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Les Livres

Où va l’argent des pauvres, Denis Colombi (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Payot

Où va l’argent des pauvres, Denis Colombi, janvier 2020, 21 € Edition: Payot

 

Si l’auteur ne met pas de point d’interrogation à son titre, c’est probablement qu’il a trouvé une sorte de réponse quelque part doublement rassurante et angoissante : les pauvres ont-ils le droit ou même les facultés nécessaires à dépenser l’argent qu’on leur « donne » ? Mais l’argent n’est-il pas à tous et qu’en font donc les personnes si pas riches au moins « non pauvres » ? Répondre à la question c’est aussi repenser la consommation de la classe moyenne : « …les pauvres et l’argent. Deux sujets sur lesquels les considérations morales vont bon train, où l’on est plus prompt à prononcer un jugement qu’à chercher à comprendre. Deux entités marquées par un soupçon d’immoralité. Aux premiers, on reproche implicitement de ne pas être capable de se contrôler, de se retenir ou de faire les bons choix. Du second, on craint l’effet corrupteur, le pouvoir séducteur, et la transformation d’honnêtes travailleurs en oisifs professionnels… ».

La Goulue, Reine du Moulin Rouge, Maryline Martin (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Les éditions du Rocher

La Goulue, Reine du Moulin Rouge, Maryline Martin, 227 pages, 8,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Les personnages emblématiques de La Belle Époque sont souvent reliés au monde du spectacle, des arts, de la danse. Ainsi en va-t-il de La Goulue, cette danseuse célèbre de Montmartre, qui a animé les soirées des cabarets et salles de music-hall.

Maryline Martin, dans la biographie qu’elle consacre à ce personnage haut en couleur, s’attache aux étapes de son parcours, à ses rencontres, à sa personnalité aux multiples aspects. Louise Weber, son état-civil véritable, est une petite fille curieuse dès le plus jeune âge : blanchisseuse à seize ans, elle n’a de cesse que de s’échapper du cercle familial pour aller s’initier à la danse. Les premières étapes de cette plongée dans cet univers, c’est son père Dagobert qui les organise : elle apprend le chahut, ancêtre du cancan, l’art de lever la jupe. Elle veut faire mieux que Marguerite Bade dite Rigolboche, qui est capable de retrousser ses jupons jusqu’à la taille pour dégager sa jupe. Plus tard, en 1882, elle pousse la porte du Bal Debray, un établissement où elle va rencontrer un certain Valentin. Elle sera son partenaire de danse pendant neuf années…

Les douze tribus d’Hattie, Ayana Mathis (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les douze tribus d’Hattie (The twelve tribes of Hattie, 2012), Gallmeister, 2017, trad. anglais (USA), François Happe, 321 pages, 9,80 € . Ecrivain(s): Ayana Mathis

 

Cet été, je serai parisienne. Un titre ou une intention. J’ai décrété que je devais écrire. Connaître mes voisins. Décrire mes voisins, partager avec eux davantage, organiser même une rencontre, pour ceux qui restent, désirer mieux les comprendre tel l’avocat qui chercherait des circonstances pour. Et puis non ! j’ai craqué. Sans doute à cause de l’absence d’épaisseur entre nous.

J’ai balancé toutes ces louables intentions dès le lendemain matin, affirmant haut et fort que je n’avais aucun désir de les côtoyer. Car assurément la vie en collectivité n’était pas leur principale motivation, valeur ou vertu, il faudra que je réfléchisse davantage au mot approprié. Encore un mode d’emploi oublié du plus grand nombre !

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet, Héloïse d’Ormesson, juin 2020, 368 pages, 20 €

 

Dans un récit précédent, Lorraine Fouchet se concentrait sur la figure du père. Dans J’ai failli te manquer, elle adopte la forme du roman pour exorciser les démons qui ont envenimé ses relations compliquées avec sa mère. Après la mort de celle-ci, l’auteur réussit cette prouesse de transmuer les conflits persistants qui ont jalonné leurs rapports, en un récit réjouissant et pouvoir enfin respirer et exister par et pour elle-même à travers l’écriture qui devient son lieu d’accueil. Pour cela, l’auteur en tisserande des mots va broder une tapisserie dont on verra les deux faces : l’endroit, celle bien lissée, bien ordonnée, offerte au regard, et l’envers, celle bien cachée, qui laisse transparaître tout ce qu’on veut cacher : les nœuds, les défauts, les méprises, les ratés.

Lorraine Fouchet réussit à élaborer une stratégie d’écriture tout à fait originale et très habile. Le roman est structuré autour de trois voix : celle de la mère, le personnage central ; celle de la fille, qui devient une caisse de résonnance ; le troisième moteur de cette saga est le mari, mais aussi le père, une figure fantôme omniprésente, qu’il est impossible d’effacer car il sert de tampon et de médiateur entre les deux personnages féminins.

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer, 120 pages, 16 € Edition: Editions Maurice Nadeau

Le long monologue post mortem, dégoulinant de souffrance et de haine de soi, des autres et du monde, émis par une jeune femme qui raconte à la première personne son douloureux parcours existentiel depuis sa naissance non désirée par sa mère jusqu’à son internement en asile d’aliénés à la demande expresse de sa famille. Dépassant le classique dédoublement de personnalité, Gudrun, la narratrice, se « détriple » en Blandine d’une part, en Esther d’autre part.

Gudrun, Esther, Blandine sont les trois prénoms reçus à la naissance, trois noms que la narratrice va incarner à tour de rôle, littéralement, chacune jouant son propre rôle singulier dans le cours chaotique d’une existence tri-personnelle, et dans la profusion en apparence incohérente d’un poignant discours narratif.

Les parents de Gudrun Kortekamp et de son frère Friedrich, propriétaires terriens allemands, au lendemain de la première guerre mondiale quittent leur pays par crainte de l’instauration du socialisme avec l’espoir de trouver meilleure fortune aux Etats-Unis où ils rachètent des terres. Lorsque le nazisme s’installe au pouvoir, enthousiasmés par la perspective du triomphe universel du troisième Reich millénaire, ils rentrent, reprennent leur ancienne propriété, et manifestent ouvertement leur adhésion à la montée totalitaire et génocidaire du pangermanisme.