poteries, bijoux » colportés à dos d’hommes, de « la langue, la musique, les chansons, les mélopées » qui se « transmutent » (le terme de l’auteur), en références sacralisées du cœur de la filiation kabyle.

Régression, Fabrice Papillon (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Régression, Fabrice Papillon, octobre 2019, 455 pages, 20,90 € Edition: Belfond


C’est pure coïncidence évidemment si ce gros roman qui met en scène une forme originale de possible fin du monde, publié en octobre 2019, m’a été envoyé par l’éditeur peu avant le déclenchement de la pandémie due au Covid-19.

Rien à voir donc avec la triste actualité, simple hasard éditorial.

Toujours est-il que l’ambiance générale inquiétante de ce printemps 2020 résonne étrangement à la lecture de ce récit d’apocalypse dont l’avant-dernier épisode est daté… le 25 février 2020, soit 4 ou 5 mois après la publication du livre. Bon ! N’allons pas croire à la prémonition ! Mais la concomitance devait être signalée.

Le jour du chien qui boite, Werner Lambersy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Henry

Le jour du chien qui boite, janvier 2020, 36 pages, 8 € . Ecrivain(s): Werner Lambersy Edition: Editions Henry

 

Ce nouvel opus de Werner Lambersy est un credo, un livre de prières adressé au monde dans le désir vivant de le voir s’accomplir à hauteur d’humanité, mû par l’amour (« L’amour est l’échelle de secours »), la fraternité, grandi par la beauté. Le constat du poète est lourd de déceptions et d’amers états des lieux mais s’il s’en remet à Celui qui pour certains créa le monde, c’est que l’espoir reste vivace :

« Seigneur puisque tu n’existes pas

Je me confie à toi »

Marginal, désœuvré, sans domicile fixe, après avoir « traversé, brisé ce jour du chien qui boite », l’homme qui s’exprime encore ici a entendu « que le monde n’a pas besoin de poète » et cependant affirme que la beauté a besoin qu’on la voie, « même si ce n’est que son ombre emportée ». Et ce recueil fait entendre l’écho de cette ombre emportée sous le feuillage du retrait qui fait silence pour mieux écouter et faire entendre le monde bruissant alentour qui ne cesse de veiller et de nous mettre en tension pour se sentir vivre.

Tandis que j’agonise, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying, 1930), trad. américain Maurice-Edgar Coindreau, 246 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Il faut une certaine audace pour écrire encore sur l’un des romans les plus célèbres et commentés de l’histoire littéraire universelle. Dans tous les cas, il faut au moins avoir quelque chose de nouveau à dire sur cette œuvre – si c’est possible.

C’est là une troisième lecture de cette œuvre de Faulkner. Comme toujours avec cet auteur, aucune lecture réitérée de l’un de ses romans n’est une RE-lecture. On lit, à chaque fois, un autre livre. On suit à chaque fois, un autre fil de narration. On découvre, à chaque fois, des lumières et des ombres qui nous avaient échappé. Mais toujours, toujours, la magie fascinante de l’écriture faulknérienne opère.

On peut dire, après d’autres, que Tandis que j’agonise est une « épopée » burlesque, traversée de scènes du plus haut comique. Certes, ni les personnages, ni la famille Brunden dans sa profonde misère matérielle et morale, ni les événements rapportés n’incitent a priori au rire. La matrone de cette improbable famille qui meurt au son du cercueil que son fils Cash fabrique pour elle est une scène a priori plutôt sinistre. Et c’est dans ce fil paradoxal, cette crête étroite entre tragédie et comédie, que Faulkner nous convie et nous hallucine.