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Les Livres

Fille, Camille Laurens (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 18 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Fille, mars 2020, 240 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Camille Laurens Edition: Gallimard

 

Camille Laurens se livre ici à l’exercice ardu de l’œuvre autobiographique, dans sa version récit d’enfance et de jeunesse, exercice ardu parce que le texte doit être – ou apparaître – à la fois sincère et pas ennuyeux. L’équation est réussie, grâce au style si personnel de l’auteure, à la structure du livre et au mode d’énonciation choisi.

Ainsi, le roman est constitué de trois parties correspondant aux trois âges de la vie de la narratrice : Laurence-fille (la plus longue) ; Laurence-femme (la plus courte) ; Laurence-mère, suivie d’un court épilogue. Trois voix énonciatives s’entremêlent : le « je » de l’autobiographie, le « elle » de la narration, le « tu » de la complicité et de la confidence. « Tu nais d’un mot comme d’une rose, tu éclos sous la langue » ; « Enfin, elle a ses règles, presque un an après tout le monde » ; « Je me regarde dans le miroir de la salle de bains, les cheveux mouillés, sans maquillage, je ressemble de plus en plus à mon père ». Le roman commence et se termine avec le « tu », l’adresse directe au « moi » qui parcourt les pages : « Tu cherches à comprendre mais tu ne sais pas quoi ».

En avant la chronique, Philippe Chauché (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Anthologie, Editions Louise Bottu

En avant la chronique, Philippe Chauché, Éd. Louise Bottu, mai 2020, 174 pages, 16 € Edition: Editions Louise Bottu

 

Dès la lecture des premières chroniques de Philippe Chauché, initialement parues sur le site de La Cause littéraire, et que les belles Éditions Louise Bottu rassemblent ici, le lecteur sait qu’il est face à une véritable écriture. Cela pourrait paraître étrange pour qui distingue l’écriture de « l’écrivance », les écrivains et les « écrivants » – néologisme par lequel Roland Barthes désignait ceux pour qui « le langage n’est qu’un instrument » (1) et non pas une fin en soi, comme c’est le cas pour les écrivains. Pourtant, le critique que l’on lit dans ces pages fait de l’exercice auquel il se livre depuis de nombreuses années un véritable travail d’écriture. En ce sens, il illustre ce que le théoricien Florian Pennanech a démontré dans une récente étude intitulée Poétique de la critique littéraire, De la critique comme littérature : « Le métatexte a ses procédés propres, qui peuvent l’amener à se déployer de façon relativement autonome. Il n’est pas nécessairement le simple ‘prolongement’ naturel d’un texte, non plus que l’humble serviteur, caméléon ou transparent, stérile ou parasitaire. Il n’est pas nécessairement non plus un sous-texte, mais éventuellement un texte à part entière, avec ses propres modalités et, il ne me déplaît pas de finir par-là, sa propre créativité » (2).

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu, éd. Lanskine, février 2020, 200 pages, 18 €

Poésie et narration

Il devient vite évident, à la lecture du dernier livre de Florence Pazzottu, que sa vision est double. Il s’agit, je crois très nettement, de faire un poème et de faire un récit de soi. Narrer sa personne, et à partir de cette dernière, englober la réalité saillante de l’autrice prise à la fois dans son existence et son écriture. Cette écriture oscille entre poésie et chronique, ou plutôt se défait de son geste au sein de sa rédaction. Elle raconte tout autant qu’elle exerce une langue, disons, chantée – pour décrire ce mouvement qui appartient aux vers. On ne quitte pas le fond des scènes qui occupent la poétesse.

Ainsi, son texte complète mieux sa personne, l’explique, la justifie, l’organise, la rend dialectique. Là est l’occasion de décrire, un peu à la Rohmer, 45 épisodes des amours compliquées d’une femme – sans doute l’écrivaine mais dépeinte en fragments – qui transitent par des SMS, lesquels se transforment en annales savantes, ou pour aborder ailleurs dans le recueil les traumatismes d’une petite fille – que l’on devine comme celle de l’enfance de Florence Pazzottu – où tout se ferme sur une expression double.

Le Temps et le fleuve, Thomas Wolfe (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 10 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Âge d'Homme

Le Temps et le fleuve (1935), trad. USA Camille Laurent, 782 pages . Ecrivain(s): Thomas Wolfe Edition: L'Âge d'Homme

 

Ce livre est un fleuve, un fleuve en crue qui déborde de partout. Pendant près de 800 pages, son cours ne s’interrompt jamais et la pression du courant ne se relâche pas sur le lecteur. Thomas Wolfe donne l’impression que c’est lui-même qui n’est pas capable d’endiguer le flot de mots qui le submerge. Et pourtant quelle maîtrise. Il déverse des longues phrases, comme s’il voulait rendre compte du réel dans ses moindres détails. Chaque rencontre avec un personnage est le prétexte à dresser un portrait qui s’étend sur trois, quatre, cinq pages, voire plus. Et quels personnages ! A l’instar de ce père tailleur de pierres atteint d’un cancer, mais qui ne meurt pas, ou du truculent oncle, un prédicateur, qui est aussi érudit qu’il a l’air fou.

Tous les lieux sont décrits avec minutie, comme s’il fallait les assécher, qu’il n’existe plus aucune autre possibilité de les saisir. On en fait un tour si complet qu’il ne reste plus rien à dire. On sait tout, on visualise tout, sous tous les angles possibles. De même, une conversation peut s’étendre sur des pages et des pages, comme s’il fallait rapporter tout ce qui a été échangé.

L’usurpateur, Jørn Lier Horst (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 10 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

L’usurpateur, Jørn Lier Horst, février 2020, trad. norvégien, Céline Roman-Monnier, 346 pages, 8,49 € Edition: Folio (Gallimard)

 

À l’approche de noël, William Wisting, le commissaire de police de Larvik, et son équipe (Espen Mortensen (police scientifique), Nils Hammer, Torunn Borg, Benjamin Fjeld, Christine Thiis (substitut du procureur), se retrouvent à enquêter sur deux morts découverts dans la petite ville de Stavern au sud-est de la Norvège. Ces deux personnes sont décédées depuis quatre mois. L’une, Viggo Hansen, qui habitait à deux pas de la maison de Wisting est retrouvée momifiée, la peau desséchée, chez elle devant sa télévision allumée. L’autre en cours de décomposition, à moitié dévorée, gisait près du Lac Farris dans une sapinière où elle a été trouvée par des personnes venant couper un sapin pour noël.

Line, la fille de Wisting, journaliste, est très émue par le sort de la première personne, morte dans la solitude oubliée du voisinage, à quelques maisons de chez elle, et décide de faire une enquête à connotation sociologique sur les personnes seules, pour le quotidien VG (Verdens Gang).