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Les Livres

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Mercure de France

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour, juin 2020, 128 pages, 8 € Edition: Mercure de France

 

Ce petit ouvrage s’inscrit dans l’air du temps : voici un florilège de trente textes en faveur de la défense des animaux et de l’égalité entre les espèces, pour le bien-être animal et la préservation de la planète. Pour autant, Brigit Bontour privilégie le débat d’idées et n’a pas hésité à sélectionner des textes qui dévalorisent les animaux par rapport à l’homme (Descartes et l’animal-machine dans son Discours de la méthode), qui le présentent comme grotesque ou ridicule (Ysengrin dans Le Roman de Renart) ou qui font l’apologie d’une activité mettant l’animal en danger (Hemingway décrivant les scènes de corrida dans Le Soleil se lève aussi).

On sent bien néanmoins que les goûts de l’auteure la portent vers l’antispécisme, sur le modèle du récent texte d’Aymeric Caron (Antispéciste. Réconcilier l’humain, l’animal, la nature, Le Seuil, 2016-17), qui prône un animal à l’égal de l’homme, avec des droits (et des devoirs ?). D’autres défenseurs de la cause animale, tels la philosophe Elisabeth de Fontenay ou l’éthologue Boris Cyrulnik, sont également cités. Les auteurs qui n’auraient pas été présentés figurent dans la bibliographie succincte de la fin de l’ouvrage.

Je te protégerai, Peter May (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Actes Noirs (Actes Sud)

Je te protégerai, Peter May, mai 2020, trad. Ariane Bataille, 432 pages, 9,80 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Un couple de fabricants de tissus, originaire des Hébrides extérieures, de l’île de Lewis plus précisément, en Écosse, se rend à Paris au Parc des Expositions, au Salon Première Vision, pour y présenter leur collection. C’est un endroit très fréquenté par le petit monde de la mode qui va décider des nouvelles tendances de l’année. Ruairidh Macfarlane et son épouse Niamh fabriquent sur leurs métiers à tisser le Ranish Tweed, un tissu très proche du fameux Harris Tweed. Ils sont descendus au Crowne Plaza, Place de la République. Alors que Ruairidh prétend avoir une signature chez YSL, Niamh reçoit un texto qui la met en colère : « Votre mari a une liaison avec Irina Vetrov. Demandez-lui ». Irina Vetrov est une styliste très en vue, d’origine russe. Alors qu’elle suit à pied la Mercedes dans laquelle sont montés son mari et Vetrov, qu’elle passe devant le Fluctuat Nec Mergitur sans quitter la voiture des yeux, qu’elle s’en approche, alors qu’elle est arrêtée au feu, puis qu’elle la perd tandis qu’elle tourne, Niamh se retrouve aveuglée par un puissant éclair, assourdie par une déflagration. Au moment où elle reprend ses esprits, elle constate que c’est la voiture de Ruairidh et Irina qui a explosé.

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer, Gallimard, Coll. Tel n°428, février 2020, trad. anglais (USA) Bertrand Vergely, 406 pages, 13,90 €

 

Le Mythe de l’État fait partie de ces livres qui portent pour ainsi dire inscrites sur le front les circonstances particulières de leur rédaction, ne serait-ce que par la langue dans laquelle ils ont été composés. Né en 1874, Ernst Cassirer était issu d’une famille d’industriels juifs aussi assimilés à l’Allemagne qu’il est possible de l’être. Éditeur de Kant et de Goethe, il incarnait les valeurs et les traditions de l’université allemande, jusque dans leurs aspects quelque peu ridicules, à nos yeux en tout cas, en matière de decorum. Cassirer croyait à la permanence de ces valeurs, de ces traditions, d’un ordre de l’esprit et, comme tous ceux qui croient à ce genre de choses, il se trompait. Après 1933, il s’exila au Royaume-Uni, en Suède, puis aux États-Unis. Il était né sous Bismarck, alors que le cheval était le seul moyen de transport terrestre alternatif à la marche. Il mourra pendant l’effondrement du IIIe Reich, alors que d’autres exilés allemands fignolaient les bombes atomiques qui seront lâchées par avion sur le Japon. Cela dit assez l’ampleur des bouleversements qu’il vécut. Le Mythe de l’État fut rédigé en anglais, la langue de l’exil.

Darrigade, Christian Laborde (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Les éditions du Rocher

Darrigade, août 2020, 288 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Les éditions du Rocher

« Je suis de l’Adour, de Narrosse, de Dax, des chemins bordés de haies, des clairières et des bosquets, du soleil généreux, de la pluie, des bêtes paisibles, et d’une métairie. Et je voulais aider mes parents qui travaillaient la terre d’un autre. Comment les aider : en étant à mon tour métayer ? Non. Il me fallait partir et réussir. Comment réussit-on, quand on est Landais et fils de métayer ? On devient torero ou champion cycliste.

Je m’appelle André Darrigade et j’ai pris le vélo par les cornes ».

Christian Laborde écrit Darrigade, et l’on entend le roman du vélo, l’éloge des Landes et du gascon, l’épopée du Tour de France. Darrigade est une ode à des instants précieux, à des hommes de qualité qui sprintent vers la gloire, à cette langue qui s’envole sur les routes de Chalosse, et dans les cols Pyrénéens. Christian Laborde écrit Darrigade, comme l’immense poète gascon Bernard Manciet écrivit Per el Yiyo (1), un hommage vivant et vibrant à un rouleur, un sprinteur, un coureur au swing unique, exceptionnel, comme celui chanté par un chœur antique, au torero El Yiyo, né à Bordeaux et tué par le taureau Burlero, dans les arènes de Colmenar Viejo en Espagne. Dédé-de-Dax roule, il roule comme l’orchestre de Duke Ellington, sérieux et fou à la fois, ses envolées sur les circuits et les routes du Tour sonnent comme les solos de Paul Gonsalves.

Œuvres, Georges Duby en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, La Pléiade Gallimard

Œuvres, Georges Duby, Gallimard, Coll. Bibliothèque de la Pléiade n°641, septembre 2019, édition de Felipe Brandi, préface Pierre Nora, 2080 pages, 72,50 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Quand il trouve un fragment de pot sur le site d’un village déserté, le chercheur est au plus proche de la vérité », avance Georges Duby, avant d’ajouter : « Dès qu’il tente d’interpréter, il s’en éloigne. […] Que les amateurs de récits historiques ne perdent jamais cet élément de vue : ils sont toujours en face de la confession personnelle d’un historien, qui leur livre son émotion individuelle ressentie face aux traces du passé. Pas davantage ». En outre, ajoute l’historien dans un inédit datant de 1980, le témoin (que l’on pense à Lambert d’Ardres, à Guillaume le Breton, à Raoul Glaber, que l’on songe à tous les auteurs convoqués dans L’An mil), le témoin « n’est jamais neutre », quand bien même il le voudrait. « Sa propre culture déteint sur ce qu’il rapporte, et l’empreinte déforme d’autant plus que le témoin est savant ou croit l’être, et qu’il se mêle d’interpréter lui-même, dans la grande liberté que lui vaut le sentiment de dominer de la hauteur de sa science les objets culturels, fragiles, qu’il récolte ». En conséquence, tout document, y compris celui donnant le plus corps à une supposée neutralité (ainsi les chartes ou les inventaires), ne livre à l’historien qu’une représentation déformée, gauchie de la réalité.